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10/05/2012 | FRANCE | N°11LY02482

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 mai 2012, 11LY02482


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 14 octobre 2011, présentée pour Mme Houda A épouse B, domiciliée ... ;

Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103583 en date du 21 septembre 2011, en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère, du 28 mars 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ;

2°)

d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 14 octobre 2011, présentée pour Mme Houda A épouse B, domiciliée ... ;

Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103583 en date du 21 septembre 2011, en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère, du 28 mars 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant ; qu'il appartenait aux premiers juges, ensuite de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et que, par suite, c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions aux fins d'injonction ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations ;

Vu la décision du 18 novembre 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a refusé le bénéfice de l'aide juridictionnelle à Mme B ;

Vu l'ordonnance sur recours du président de la Cour administrative d'appel de Lyon, du 7 décembre 2011, rejetant le recours formée par Mme B contre cette décision ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2012 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que Mme Houda A épouse B, ressortissante tunisienne née le 26 août 1967, est entrée régulièrement sur le territoire français le 1er décembre 2007, accompagnée de ses deux enfants mineurs nés en 1993 et 1998, pour rejoindre son époux ; qu'elle a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux dans ce pays, où ses enfants sont scolarisés et où sa fille aînée, qui souffre de troubles du comportement, bénéficie d'une prise en charge médicale spécialisée et faisait, à la date de la décision en litige, l'objet d'une mesure d'action éducative en milieu ouvert ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante a vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine, où résident notamment ses parents et ses frères et soeurs ; que son époux, de même nationalité qu'elle et condamné pour viol en 2004, se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français, après avoir été sous le coup d'une interdiction temporaire du territoire de trois ans, prononcée à son encontre par le Tribunal correctionnel de Nice, le 13 juillet 2007 ; que si la requérante soutient que la mesure d'assistance éducative dont sa fille fait l'objet nécessite qu'elle demeure en France, la décision par laquelle le préfet de l'Isère a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme B n'a, par elle-même, ni pour objet, ni pour effet de l'éloigner du territoire français et par suite de la séparer de sa fille ; qu'ainsi, eu égard aux effets d'une mesure de refus de délivrance de titre de séjour et aux circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère, du 28 mars 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des articles L. 512-1 et L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que si une mesure d'éloignement est annulée par le juge administratif, l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 28 mars 2011 du préfet de l'Isère portant obligation à Mme B de quitter le territoire français ; qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, il appartenait au Tribunal, qui avait été saisi par la requérante de conclusions tendant à ce qu'il soit fait injonction au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation, de fixer le délai dans lequel sa situation devait être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de l'Isère de délivrer, dans le délai de quinze jours, à Mme B une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ayant été refusé à Mme B, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que, par suite, les conclusions présentées sur le fondement sur de ces dispositions ne peuvent qu'être écartées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1103583, rendu le 21 septembre 2011, par le Tribunal administratif de Grenoble est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions présentées par Mme B tendant à ce qu'il soit fait injonction au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme B dans le délai de quinze jours et de se prononcer à nouveau sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Houda A épouse B, au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2012 à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président,

M. Rabaté, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2012.

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N° 11LY02482


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 10/05/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11LY02482
Numéro NOR : CETATEXT000025916509 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-05-10;11ly02482 ?
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