Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2011, présentée pour M. et Mme Jean-François Patricia A, domiciliés ...;
M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1005091 du 21 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble les a condamnés au paiement d'une amende de 500 euros et a décidé qu'ils devaient libérer sans délai la servitude de marchepied grevant la parcelle dont ils sont propriétaires au bord du lac Léman, sous astreinte de 50 euros par jour de retard en cas d'inexécution dans le délai d'un mois ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le fait de ne pas entretenir le marchepied serait de nature à fonder l'établissement d'une contravention de grande voirie, dès lors que les dispositions de l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques ont pour seul objet d'empêcher les propriétaires d'élever des obstacles de nature à empêcher l'exercice du marchepied ; qu'une telle servitude n'impose aucune obligation de faire, et en particulier aucune obligation d'entretenir la servitude ; que leurs agissements ont été motivés par la position prise par l'administration en novembre 2009, qui avait considéré comme régulier le tracé de la servitude de marchepied ; que l'administration les a ainsi induits en erreur ; que la position de l'administration, notamment quant au fait de savoir si la haie est située dans la servitude de marchepied, est changeante ; qu'en tout état de cause, le passage n'est pas obstrué par une haie ; que le pied de la haie est situé à plus de 3,25 mètres de la limite du domaine public fluvial, tel qu'il apparaît au cadastre ; que le muret séparant la grève de la partie engazonnée de leur propriété ne peut tenir lieu de limite du domaine public fluvial ; que les dispositions précitées ne prévoient qu'une interdiction de plantation ou de construction, et non d'élevage des oies, comme il leur a été reproché ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2011, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que si les riverains n'ont pas à entretenir le cheminement, ils doivent veiller à ne pas entraver le passage des piétons sur la servitude de marchepied ; qu'en n'entretenant pas leur haie, qui a ainsi pu empiéter sur le passage, les requérants ont méconnu leurs obligations ; que la présence d'animaux agressifs peut être considérée comme un obstacle au bon usage de la servitude ; que seules la force majeure ou la faute de l'administration, assimilable par sa gravité à une telle force majeure, seraient de nature à permettre de décharger l'auteur d'une contravention de grande voirie de toute condamnation ; que la contravention de grande voirie repose sur une infraction objective qui ne requiert aucun élément intentionnel ; qu'en l'espèce, seule la modification du comportement des requérants par rapport au taillage de la haie a pu motiver la modification du comportement de l'administration ; qu'aucune faute de l'administration n'est démontrée ; qu'il n'est pas contesté que le pied de la haie ne se situe pas dans la servitude de marchepied, seule l'absence d'entretien de la haie posant problème ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 mars 2012, présenté pour M. et Mme A, qui persistent dans leurs conclusions, en soutenant en outre qu'aucune impossibilité de circuler n'est avérée ; que les documents établis par le géomètre expert démontrent que l'arbuste incriminé n'est pas situé dans la servitude de marchepied ; que l'attitude fautive de l'administration, qui, à plusieurs reprises, a modifié sa position, est de nature à justifier qu'ils soient mis hors de cause ; que, pour le même motif, il y a lieu de lever l'astreinte fixée à leur encontre ;
Vu la note en délibéré présentée le 29 mars 2012 pour M. et Mme A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2012 :
- le rapport de M. Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,
- et les observations de Me Garrigues, représentant M. et Mme A ;
Considérant que M. et Mme A relèvent appel du jugement du 21 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble les a condamnés, sur la saisine du préfet de la Haute-Savoie, au paiement d'une contravention de grande voirie de 500 euros et leur a enjoint de libérer sans délai la servitude de marchepied grevant la parcelle dont ils sont propriétaires au bord du lac Léman, sous astreinte de 50 euros par jour de retard en cas d'inexécution dans le délai d'un mois ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les propriétaires riverains d'un cours d'eau ou d'un lac domanial ne peuvent planter d'arbres ni se clore par haies ou autrement qu'à une distance de 3,25 mètres. Leurs propriétés sont grevées sur chaque rive de cette dernière servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied./ Tout propriétaire, locataire, fermier ou titulaire d'un droit réel, riverain d'un cours d'eau ou d'un lac domanial est tenu de laisser les terrains grevés de cette servitude de marchepied à l'usage du gestionnaire de ce cours d'eau ou de ce lac, des pêcheurs et des piétons. (...)Une commune, un groupement de communes, un département ou un syndicat mixte concerné peut, après accord avec le propriétaire du domaine public fluvial concerné, et le cas échéant avec son gestionnaire, entretenir l'emprise de la servitude de marchepied le long des cours d'eau domaniaux. " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-16 du même code : " En cas de manquements aux dispositions de l'article L. 2131-2, les contrevenants sont tenus de remettre les lieux en état ou, à défaut, de payer les frais de la remise en état d'office à la personne publique propriétaire./ Le contrevenant est également passible de l'amende prévue à l'article L. 2132-26. " ; que l'article L. 2132-26 dudit code dispose : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal./ Dans tous les textes qui prévoient des peines d'amendes d'un montant inférieur ou ne fixent pas le montant de ces peines, le montant maximum des amendes encourues est celui prévu par le 5° de l'article 131-13./ Dans tous les textes qui ne prévoient pas d'amende, il est institué une peine d'amende dont le montant maximum est celui prévu par le 5° de l'article 131-13. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " Le montant de l'amende est le suivant : (...) 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit. " ; qu'il ressort du procès-verbal dressé le 15 septembre 2010, que l'agent assermenté a estimé que M. et Mme A avaient méconnu la servitude de marchepied grevant leur propriété située au bord du lac Léman, en raison de l'obstruction partielle du passage par une haie ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à supposer que le pied de la haie litigieuse soit situé en dehors de la servitude de marchepied, sa présence ne permet pas d'assurer un passage de 3,25 mètres entre celle-ci et la bordure du domaine public ; que, si l'entretien de la servitude de marchepied n'incombe pas aux propriétaires, en application des dispositions précitées, ceux-ci sont toutefois tenus de veiller à ce que les haies situées sur leur terrain n'empiètent pas sur cette servitude ; qu'ainsi, et alors même que le passage sur leur propriété est possible, la réalité de l'infraction est établie ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si le procès-verbal de contravention précise que le passage sur la propriété de M. et Mme A est dangereux à cause de la présence de trois oies, cette circonstance ne peut être regardée comme constituant le motif de la contravention de grande voirie infligée aux requérants ;
Considérant, enfin, que l'infraction aux règles précitées du code général de la propriété des personnes publiques provenant de l'absence d'entretien des haies, M. et Mme A ne peuvent se prévaloir de la faute qu'aurait commise l'administration en leur indiquant, en novembre 2009, que l'implantation de cette haie était satisfaisante ; que, par ailleurs, si M. et Mme A font valoir qu'ils ont taillé la haie en exécution du jugement, cette circonstance, si elle pourrait être de nature à justifier que l'astreinte mise à leur charge ne soit pas liquidée, n'a d'incidence ni sur la constatation de l'infraction au jour du procès-verbal, ni sur la mesure d'injonction que le Tribunal administratif a prononcée au regard de la situation de fait à la date de son jugement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble les a condamnés à payer une amende et leur a enjoint de libérer sans délai la servitude de marchepied ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2012, où siégeaient :
- M. du Besset, président de chambre,
- Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
- M. Besse, premier conseiller ;
Lu en audience publique, le 26 avril 2012.
''
''
''
''
2
N° 11LY02328
nv