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24/04/2012 | FRANCE | N°10LY02293

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 24 avril 2012, 10LY02293


Vu la requête, enregistrée le 30 septembre 2010, présentée pour la SNC DE L'ARDECHE, dont le siège est 4 rue du Birkenfels à Strasbourg (67100), et la SNC LES PINS, dont le siège est 4 rue du Birkenfels à Strasbourg (67100) ;

La SNC DE L'ARDECHE et la SNC LES PINS demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800366 du Tribunal administratif de Lyon du 1er juillet 2010 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2007 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de leur délivrer des permis de construire en vue de l'implantatio

n d'une ferme éolienne sur le territoire de la commune de Bidon ;

2°) d'annul...

Vu la requête, enregistrée le 30 septembre 2010, présentée pour la SNC DE L'ARDECHE, dont le siège est 4 rue du Birkenfels à Strasbourg (67100), et la SNC LES PINS, dont le siège est 4 rue du Birkenfels à Strasbourg (67100) ;

La SNC DE L'ARDECHE et la SNC LES PINS demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800366 du Tribunal administratif de Lyon du 1er juillet 2010 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2007 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de leur délivrer des permis de construire en vue de l'implantation d'une ferme éolienne sur le territoire de la commune de Bidon ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de leur délivrer les permis demandés, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les sociétés requérantes soutiennent, en premier lieu, que le préfet de l'Ardèche a rejeté les deux demandes de permis de construire par un arrêté unique ; que, toutefois, les permis de construire les parcs éoliens sont divisibles ; que la circonstance que des études communes ont été conduites en l'espèce, en raison de la connexité des deux projets, est sans incidence et ne remet pas en cause cette divisibilité ; que le préfet a procédé à une réunion artificielle des demandes et a pris une décision globale sans porter une appréciation spécifique sur chacun des parcs éoliens projetés ; que le préfet pouvait rejeter une demande et autoriser l'autre ; qu'en outre, le fait de se prononcer par un seul arrêté méconnaît le caractère individuel du permis de construire ; qu'en deuxième lieu, un arrêté unique, portant une appréciation commune sur deux demandes distinctes, ne saurait comporter une motivation suffisante ; que les motifs retenus à l'encontre de chacune des demandes ne sont pas différenciés ; qu'en troisième lieu, il n'existe au dossier aucune démonstration de l'impact des projets sur le fonctionnement du radar de Bollène, et encore moins une étude des mesures compensatoires susceptibles d'être mises en place pour pallier d'éventuels dysfonctionnements ; que le préfet se borne à mentionner un risque de perturbation et la possibilité que les interprétations soient faussées ; que cette position constitue une opposition de principe non circonstanciée ; que, dans une zone de 30 kilomètres autour dudit radar, plusieurs parcs éoliens sont déjà exploités ; qu'elles ont apporté des éléments qui permettent de conclure à l'absence de risque pour la sécurité publique ; qu'au-delà d'une distance de 10 kilomètres, une interdiction ne peut provenir que d'une analyse particulière de chaque situation ; qu'il n'est pas justifié que les perturbations alléguées ne pourraient être corrigées par des méthode de traitement du signal, qui sont couramment utilisées ; qu'il n'est pas démontré que l'impact allégué sur le radar de Bollène caractérise, par sa nature et son ampleur, une atteinte à la sécurité publique de nature à justifier la mise en oeuvre de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que, dans ces conditions, en opposant aux projets les dispositions de cet article, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en quatrième lieu, l'étude d'impact, qui est proportionnée aux enjeux, est suffisante quant à l'analyse de l'impact des projets sur l'aigle de Bonelli ; que les observations qui ont été réalisées sur le terrain démontrent l'absence d'enjeux réels et concrets sur cette espèce, qui n'est pas présente sur le site d'implantation des projets ; qu'en outre, des mesures ont été proposées pour encore réduire l'impact des ces derniers sur ladite espèce ; qu'en conséquence, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'étude d'impact ne répond pas sur ce point aux dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ; qu'enfin, dès lors que l'arrêté attaqué épuise les motifs de refus, son annulation impliquera nécessairement que le préfet délivre les permis de construire demandés ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 31 août 2011, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2011 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 septembre 2011, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui demande à la Cour de rejeter la requête ;

Le ministre soutient, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est, par suite, suffisamment motivé ; qu'en deuxième lieu, si le préfet de l'Ardèche a refusé les deux demandes de permis de construire par un seul arrêté, ces demandes sont cependant bien visées dans celui-ci ; que ces dernières, qui concernent en réalité un projet global, appelaient une appréciation globale ; qu'il appartenait aux sociétés pétitionnaires, si leur volonté était d'abandonner une des demandes, de présenter un nouveau projet en ce sens ; que le préfet n'a donc commis aucune erreur de droit ; qu'en troisième lieu, les projets litigieux seront implantés à 17 kilomètres au plus près du radar météorologique de Bollène, hors de la zone de protection de 10 kilomètres mais dans la zone de coordination de ce radar ; que Météo France a émis un avis négatif en raison du fait que la zone d'impact Doppler, de 15,1 kilomètres, est supérieure à la limite recommandée de 10 kilomètres ; qu'aucune mesure de traitement du signal n'est possible pour corriger les perturbations créées par les éoliennes ; que, compte tenu des missions de sécurité et d'alerte des autorités et des populations assurées par Météo France grâce à ses radars opérationnels, comme celui de Bollène, et également de la participation de cet établissement public à la gestion des incidents et accidents nucléaires et des pollutions chimiques atmosphériques, le préfet de l'Ardèche n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en opposant aux projets l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; qu'en quatrième lieu, l'aigle de Bonelli est une espèce particulièrement rare et menacée ; que les risques liés au parc éolien ne peuvent être écartés pour cette espèce, dont il est clairement établi qu'elle pourrait être amenée à fréquenter le site, notamment au regard de la taille de ses domaines vitaux ; que les rapaces sont sensibles aux risques de collision avec les éoliennes ; que des mesures compensatoires sont dès lors indispensables, en particulier pour compenser la fermeture du site d'implantation des projets litigieux ; que, toutefois, aucune mesure sérieuse et précise n'a été envisagée par les sociétés pétitionnaires, qui n'évoquent que des mesures imprécises et aléatoires ; qu'aucune précision n'est donnée quant aux modalités de réalisation de ces mesures et quant à leur effectivité dans le temps ; que la question des modalités financières n'est pas abordée ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le préfet a estimé que l'étude d'impact ne répond pas aux dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 30 septembre 2011, la clôture de l'instruction a été reportée au 30 novembre 2011 ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2011, présenté pour les sociétés requérantes, désormais dénommées SOCIETE CENTRALE EOLIENNE ARDECHE et SOCIETE CENTRALE EOLIENNE LES PINS DE BIDON, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Les sociétés requérantes soutiennent, en outre, en premier lieu, qu'en opposant aux projets les seules circonstances que les éoliennes seront implantées au sein de la zone de coordination du radar de Bollène, que la zone d'impact Doppler du parc projeté est supérieure à 10 kilomètres et que la zone d'exclusion mutuelle intercepte celle d'un autre projet, sans démontrer l'existence d'un risque avéré et alors que seules les servitudes définies par le code des postes et télécommunications sont susceptibles de fonder, par elles-mêmes, un refus de permis de construire, le préfet de l'Ardèche a commis une erreur de droit ; qu'en deuxième lieu, comme le fait apparaître l'expertise qu'elles produisent, les projets respectent le critère, posé par Météo France, d'une zone d'impact Doppler de 10 kilomètres au maximum ; qu'en effet, la zone d'impact Doppler maximum des projets litigieux est de 10 kilomètres ; que cette zone peut être réduite à 6,9 kilomètres si des machines adaptées sont installées ; que, par suite, le refus, fondé sur l'existence d'une zone d'impact Doppler de 15,1 kilomètres, est entaché d'erreur de fait ; que, de même, la zone d'exclusion mutuelle des projets litigieux n'intercepte pas celle du projet éolien de Berzème ; qu'en outre, ce dernier, qui a fait l'objet le 8 août 2006 d'une décision de refus de permis de construire, devenue définitive, est inopposable ; que les risques de perturbations au regard d'installations sensibles invoqués par le ministre ne sont pas avérés ; qu'il n'est pas établi que le risque allégué serait de nature à dégrader de manière significative la veille météorologique et, par suite, de porter atteinte à la sécurité publique, la probabilité qu'un évènement violent se produise à basse altitude étant, en tout état de cause, extrêmement faible ; que des mesures peuvent être prises pour atténuer les impacts, concernant le radar lui-même, mais aussi les éoliennes ou encore les mesures du vent ; qu'enfin, le site d'implantation des projets, qui s'est largement refermé depuis l'instruction des demandes de permis, ne constitue plus une zone de chasse attrayante pour l'aigle de Bonelli ; que, compte tenu de la faible attractivité de ce site, les mesures compensatoires prévues par l'étude d'impact sont suffisantes ; que ces mesures, dont la faisabilité ne saurait être remise en cause, seront finalisées quand les permis de construire seront délivrés ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 28 novembre 2011, la clôture de l'instruction a été reportée au 11 janvier 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 décembre 2011, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Le ministre soutient, en outre, que la circonstance que le secteur en cause ne fasse l'objet d'aucune mesure de protection réglementaire est sans incidence sur l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que la plus grande fiabilité de l'expertise produite pas la requérante par rapport à celle qui a été réalisée par Météo France n'est pas démontrée ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 janvier 2012, présenté pour la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE ARDECHE et la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE LES PINS DE BIDON, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 avril 2012, présentée pour la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE ARDECHE et la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE LES PINS DE BIDON ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2012 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gelas, représentant le cabinet CGR Legal, avocat des requérants ;

Considérant qu'au cours du mois d'avril 2006, la SNC DE L'ARDECHE et la SNC LES PINS ont chacune déposé une demande de permis de construire en vue de l'édification d'un parc éolien, comportant au total 12 aérogénérateurs, sur le territoire de la commune de Bidon ; que, par un arrêté du 22 novembre 2007, le préfet de l'Ardèche a rejeté ces demandes, aux motifs, en premier lieu, que le projet de parc éolien, qui est susceptible de perturber le fonctionnement du radar météorologique de Bollène, est par suite de nature à porter atteinte à la sécurité publique, en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, en deuxième lieu, que l'étude d'impact est insuffisante s'agissant de la description de l'incidence du projet sur les chauves-souris et l'aigle de Bonelli et des mesures de réduction et de compensation envisagées pour ces espèces, et, enfin que le projet, qui est de nature, par son importance et ses dimensions, à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, méconnaît l'article R. 111-21 du même code ; que la SNC DE L'ARDECHE et la SNC LES PINS ont demandé au Tribunal administratif de Lyon d'annuler cet arrêté ; que, par un jugement du 1er juillet 2010, le Tribunal a estimé que, si le motif tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact, en tant que celle-ci concerne les chauves-souris, ainsi que le motif fondé sur l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, sont illégaux, le préfet de l'Ardèche aurait pris les mêmes décisions s'il ne s'était fondé que sur les seuls motifs tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact, en tant qu'elle concerne l'aigle de Bonelli, et de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du même code, qui ne sont, quant à eux, pas entachés d'illégalité ; qu'en conséquence, le Tribunal a rejeté la demande desdites sociétés ; que ces dernières, désormais dénommées SOCIETE CENTRALE EOLIENNE ARDECHE et SOCIETE CENTRALE EOLIENNE LES PINS DE BIDON, relèvent appel de ce jugement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions applicables en l'espèce du dernier alinéa de l'article R. 421-29 du code de l'urbanisme : " Si la décision comporte rejet de la demande, (...) elle est motivée (...) " ; que, si le préfet de l'Ardèche a statué sur les demandes de permis de construire présentées par la SNC DE L'ARDECHE et la SNC LES PINS par un seul arrêté, ce dernier fait néanmoins clairement apparaître que le préfet a entendu se fonder sur les mêmes motifs pour rejeter ces demandes ; que les sociétés requérantes ne peuvent donc soutenir que l'arrêté attaqué, dès lors qu'il répond à deux demandes, ne peut être regardé comme suffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 553-2 du code de l'environnement : " I. - L'implantation d'une ou plusieurs installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent dont la hauteur du mât dépasse 50 mètres est subordonnée à la réalisation préalable : / a) De l'étude d'impact définie à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du présent code (...) " qu'aux termes de l'article R. 122-3 du même code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. - L'étude d'impact présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune (...) / 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement (...), ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes (...) " ;

Considérant, d'une part, que l'étude d'impact mentionne que l'aigle de Bonelli constitue une espèce protégée menacée et que deux couples de cette espèce nichent à environ 5 kilomètres du site prévu pour l'implantation du parc éolien ; que cette étude indique également que ces couples peuvent être amenés à fréquenter ce site, pour rechercher leur nourriture ou comme zone de transit, et précise que les rapaces, du fait de leur vol plané, sont sensibles aux obstacles ; qu'ainsi, contrairement à ce que le préfet a estimé, l'étude d'impact comporte des précisions suffisantes sur la description de la situation de l'aigle de Bonelli dans la zone affectée par le projet litigieux et les effets de ce dernier sur cette espèce ;

Considérant, d'autre part, que, s'agissant des mesures de réduction et de compensation, l'étude d'impact précise que le site d'implantation des éoliennes sera reboisé et que les éléments pouvant servir de perchoirs seront supprimés, pour éviter que les rapaces ne viennent chasser sur ce site, que le boisement sera ensuite régulièrement entretenu et que, pour compenser cette perte d'un territoire de chasse potentiel, des milieux actuellement fermés seront ouverts et les sites déjà ouverts seront maintenus comme tels, et ce par l'encouragement des activités agricoles et pastorales ou par l'entretien mécanique de ces sites ; que l'étude d'impact prévoit également le déplacement d'une garenne située à proximité du site d'implantation du parc éolien, laquelle sert de réservoir de chasse à l'aigle de Bonelli, ainsi que l'enfouissement des lignes électriques et la réalisation d'une étude particulière sur cette espèce ; que, toutefois, l'étude d'impact n'indique pas précisément de quelle manière seront atteints les objectifs de rouvrir des milieux actuellement fermés, pour proposer de nouveaux territoires de chasse à l'aigle de Bonnelli, de favoriser le maintien des sites ouverts et de déplacer ladite garenne ; qu'aucun calendrier de réalisation de ces mesures n'est indiqué ; qu'ainsi, compte tenu de la sensibilité particulière de l'aigle de Bonelli, qui constitue une espèce protégée menacée, la description des mesures de réduction et de compensation envisagées est insuffisante et ne permet pas de répondre aux dispositions précitées du 4° de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ;

Considérant, en troisième lieu, que les sociétés requérantes font valoir qu'en rejetant les deux demandes de permis de construire qui lui étaient présentées par un seul arrêté, le préfet de l'Ardèche a méconnu le caractère divisible de ces demandes et le caractère individuel du permis de construire ; que, toutefois, d'une part, le préfet pouvait légalement se prononcer par un acte formellement unique pour rejeter les deux demandes de permis ; que, d'autre part, même si les motifs précités de refus de permis de construire prennent en compte les effets globaux des deux projets, il ne ressort cependant pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'abstenant, par principe, d'examiner séparément les demandes et la possibilité, le cas échéant, de ne faire droit que partiellement à ces dernières, portant chacune sur six éoliennes, pour se borner à porter une appréciation globale sur le parc éolien de douze aérogénérateurs ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

Considérant, d'une part, que le rapport de l'Agence nationale des fréquences de septembre 2005 sur les " Perturbations du fonctionnement des radars météorologiques par les éoliennes ", préconise d'interdire tout projet de parc éolien dans un rayon de 10 kilomètres autour des radars en " Bande S ", pour ne pas gravement perturber la détection des échos Doppler ; que, pour un tel radar, s'agissant de la détection de ces mêmes échos, ledit rapport recommande, jusqu'à une distance de 30 kilomètres, dans une zone dite de coordination, d'examiner au cas par cas l'incidence du projet de parc éolien sur le fonctionnement du radar en mode Doppler ; que, dans cette zone de coordination, Météo France préconise d'interdire tout projet présentant une zone d'impact Doppler supérieure à 10 kilomètres ;

Considérant, d'autre part, que le projet litigieux, composé de douze éoliennes présentant une hauteur de 120 mètres en bout de pale, se situe à une distance d'environ 17 kilomètres du radar météorologique de Bollène, qui fonctionne en " bande S " ; que ce projet se situe ainsi dans la zone de coordination de ce radar ; que, dans son avis du 9 août 2006, confirmé le 31 octobre 2006, Météo France a estimé que, si la gêne occasionnée par le projet est acceptable s'agissant du blocage du faisceau et de la présence d'échos fixes, toutefois, la zone d'impact Doppler, qui est de 15,1 km, est supérieure à la limite précitée de 10 kilomètres ; que, si, au cours de la procédure d'appel, la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE ARDECHE et la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE LES PINS DE BIDON ont fait réaliser une expertise, selon laquelle la zone d'impact Doppler serait, en réalité, de seulement 10 kilomètres, cette distance constitue néanmoins la limite à partir de laquelle, en principe, aux termes des préconisations non contestées de Météo France, tout projet doit être exclu, en raison des graves inconvénients présentés pour la détection des échos Doppler ; qu'il n'est pas démontré que des prescriptions adaptées auraient pu permettre de diminuer les inconvénients susceptibles de résulter des éoliennes projetées pour le radar de Bollène ; que, par ailleurs, les radars météorologiques qui servent notamment à prévenir les phénomènes météorologiques exceptionnels, susceptibles, en particulier, d'entraîner des crues soudaines des rivières, jouent un rôle essentiel dans la gestion des alertes aux populations et l'intervention des pouvoirs publics ; que le ministre de l'écologie soutient, sans être contredit, que la zone se situant dans l'axe formé par le radar de Bollène et le projet litigieux comporte des communes inscrites au dossier départemental des risques majeurs comme exposées au risque d'inondation par crues torrentielles, et notamment la commune de Bidon elle-même, ainsi que celle de Labeaume, qui a connu une crue torrentielle très importante en septembre 1992 ; que, dans ces conditions, même si les autres risques que mentionne également le ministre, d'accidents nucléaires et industriels, d'incendies de forêt et de crues du Rhône, ne peuvent être pris en compte, en raison du fait qu'en tout état de cause, ils sont sans rapport avec le motif de l'arrêté attaqué, tiré des risques liés aux évènements pluvieux, notamment de type cévenols, il ressort suffisamment des pièces du dossier que les dysfonctionnements qu'entraînerait le parc éolien projeté sont de nature à porter atteinte à la sécurité publique, au sens des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; qu'en conséquence, en opposant ces dispositions aux demandes de permis de construire des sociétés requérantes, le préfet de l'Ardèche n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ardèche aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de porter une véritable appréciation sur les circonstances de l'espèce, en se bornant à constater que les éoliennes seront implantées au sein de la zone de coordination du radar de Bollène et que la zone d'impact Doppler du parc projeté est supérieure à 10 kilomètres ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE ARDECHE et la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE LES PINS DE BIDON ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ;

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter les conclusions présentées à cette fin par les sociétés requérantes ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE ARDECHE et à la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE LES PINS DE BIDON la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE ARDECHE et de la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE LES PINS DE BIDON est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE ARDECHE et à la SOCIETE CENTRALE EOLIENNE LES PINS DE BIDON et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Délibéré à l'issue de l'audience du 3 avril 2012, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président,

M. Zupan, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 avril 2012.

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N° 10LY02293

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CGR LEGAL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 24/04/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10LY02293
Numéro NOR : CETATEXT000025753816 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-04-24;10ly02293 ?
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