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10/04/2012 | FRANCE | N°11LY00512

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 10 avril 2012, 11LY00512


Vu la requête, enregistrée le 21 février 2011, présentée pour M. et Mme A domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0900850 du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004, 2005 et 2006 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du cod...

Vu la requête, enregistrée le 21 février 2011, présentée pour M. et Mme A domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0900850 du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004, 2005 et 2006 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été violé, le service ayant refusé, malgré leur demande, de leur communiquer les renseignements et documents obtenus lors de la vérification de la comptabilité de la société Sea TPI ; qu'en réponse à leurs observations, le service a fait valoir un motif nouveau tiré du fait que le rôle de M. A s'apparenterait à celui d'un dirigeant ; que l'article 155 A du code général des impôts, qui méconnaît les principes européens de libertés d'établissement et de prestation de services, ne pouvait s'appliquer en 2004 au sein de l'Union européenne pour des relations entre ressortissants d'Etats membres, notamment l'Espagne qui n'est pas un pays à fiscalité privilégiée ; que, pour les années 2005 et 2006, le service, qui conteste l'existence légale de la société International Consulting Center Inc, ne peut conclure à son établissement au Belize, pays dont il n'est pas établi qu'il soit, depuis mars 2002, à fiscalité privilégiée au sens de l'article 238 A du code général des impôts, le taux de base d'imposition applicable étant de 40 % ; qu'il peut être au pire considéré qu'elle serait établie en Lettonie avec laquelle la France a conclu une convention et qui a intégré l'Union européenne le 1er mai 2004 ; que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ne sont pas justifiées dès lors qu'il n'est pas établi que M. A ait été le dirigeant de droit ou de fait des deux entités ayant travaillé avec la société Sea TPI ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 juillet 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat tendant au rejet de la requête ;

Il soutient que la proposition de rectification du 15 décembre 2007 mentionne de façon suffisamment précise la nature et la teneur des documents, que le service a effectivement utilisés à la suite des opérations de vérification de comptabilité de la société Sea TPI, indiquant les prestations réalisées en France par M. A avec cette société, notamment le fait qu'il avait, comme consultant informatique, été mis à sa disposition, de 2004 à 2006, par les sociétés Richard Little Consultancy et International Consulting Center Inc, respectivement basées en Espagne et au Belize, et que la société Sea TPI n'avait pas été en mesure de fournir d'élément attestant de l'existence de contacts avec ces deux entités étrangères, M. A étant son seul interlocuteur ; que ce dernier n'a jamais demandé communication du contrat le liant aux sociétés Richard Little Consultancy et International Consulting Center Inc ; que les rectifications opérées en matière d'impôt sur le revenu ne découlant pas des rehaussements exposés dans la proposition de rectification adressée à la société Sea TPI, mais des constatations faites au cours de la vérification de comptabilité de la société, le requérant ne peut prétendre à l'irrégularité de la procédure ; que l'administration n'était pas tenue d'adresser au contribuable une nouvelle proposition de rectification, le simple fait de préciser, pour répondre aux observations du contribuable, que son rôle dépassait largement celui d'un salarié et s'apparentait à celui d'un dirigeant, ne modifiant, ni en fait ni en droit, le motif des rectifications proposées ; que la société Sea TPI n'ayant pas directement rémunéré M. A pour les prestations qu'il a effectuées en 2004 alors qu'il avait été mis à disposition par la société espagnole Richard Little Consultancy, cette rémunération ayant été versée sur un compte ouvert en Lettonie au nom de la société bélizienne International Consulting Center Inc qui n'a pas d'autre activité avérée que la prestation de services, M. A, qui ne peut dès lors utilement invoquer la convention fiscale franco-espagnole, a été imposé à bon droit, sur cette somme, en application de l'article 155 A du code général des impôts ; que cet article ne méconnaît pas les libertés d'établissement et de prestation de services au sein de l'Union européenne, les prestations effectuées en France par un prestataire domicilié en France étant imposables en France, M. A n'établissant aucune double imposition et la convention franco-espagnole prévoyant elle-même que les revenus retirés de l'exercice d'une profession libérale sont imposables dans l'Etat de résidence du bénéficiaire ; que, pour les années 2005 et 2006, les rectifications sont essentiellement fondées sur le fait que M. A n'a pas établi que la société bélizienne International Consulting Center Inc exerçait, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services, la référence à la fiscalité privilégiée du Belize n'ayant qu'un caractère surabondant ; qu'au vu des factures présentées, le règlement a été effectué en Lettonie pour le compte de la société bélizienne ; que même si le Belize ne figure plus sur la liste des paradis fiscaux non coopératifs, il reste un paradis fiscal, les sociétés par actions internationales y étant exonérées d'impôt sur le revenu ; que M. A, qui a lui-même répondu à l'appel d'offre de la société Sea TPI, qui n'a pas eu d'autres interlocuteurs, et a négocié les termes du contrat de partenariat, s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses en utilisant une société écran pour présenter des factures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2012 :

- le rapport de M. Besson, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant que suite à la vérification de la comptabilité de la SA Sea TPI, dont le siège est à La Ciotat, et au contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, l'administration a, le 15 décembre 2007, proposé à M. et Mme A de rectifier leurs revenus imposables des années 2004, 2005 et 2006 en réintégrant, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les sommes versées par la SA Sea TPI sur compte ouvert en Lettonie au nom de la société bélizienne International Consulting Center Inc, en rémunération des prestations de services informatiques accomplies par M. A dans le cadre d'une mise à disposition, en 2004, par la société espagnole Richard Little Consultancy et, en 2005 et 2006, par ladite société International Consulting Center Inc ; que M. et Mme A font appel de l'article 2 du jugement n° 0900850 du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces compléments d'imposition et des pénalités y afférentes ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir mentionné la vérification de la comptabilité de la SA Sea TPI, la proposition de rectification du 15 décembre 2007, comme la réponse faite aux observations des contribuables le 28 février 2008, analysent précisément les relations ayant existé entre M. A, la SA Sea TPI et les sociétés Richard Little Consultancy et International Consulting Center Inc, au vu de la facturation de la SA Sea TPI, des contrats de partenariat avec les deux autres sociétés, dont M. et Mme A n'établissent pas avoir demandé communication, et de l'absence de contact avéré entre les trois sociétés, sans se fonder sur d'autres éléments, telles que la proposition de rectification et la réponse adressées à la société Sea TPI dont les contribuables ont, dès lors, inutilement demandé la communication ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ;

Considérant qu'en se bornant à préciser, pour répondre aux observations des contribuables, que le rôle de M. A dépassait largement celui d'un salarié et s'apparentait à celui d'un dirigeant, le service n'a modifié, ni en fait ni en droit, les motifs des rectifications proposées qui soulignaient déjà qu'il avait été le seul interlocuteur de la société Sea TPI ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. (...) " ;

Quant à l'année 2004 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Sea TPI n'ayant pas directement rémunéré M. A, pour les prestations de services informatiques qu'il a effectuées en France en 2004, alors qu'il était mis à disposition par la société espagnole Richard Little Consultancy, cette rémunération ayant été versée sur un compte ouvert en Lettonie au nom de la société bélizienne International Consulting Center Inc qui n'a d'autre activité avérée que la prestation de services, M. et Mme A, qui ne peuvent dès lors utilement invoquer la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 et n'établissent au demeurant aucune double imposition en France ou en Espagne, ont été imposés à bon droit, sur les sommes correspondantes, en application de l'article 155 A du code général des impôts ;

Considérant que M. et Mme A ne peuvent utilement soutenir que les dispositions de cet article méconnaîtraient les principes de liberté d'établissement et de prestation de services au sein de l'Union européenne, les prestations de services informatiques rendues par M. A ayant été exécutées en France et l'imposition, établie par l'administration fiscale française, concernant un résident français ;

Quant aux années 2005 et 2006 :

Considérant que M. et Mme A n'établissent pas que la société International Consulting Center Inc, basée au Belize au vu de la facturation émise, exerçait, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services ; que c'est dès lors à bon droit, en l'absence de toute double imposition et sans qu'il soit besoin de rechercher si le Belize était encore soumis à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A du code général des impôts, que la rémunération des prestations de services réalisées en France par M. A a été réintégrée dans ses bases d'imposition ;

Sur les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en 2004 et 2005 : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti (...) d'une majoration de (...) 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (...) " ; qu'aux termes du même article dans sa rédaction en vigueur en 2006 : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) " ;

Considérant qu'en relevant le fait que M. A, résidant en France, s'était servi pendant trois ans d'une société écran ayant seulement présenté des factures pour la rémunération de son activité professionnelle, en France, de consultant en informatique pour laquelle il n'avait déclaré aucun revenu, l'administration établit, en l'espèce, l'existence d'un montage frauduleux, entre la France, l'Espagne, la Lettonie et le Belize, visant à éluder l'impôt ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ; que doivent être rejetées, en conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2012 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Besson et Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 10 avril 2012.

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N° 11LY00512

jb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00512
Date de la décision : 10/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Droit de communication.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Thomas BESSON
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : ANSERMAUD ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-04-10;11ly00512 ?
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