Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2011 au greffe de la Cour, présentée pour la SAS NIEVRE MERRAIN dont le siège est Le Bourg à Murlin (58700), par Me Bonnet, avocat au barreau de Nevers ;
La SAS NIEVRE MERRAIN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0901427 - 0901428 en date du 2 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes en décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2006, d'autre part, des cotisations supplémentaires à la taxe d'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2006 ;
2°) de prononcer la décharge des sommes de 1 312 euros pour l'année 2004, 3 884 euros pour les années 2005 et 2006 en matière de taxe de participation à la formation professionnelle continue et des sommes de 1 091 euros de droits en principal et 356 euros d'intérêts de retard au titre de 2004 et de 2 090 euros de droits en principal et 534 euros d'intérêts de retard au titre des années 2005 et 2006, en matière de taxe d'apprentissage ;
La SAS NIEVRE MERRAIN fait valoir que les conditions dans lesquelles les directeurs chargés d'une direction peuvent déléguer leur signature en matière de contentieux fiscal ont été fixées par une décision du 24 août 2003 qui prévoit qu'un agent délégataire doit s'abstenir de prendre une décision d'admission, de rejet total ou partiel lorsqu'il a établi l'imposition litigieuse dans le cadre d'un contrôle fiscal ou d'un contrôle sur pièces ; qu'en l'espèce, le chef de brigade qui se trouve à la fois juge et partie n'était pas compétent pour statuer sur les réclamations ; que, propriétaire de nombreuses forêts qu'elle possède en nom propre et qu'elle destine à la coupe, son activité consiste à acheter des forêts sur pied pour traiter des bois de sciages et fabriquer des merrains et revêt donc un caractère agricole ; que les rémunérations versées aux salariés exerçant une activité agricole ne sont pas passibles de la taxe d'apprentissage et de la participation au développement de la formation professionnelle continue ; que, par référence à la doctrine exprimée dans la documentation de base 5 L 2312, n° 2, du 1er juin 1995, les salaires versés au personnel affecté à son activité agricole doivent encore être exclus de la base des mêmes taxes ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat tendant au rejet de la requête ;
Le ministre fait valoir que les décisions de rejet incriminées n'ont pas eu pour effet de priver la société du droit d'assurer sa défense et sont dépourvues de caractère juridictionnel les empêchant d'être regardées comme ayant porté atteinte au droit à un procès équitable ; que la circonstance que M. ait précédemment procédé au contrôle de la société en qualité d'inspecteur et qu'il ait eu connaissance de la situation de l'entreprise reste sans incidence sur la régularité de la nouvelle vérification de comptabilité engagée par un agent placé sous son autorité ; qu'en toute hypothèse, les irrégularités qui peuvent entacher la décision statuant sur la réclamation du contribuable sont sans influence sur la régularité et le bien-fondé des impositions ; que la nature de l'activité exercée par la société est sans incidence sur son assujettissement à la taxe d'apprentissage dès lors qu'elle est passible de l'impôt sur les sociétés ; que, s'agissant de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, l'activité de la société ne saurait être qualifiée d'agricole dès lors qu'elle consiste en la production, avec des grumes acquis de tiers, de manière industrielle compte tenu des moyens d'exploitation mis en oeuvre, de merrains destinés à être commercialisés auprès de tonneliers ; que l'exonération de taxe d'apprentissage dont sont susceptibles de bénéficier certains employeurs agricoles dans les conditions prévues par la doctrine administrative ne concerne pas ceux visés à l'article 53 ter de l'annexe III au code général des impôts ; que la société qui ne relève pas de l'impôt sur le revenu et n'exerce pas une pluralité d'activités de nature différente ne peut évoquer des jurisprudences relatives à des sociétés qui remplissent ces conditions ; qu'elle ne démontre pas avoir effectué des travaux forestiers tels que définis par l'article 1144 du code rural ; que l'argumentation selon laquelle son personnel relèverait du régime de la Mutualité sociale agricole ne saurait suffire à justifier l'application d'un abattement de 40 % sur les salaires soumis à la taxe d'apprentissage, la doctrine sur ce point évoquée s'appliquant au surplus aux employeurs agricoles qui débitent des grumes provenant de coupes effectuées par l'entreprise ; que la doctrine évoquée concerne la participation des employeurs à l'effort de construction et non la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue ou la taxe d'apprentissage ; que l'assiette de la taxe litigieuse est bien constituée par l'ensemble des rémunérations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2012 :
- le rapport de M. Duchon-Doris, président ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
Considérant que la SAS NIEVRE MERRAIN, dont l'activité consiste en la fabrication de merrains, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, sur la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2006 aux termes de laquelle le service vérificateur a remis en cause l'abattement de 40 % que l'entreprise avait appliqué sur les salaires soumis à la taxe d'apprentissage et a constaté des insuffisances de déclarations au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue à hauteur de 656 euros pour 2004, 776 euros pour 2005 et 1 116 euros pour 2006 ; que la société fait appel du jugement en date du 2 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires à la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et à la taxe d'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2006 en conséquence de ce contrôle ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que les irrégularités qui peuvent entacher soit la procédure d'instruction de la réclamation soit la décision par laquelle la réclamation est rejetée sont sans influence sur la régularité et le bien-fondé des impositions en litige et ne peuvent, en conséquence, affecter l'équilibre des droits des parties au procès ou le respect des droits de la défense ; que, par suite, en admettant même que la décision en date du 24 octobre 2003, pour les raisons évoquées par la société, aurait été prise par une autorité incompétente, un tel moyen est sans incidence sur l'issue du litige et ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Au regard de la loi fiscale :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 224 du code général des impôts : " 1. Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit, net des dépenses admises en exonération en application des articles 226 bis, 227 et 227 bis, est versé au Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage mentionné à l'article L. 118-2-3 du code du travail. 2. Cette taxe est due : (...) 2° Par les sociétés, associations et organismes passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206, à l'exception de ceux désignés au 5 de l'article précité, quel que soit leur objet (...) " ; qu'aux termes de l'article 225 du même code : " La taxe est assise sur les rémunérations, selon les bases et les modalités prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...) Son taux est fixé à 0,50 %. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que la nature de l'activité exercée par une société est sans incidence sur le principe de son assujettissement à la taxe d'apprentissage qui découle de ce qu'elle est passible de l'impôt sur les sociétés, d'autre part, que la base de calcul de la taxe est, pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 1996, identique à celles retenues en matière de cotisations sociales, y compris pour les employeurs de salariés agricoles ; que, par suite et en toute hypothèse, l'argumentation de la SAS NIEVRE MERRAIN selon laquelle son activité serait agricole n'est pas de nature à justifier, sur le terrain de la loi fiscale, l'exonération de taxe d'apprentissage à laquelle elle prétend ni un abattement sur le montant des salaires à prendre en compte ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 235 ter C du code général des impôts : " Tout employeur, à l'exception de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics à caractère administratif, doit concourir au développement de la formation professionnelle continue en participant, chaque année, au financement des actions mentionnées à l'article L. 900-2 et à l'article L. 900-3 " ; qu'aux termes de l'article 235 ter D du même code, applicable à l'année 2005, les rémunérations à retenir sont entendues " au sens des règles prévues aux chapitres I et II du livre II du code de la sécurité sociale ou au chapitre II du titre II et au chapitre 1er du titre IV du livre VII du code rural pour les employeurs des salariés visés à l'article L. 772-20 dudit code " ; qu'à compter du 1er janvier 2006, l'assiette de la participation est alignée sur celle des cotisations sociales ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que la nature de l'activité exercée par une société est sans incidence sur le principe de son assujettissement à la taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue ;
Considérant, d'autre part, que, pour soutenir que son activité est agricole et que les salaires versés à son personnel affecté à des activités agricoles devraient être exclus des bases de la taxe, la SAS NIEVRE MERRAIN fait valoir qu'elle est propriétaire de nombreuses forêts qu'elle possède en propre et qu'elle destine à la coupe pour des parcelles de 95 hectares, 38 hectares et 26 hectares dans les bois respectivement de Treigny, Fontaine, Garchizy et Sainte Colombe des Bois et qu'elle possède à son effectif nombre de bûcherons qu'elle rétribue pour des travaux agricoles ; que, toutefois, l'administration fait valoir, sans être sur ce point contredite, que l'analyse des conditions d'exploitation de la société fait ressortir que celle-ci achète directement des grumes à des tiers et ne procède jamais directement à des coupes effectuées par elle-même, que les forêts dont elle est propriétaire ne font l'objet d'aucune exploitation en vue de la coupe de bois à raison de laquelle auraient été employés des salariés agricoles et notamment des bûcherons et que l'activité exercée, compte tenu des moyens d'exploitation mis en oeuvre, consiste en la production, de manière industrielle, de merrains destinés à être commercialisés auprès de tonneliers ; que, dans ces conditions, l'activité de la SAS NIEVRE MERRAIN ne peut être regardée comme revêtant un caractère agricole, nonobstant la circonstance, inopérante en tant que telle, que l'ensemble du personnel relèverait de la Mutualité sociale agricole ; que, par suite et en tout état de cause, son argumentation selon laquelle les salaires versés à ses salariés affectés à des activités agricoles devraient être exclus de la base de la taxe ne peut être qu'écartée ;
Au regard de la doctrine :
Considérant, en premier lieu, que si la SAS NIEVRE MERAIN fait valoir qu'il résulterait de la doctrine que les activités qui bénéficient directement du croît de la terre sont des activités agricoles, même si elles réclament une certaine technicité dès lors que le produit qui en est issu n'est pas un produit fini commercialisé sur le marché, elle ne donne pas la référence de cette doctrine et ne démontre pas, en toute hypothèse, qu'elle en remplit les conditions qu'elle énonce ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de la doctrine exprimée dans la documentation administrative référencée 5L 23-12 du 1er juin 1995 pour soutenir que les salaires versés à des salariés affectés à des activités agricoles par nature ou par destination sont à exclure du montant de la base de la taxe d'apprentissage et de la taxe sur la participation au développement de la formation professionnelle continue, dès lors, d'une part, que cette doctrine ne concerne que la participation des employeurs à l'effort de construction et qu'en toute hypothèse, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, elle ne peut être regardée comme exerçant une activité agricole ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS NIEVRE MERRAIN n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement en date du 2 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires à la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et à la taxe d'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2006 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS NIEVRE MERRAIN est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS NIEVRE MERRAIN et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2012 à laquelle siégeaient :
M. Duchon-Doris, président de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
Mme Besson-Ledey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2012.
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N° 11LY00163