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05/04/2012 | FRANCE | N°10LY02366

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 avril 2012, 10LY02366


Vu la requête enregistrée le 13 octobre 2010, présentée pour le CABINET MPC AVOCATS dont le siège est 11 rue Saint-Lazare à Paris (75009) ;

Le CABINET MPC AVOCATS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701894 du Tribunal administratif de Dijon en date du 13 juillet 2010 en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Chalon-sur-Saône à lui verser la somme de 140 000 euros en indemnisation du manque à gagner né de son éviction illégale des appels d'offres lancés pour la passation de marchés d'assistance juridique (lots 1 à 4) ou, su

bsidiairement, la somme de 1 200 euros en indemnisation des frais engagés pour...

Vu la requête enregistrée le 13 octobre 2010, présentée pour le CABINET MPC AVOCATS dont le siège est 11 rue Saint-Lazare à Paris (75009) ;

Le CABINET MPC AVOCATS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701894 du Tribunal administratif de Dijon en date du 13 juillet 2010 en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Chalon-sur-Saône à lui verser la somme de 140 000 euros en indemnisation du manque à gagner né de son éviction illégale des appels d'offres lancés pour la passation de marchés d'assistance juridique (lots 1 à 4) ou, subsidiairement, la somme de 1 200 euros en indemnisation des frais engagés pour soumissionner ;

2°) de condamner la commune de Chalon-sur Saône à lui verser la somme de 140 000 euros, subsidiairement, le tiers du montant des prestations effectivement versées par la commune de Chalon-sur-Saône à l'attributaire de chaque lot, à titre infiniment subsidiaire, la somme de 4 800 euros au titre des frais engagés pour soumissionner ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chalon-sur-Saône la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le CABINET MPC AVOCATS soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularités ; qu'en premier lieu, l'instruction n'a pu s'abstenir de demander à la commune de Chalon-sur-Saône de produire l'offre de l'attributaire du marché sans méconnaître le droit à un procès équitable et le principe d'égalité des armes garantis par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en deuxième lieu, le jugement omet de viser la note en délibéré indument qualifiée de mémoire ; qu'en troisième lieu, il omet de statuer sur les moyens tirés de l'irrégularité du classement des offres et de l'existence de chances sérieuses d'emporter le marché ; que la demande indemnitaire ne peut être rejetée en raison de l'absence de chances d'emporter les marchés sans une appréciation des offres en concurrence ; sur le fond du litige, qu'il n'était pas dépourvu de toute chance de remporter le marché, sa candidature ayant été déclarée recevable ; qu'ainsi, il a droit à être indemnisé des frais de présentation des offres, soit 1 200 euros ; qu'ayant disposé de chances sérieuses de remporter un ou plusieurs lots du marché, il doit être indemnisé de son manque à gagner ; que c'est seulement au stade de l'examen des offres qu'il a été évincé ; que ses offres, qui étaient complètes, respectaient les exigences du règlement de consultation et du cahier des charges ; que l'intimée doit produire les offres des attributaires afin que soient vérifiées les notes attribuées au titre du critère de la valeur technique ; que la qualité de ses offres était meilleure ou équivalente à celles de l'attributaire ; que le montant du bénéfice net escompté de l'exécution des marchés litigieux s'élève à 140 000 euros HT ; qu'à titre subsidiaire, le bénéfice net peut être évalué au tiers du montant des prestations effectivement versées par la commune de Chalon-sur-Saône à l'attributaire de chaque lot ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 7 février 2011, présenté pour la commune de Chalon-sur-Saône (71321) ;

La commune de Chalon-sur-Saône conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du CABINET MPC AVOCATS une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Chalon-sur-Saône soutient que les écritures enregistrées le 24 juin 2010, antérieurement au prononcé des conclusions du rapporteur public, ne peuvent être qualifiées de note en délibéré ; que l'économie des moyens a pu régulièrement conduire le Tribunal à ne pas statuer sur l'ensemble des moyens du demandeur ; qu'il n'appartient à la juridiction ni de se prononcer sur le mérite respectif des offres en lieu et place du pouvoir adjudicateur ni de procéder à sa propre analyse des offres, mais seulement de vérifier si les moyens articulés par le requérant sont de nature à établir l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'irrégularité qui entacherait l'analyse du prix, à la supposer établie, ne permet pas de présumer d'irrégularité de l'analyse de la valeur technique des offres ; que le juge n'a pas à s'expliquer sur les motifs pour lesquels il refuse d'ordonner une mesure d'instruction ; qu'il appartenait au requérant de saisir la commission d'accès au documents administratifs s'il estimait illégal le refus de communication que lui a opposé le pouvoir adjudicateur ; que les documents demandés par le cabinet sont protégés par le secret des affaires ; que la communication du rapport d'analyse des offres au Tribunal a permis de concilier le principe du contradictoire et le secret des affaires et était suffisante pour permettre au requérant de contester le rejet de ses offres ; que la production des offres n'était pas utile à la solution du litige, le requérant disposant des mêmes informations que la commune ; à titre subsidiaire, que la comparaison de la valeur technique des offres en concurrence n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; que l'allotissement du marché n'est entaché d'aucune irrégularité ; qu'elle n'a pas utilisé de critère étranger au règlement de consultation ; que le moyen tiré de la violation de la directive 2004/18/CE est inopérant, les services juridiques étant exclus du champ d'application de ce texte ; que les marchés litigieux, conclus sous forme d'accords-cadres, ménagent la possibilité de fixer les honoraires en accord avec les titulaires, en fonction de la complexité de chaque affaire ; que dans la mesure où la ville n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation dans l'analyse des offres, l'application d'un abattement de 0,5 point à la valeur financière de l'offre est sans incidence sur le classement des offres ; que le CABINET MPC AVOCATS était dépourvu de chance sérieuse de remporter le marché mais également de toute chance et qu'ainsi il ne peut obtenir l'indemnisation de son manque à gagner ; à titre infiniment subsidiaire, que la perte d'une chance d'être titulaire d'un accord-cadre ne crée aucun dommage indemnisable au candidat évincé ; que le cabinet requérant n'est pas en mesure de démontrer qu'il aurait été attributaire du tiers du montant prévisionnel de chacun des quatre accords-cadres ; que les accords-cadres n'ayant pas fait l'objet d'un renouvellement, le préjudice doit donc être évalué sur une seule année ; que faute de justifier de son manque à gagner par des pièces comptables, sa demande indemnitaire doit être rejetée ; que les frais de présentation de son offre doivent être ramenés à de plus justes proportions ;

Vu le courrier du 29 novembre 2011 par lequel la Cour demande à la commune de Chalon-sur-Saône de verser au dossier les offres concurrentes et le rapport d'analyse des offres, et la production de ses pièces enregistrées le 9 décembre 2011 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

- les observations de Me Lalanne, représentant la commune de Chalon-sur-Saône ;

Considérant que par avis d'appel public à la concurrence publié le 20 avril 2007, la commune de Chalon-sur-Saône a lancé une procédure de passation de marchés de prestations juridiques divisé en cinq lots, administration générale (1), domanialité, patrimoine et urbanisme (2), fonction publique territoriale et droit du travail (3), contrats publics (4), création et communication (5) ; que le CABINET MPC AVOCATS qui avait présenté des offres pour les quatre premiers lots a été informé, par courrier du 3 juillet 2007, du rejet de ses offres ; que par jugement du 13 juillet 2010, le Tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions rejetant les offres du CABINET MPC AVOCATS et attribuant les marchés des quatre premiers lots en raison des irrégularités qui entachaient l'appréciation des offres sur le critère du prix ; que le CABINET MPC AVOCATS relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à ce que l'autorité adjudicatrice l'indemnise du préjudice né de son éviction ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant que pour rejeter la demande indemnitaire du CABINET MPC AVOCATS au motif qu'il était dépourvu de chances sérieuses, ou même de toute chance, d'emporter les marchés des lots 1 à 4, le Tribunal s'est fondé sur la comparaison des offres telle qu'elle résultait de la combinaison du critère du prix purgé des irrégularités qu'il venait de sanctionner et affecté d'un coefficient de 0,30, mais aussi du critère de la valeur technique affecté d'un coefficient de 0,70 ; qu'en opposant au CABINET MPC AVOCATS l'infériorité de ses offres sur celles de ses concurrents et en tenant pour établies les allégations de la commune de Chalon-sur-Saône sur l'appréciation des offres présentées par les concurrents les mieux notés, sans ordonner la production des pièces permettant de vérifier ces allégations, le Tribunal n'a pas mis le demandeur à même de contester utilement les comparaisons établies par l'autorité adjudicatrice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CABINET MPC AVOCATS est fondé à soutenir qu'en ce qu'il rejette sa demande indemnitaire, le jugement attaqué repose sur une procédure non contradictoire et est entaché d'irrégularité ; que ledit jugement doit être annulé dans cette mesure ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée au Tribunal par le CABINET MPC AVOCATS ;

Sur l'indemnisation du CABINET MPC AVOCATS :

En ce qui concerne la fin de non recevoir opposée par la commune de Chalon-sur-Saône :

Considérant qu'il est constant que le maire de Chalon-sur-Saône a lié le contentieux indemnitaire en rejetant expressément la demande indemnitaire du CABINET MPC AVOCATS ; qu'il est, dès lors, sans incidence sur la recevabilité de ladite demande au contentieux que l'intéressé se réfère à une décision implicite de rejet ;

En ce qui concerne le fond du litige :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'examen des offres les mieux notées communiquées à la demande de la Cour, que les insuffisances des offres du requérant tiennent à la moindre spécialisation de ses équipes, à des méthodes laissant une moindre initiative à la collectivité et à une méthodologie d'intervention moins détaillée ; qu'au regard de ces différences et de la pondération instituée par le règlement de la consultation, l'écart de notation de valeur technique avec les offres concurrentes n'est pas injustifié et ne saurait être compensé par l'application du critère du prix ; qu'ainsi le CABINET MPC AVOCATS n'est pas fondé à soutenir qu'il disposait de chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dès lors, ses conclusions tendant à l'indemnisation de la perte de son bénéfice net ou, subsidiairement, du montant des prestations effectivement facturées par les attributaires des marchés doivent être rejetées ;

Considérant en revanche qu'il résulte de l'instruction que l'écart entre les offres n'est pas tel que le CABINET MPC AVOCATS doive être regardé comme ayant été dépourvu de toute chance de remporter les marchés ; que, dès lors, il y a lieu de condamner la commune de Chalon-sur Saône à l'indemniser des frais de présentation de son offre dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant à la somme de 600 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, d'une part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Chalon-sur-Saône une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CABINET MPC AVOCATS et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la commune de Chalon-sur-Saône doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1 : Le jugement n° 0701894 du Tribunal administratif de Dijon en date du 13 juillet 2010 est annulé en tant qu'il concerne la demande d'indemnisation du CABINET MPC AVOCATS.

Article 2 : La commune de Chalon-sur-Saône est condamnée à verser la somme de 600 euros au CABINET MPC AVOCATS.

Article 3 : La commune de Chalon-sur-Saône versera une somme de 1 500 euros au CABINET MPC AVOCATS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au CABINET MPC AVOCATS, à la commune de Chalon-sur-Saône et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2012 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 avril 2012.

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N° 10LY02366

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02366
Date de la décision : 05/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés.

Procédure - Instruction - Caractère contradictoire de la procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SCP BLT DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-04-05;10ly02366 ?
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