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26/04/2012 | FRANCE | N°10LY01057

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 26 avril 2012, 10LY01057


Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2010, présentée pour la COMMUNE DE LA CLUSAZ, représentée par son maire ;

La COMMUNE DE LA CLUSAZ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502069 du 2 mars 2010 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société d'économie mixte de développement de la Haute-Savoie ;

2°) de condamner la société d'économie mixte de développement de la Haute-Savoie (SEDHS) à lui verser la somme de 625 818,20 euros en réparation des désordres affectant le centre n

autique ;

3°) de mettre à la charge de la SEDHS une somme de 10 000 euros au titre de ...

Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2010, présentée pour la COMMUNE DE LA CLUSAZ, représentée par son maire ;

La COMMUNE DE LA CLUSAZ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502069 du 2 mars 2010 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société d'économie mixte de développement de la Haute-Savoie ;

2°) de condamner la société d'économie mixte de développement de la Haute-Savoie (SEDHS) à lui verser la somme de 625 818,20 euros en réparation des désordres affectant le centre nautique ;

3°) de mettre à la charge de la SEDHS une somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que dès lors qu'elle a subi un préjudice suite à l'exécution des travaux concernant le centre nautique, elle est bien fondée à rechercher la responsabilité de la SEDHS, avec laquelle elle avait conclu une convention de mandat ; que le Tribunal a estimé de manière contradictoire, d'une part qu'aucune des réserves à la réception ne concernait les désordres ayant fait l'objet du litige devant lui, d'autre part que les désordres présentaient un caractère décennal ; que la SEDHS n'ayant pas apporté la preuve qu'elle avait exécuté les obligations mises à sa charge à l'article 16 de la convention de mandat, elle ne peut avoir reçu quitus pour sa mission technique ; qu'au demeurant, sur le plan financier, le quitus de sa mission ne pouvait intervenir qu'après reddition des comptes ; qu'elle peut encore rechercher sa responsabilité pour défaut de conseil à la réception ; que la SEDHS a manqué à son obligation d'assistance dans le cadre de la mise au point du programme ; qu'il appartenait en effet à cette dernière de refuser les avant-projets non-conformes qui lui étaient soumis ou, à tout le moins, de conseiller le maître d'ouvrage ; que la circonstance qu'elle dispose de services techniques n'exonère pas la société de sa responsabilité ; que la SEDHS a commis une faute en ne l'informant pas des conséquences des modifications apportées par le BET Brière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2010, présenté pour la SEDHS, qui conclut :

- au rejet de la requête,

- à ce qu'elle soit relevée et garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre par le BET Brière et la société AGN,

- à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE LA CLUSAZ la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'il n'est pas justifié que le maire de la COMMUNE DE LA CLUSAZ a été régulièrement habilité à présenter la requête ; qu'aucune des réserves à la réception ne porte sur un dommage soulevé dans l'instance ; que, par suite, la collectivité ne peut plus rechercher sa responsabilité contractuelle ; que le Tribunal administratif a d'ailleurs condamné les constructeurs sur le fondement de leur responsabilité décennale, et non contractuelle ; que le quitus technique a été donné sur les parties de l'ouvrage qui n'ont pas fait l'objet de réserves ; que la COMMUNE DE LA CLUSAZ n'a jamais mis en jeu sa responsabilité pour des fautes lors des opérations de réception de l'ouvrage ; qu'elle n'est intervenue que dans le cadre du programme défini par la commune ; qu'elle ne pouvait se substituer à cette dernière dans la définition du programme, en rajoutant la température de référence ; qu'elle ne pouvait de sa seule initiative refuser les avant-projets ; qu'elle n'avait pas d'obligation de conseil sur la conception ni sur la conformité des conditions d'utilisation de l'ouvrage par rapport à sa conception ; que le BET Brière a arrêté de son propre chef la température de l'eau ; que le quantum du préjudice, qui diffère tant des estimations de l'expert que des condamnations prononcées par le Tribunal administratif, n'est pas établi ; que le BET Brière a manqué à son devoir de conseil en n'attirant pas l'attention du maître d'ouvrage sur les conditions d'exploitation du projet ; qu'en cas de condamnation, elle devra être relevée et garantie par les sociétés Brière et AGN, en charge de la conception de l'ouvrage ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2011, présenté pour la COMMUNE DE LA CLUSAZ, qui persiste dans ses conclusions, par les mêmes moyens, en soutenant en outre que le maire dispose d'une délégation de compétence du conseil municipal qui l'habilite à agir en justice ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 janvier 2012, présenté pour la SEDHS, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 février 2012, présenté pour la COMMUNE DE LA CLUSAZ, qui persiste dans ses conclusions, par les mêmes moyens ;

Vu les mémoires, enregistrés les 26 mars 2012, après la clôture de l'instruction, présentés pour le BET Brière et la SARL AGN ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2012 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

- et les observations de Me Bayon, représentant la COMMUNE DE LA CLUSAZ, de Me Salles, représentant la SEDHS, de Me Berthier, représentant le BET Brière, et de Me Heinrich, représentant la société AGN ;

Considérant que, par convention du 3 avril 1997, la COMMUNE DE LA CLUSAZ a délégué la maîtrise d'ouvrage des travaux de rénovation de l'espace aquatique des Aravis à la société d'économie mixte de développement de la Haute-Savoie (SEDHS) ; que la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à un groupement conjoint composé notamment de la société AGN, architecte, et du BET Brière, en charge des fluides ; que, par jugement du 2 mars 2010, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné solidairement la société AGN et le BET Brière à verser à la COMMUNE DE LA CLUSAZ la somme de 158 874 euros hors taxes, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, en réparation des désordres affectant le bâtiment ; que la COMMUNE DE LA CLUSAZ relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la SEDHS;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la SEDHS :

Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la convention de mandat du 3 avril 1997, concernant la constatation de l'achèvement des missions de la société : " 16.1 - Sur le plan technique. En cours de période de parfait achèvement, si la réception des travaux intervient avec des réserves, la société notifie d'abord à la collectivité par lettre recommandée avec accusé de réception, le procès-verbal de levée des dites réserves. / Ensuite, au cas où aucun désordre n'aura été dénoncé par la collectivité pendant la période de parfait achèvement visée à l'article 2, à l'issue de cette période, la société notifiera à la collectivité l'achèvement de sa mission technique. Dans le mois, la collectivité notifiera son acceptation qui sera réputée acquise à défaut de réponse dans ce délai. / Au cas où, pendant la période de parfait achèvement, des désordres auraient été dénoncés, la société notifiera à la collectivité, par lettre recommandée avec accusé de réception, le procès-verbal de levée des réserves de ces désordres et l'achèvement de sa mission technique. Dans le mois, la collectivité notifiera son acceptation qui sera réputée acquise à défaut de réponse dans ce délai. 16-2 Sur le plan financier. L'acceptation par la collectivité de la reddition des comptes vaut constatation de l'achèvement de la mission de la société sur le plan financier et quitus global de la mission. " ; qu'en application des stipulations précitées, le quitus technique du maître d'ouvrage délégué n'intervenait, pour ceux des désordres n'ayant pas fait de réserves lors de la réception qu'après notification par ce dernier de l'achèvement de sa mission technique, une fois la période de parfait achèvement terminée, et acceptation par le maître d'ouvrage ; qu'il est constant que la SEDHS n'a pas notifié à la COMMUNE DE LA CLUSAZ un tel document ; que, par suite, elle ne peut se prévaloir d'aucun quitus technique qui ferait obstacle à ce que la collectivité puisse rechercher sa responsabilité en ce qui concerne ses attributions se rattachant à la réalisation de l'ouvrage ;

Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 10 de la convention de mandat : " La société devra, préalablement à l'approbation par elle des avant-projets, obtenir l'accord de la collectivité. Cette dernière s'engage à lui faire parvenir son accord ou ses observations, ou le cas échéant son désaccord, dans le délai de 15 jours à compter de la saisine (...). La société transmettra à la collectivité avec les avant-projets, une note détaillée et motivée permettant à cette dernière d'apprécier les conditions dans lesquelles le programme et l'enveloppe financière prévisionnelle sont ou non respectés. " ; qu'en vertu de l'article 7 de ladite convention, la SEDHS devait " l'assistance à la réalisation et la mise au point du programme " ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les phénomènes de condensation puis de corrosion des ouvrages trouvent leur origine, principalement, dans une différence entre la température d'exploitation de l'eau des bassins, de 30°, et celle prévue par l'équipe de maîtrise d'oeuvre, de 26° ; que, si la COMMUNE DE LA CLUSAZ soutient que la SEDHS a commis des fautes dans ses missions de conseil à la programmation et de suivi des travaux, en ne l'informant pas des modifications ainsi apportées par le BET Brière, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle avait précisé à la SEDHS la température d'exploitation de l'eau des bassins qu'elle souhaitait, alors que cette dernière ne pouvait l'inférer des conditions d'exploitation antérieures du bassin extérieur ; que, par ailleurs, la COMMUNE DE LA CLUSAZ avait accepté les avant-projets sommaires que lui avaient soumis le BET Brière, lesquels faisaient expressément apparaître une hypothèse de température des bassins intérieurs de 26° ; que, dans ces conditions, elle n'établit pas que la SEDHS aurait commis une faute dans l'exécution de ses attributions relatives à la réalisation de l'ouvrage ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE LA CLUSAZ n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la SEDHS ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE LA CLUSAZ la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SEDHS ; que d'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du remboursement des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la COMMUNE DE LA CLUSAZ doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE LA CLUSAZ est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE LA CLUSAZ versera à la société d'économie mixte de développement de la Haute-Savoie une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE LA CLUSAZ, à la société d'équipement du département de la Haute-Savoie (SEDHS), au BET Brière, à M. Gérard Gignoux, liquidateur de la société AGN et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2012, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

- M. Besse, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 26 avril 2012.

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N° 10LY01057

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01057
Date de la décision : 26/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-07 Marchés et contrats administratifs. Responsabilité du maître de l'ouvrage délégué à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-04-26;10ly01057 ?
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