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22/03/2012 | FRANCE | N°11LY01317

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 22 mars 2012, 11LY01317


Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2011, présentée pour la SOCIETE GIMAEX, dont le siège est au 8, rue Henri Becquerel, ZI Mitry Compans, à Mitry-Mory (77292 cedex) ;

La SOCIETE GIMAEX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702565 du 11 mars 2011 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des marchés de fourniture de cinq, dix et six cuves pour des camions-citernes, conclus par le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Drôme respectivement les 7 août 2001, 28 août 2002 et 13 f

évrier 2003 ;

2°) d'annuler lesdits marchés conclus avec la société indus...

Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2011, présentée pour la SOCIETE GIMAEX, dont le siège est au 8, rue Henri Becquerel, ZI Mitry Compans, à Mitry-Mory (77292 cedex) ;

La SOCIETE GIMAEX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702565 du 11 mars 2011 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des marchés de fourniture de cinq, dix et six cuves pour des camions-citernes, conclus par le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Drôme respectivement les 7 août 2001, 28 août 2002 et 13 février 2003 ;

2°) d'annuler lesdits marchés conclus avec la société industrielle pour le développement de la sécurité (SIDES) ;

3°) de mettre à la charge du SDIS une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'ainsi que l'a estimé le Tribunal administratif, la passation des contrats conclus en 2002 et 2003 était irrégulière, dès lors que, le seuil de 200 000 euros fixé par le code des marchés publics ayant été atteint, le SDIS de la Drôme devait mettre en oeuvre des mesures de publicité au bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), ce qui n'a pas été fait ; qu'une telle publicité aurait également dû être assurée pour le marché conclu en 2001, le SDIS de la Drôme ayant procédé à un fractionnement irrégulier du marché ; que l'urgence à conclure le marché passé en 2001 n'est pas établie ; que le SDIS de la Drôme a agi délibérément en vue de conclure son contrat avec la SA SIDES ; qu'il a entendu dès 2001 remplacer les 21 cuves et aurait dû, dès lors, passer un seul marché ; que, s'agissant du marché conclu en 2003, la SA SIDES n'a remis sa candidature que postérieurement à la date limite de dépôt des candidatures ; qu'aucune urgence à remplacer les cuves n'était établie en 2003 ; que le rapport de la commission d'appel d'offres et la délibération entérinant le choix du délégataire n'ont pas été produits ; que les dispositions de l'article 27 du code des marchés publics ont ainsi été méconnues ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 août 2011, présenté pour la SA SIDES, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la requête est irrecevable en l'absence de moyens dirigés contre la décision de première instance ; que le moyen tiré d'une insuffisance de publicité n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que le contrat conclu en 2001 l'a été en application des dispositions des articles 38 et 104 du code des marchés publics, eu égard à l'urgence qu'il y avait pour le SDIS de la Drôme à acquérir des cuves de camions-citernes ; que, le Tribunal administratif de Grenoble ayant considéré que les contrats signés en 2002 et 2003 avaient été irrégulièrement conclus, la SOCIETE GIMAEX n'est pas recevable à demander la réformation du jugement sur ce point ; qu'eu égard à la nature du vice et à la circonstance que les deux marchés ont été exécutés, la demande d'annulation des marchés doit être rejetée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 août 2011, présenté pour le SDIS de la Drôme, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les marchés litigieux ont fait l'objet d'avis d'attribution les 10 août 2001, 14 octobre 2002 et 14 avril 2003 ; que le recours présenté devant le Tribunal administratif de Grenoble le 18 mai 2007 était donc tardif et, par suite, irrecevable ; que la SOCIETE GIMAEX ne justifiait pas d'un intérêt pour demander l'annulation des marchés ; que la requête de première instance n'était pas motivée ; que les conclusions dirigées contre les décisions de la commission d'appel d'offres et les délibérations du conseil d'administration sont également tardives, la SOCIETE GIMAEX ne justifiant par ailleurs pas d'un intérêt à demander leur annulation ; que les délibérations nos 68/2002, 83/2002 et 24/2003 n'ont pas été produites, les conclusions tendant à leur annulation étant dès lors irrecevables ; qu'il n'est pas établi qu'il a procédé à un fractionnement irrégulier du marché ; que le marché conclu en 2001 l'a été dans l'urgence, compte tenu de la nécessité de remettre en service des véhicules indisponibles depuis plusieurs mois ; qu'il n'envisageait pas de changer toutes les cuves dès le début, même s'il avait recueilli des avis sur ce point ; qu'un avis d'appel public à la concurrence a bien été publié en 2002 et 2003, le SDIS ayant reçu la candidature d'une autre société que celle à laquelle le marché a été attribué ; qu'il n'est pas établi que la candidature de la société SIDES a été reçue tardivement ni que ce retard a eu une incidence sur la régularité de la procédure ; que le marché a été attribué suite à une délibération du conseil d'administration en date du 20 mars 2003 ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2012, après clôture de l'instruction, pour la SOCIETE GIMAEX ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2012 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

- et les observations de Me Madjri, représentant le SDIS de la Drôme, et de Me Liet-Veaux, représentant la SA SIDES ;

Considérant que la SOCIETE GIMAEX relève appel du jugement du 11 mars 2011 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des marchés de fourniture de cuves équipant des véhicules de lutte contre l'incendie conclus par le service départemental d'incendie et de secours de la Drôme les 7 août 2001, 28 août 2002 et 13 février 2003 ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

Considérant, en premier lieu, que la requête d'appel de la SOCIETE GIMAEX n'est pas la reproduction littérale de ses écritures de première instance ; qu'ainsi, elle n'est pas irrecevable ;

Considérant, en second lieu, que la SOCIETE GIMAEX a intérêt à relever appel du jugement qui a rejeté ses conclusions dirigées contre les marchés conclus en 2002 et 2003, alors même que le Tribunal administratif avait relevé qu'ils avaient été conclus à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la SA SIDES doit être écartée ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ;

Considérant, en premier lieu, que la requête de première instance de la SOCIETE GIMAEX était motivée, contrairement à ce que soutient le SDIS de la Drôme ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE GIMAEX est spécialisée dans la fabrication des équipements de véhicules de lutte contre l'incendie et était intervenue, en tant que sous-traitante, dans la fourniture des véhicules dont les cuves devaient être remplacées ; que, faisant valoir qu'elle n'a pu se porter candidate à l'attribution des marchés de fourniture des cuves en l'absence de mesures de publicité suffisantes, elle doit être regardée comme un concurrent évincé justifiant de ce fait d'un intérêt pour agir contre les contrats litigieux ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 38 du code des marchés publics, dans sa version applicable pour le contrat conclu en 2001 : " III. - Les avis d'appel public à la concurrence et les avis d'attribution sont insérés dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics ou dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales./ Lorsque le montant estimé du marché est supérieur à un seuil fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances, l'avis relatif à ce marché est publié dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics. " ; qu'aux termes de l'article 80 du code des marchés publics, dans sa version issue du décret du 7 mars 2001, applicable au contrat conclu en 2003 : " La personne responsable du marché envoie pour publication, dans un délai de trente jours à compter de la notification du marché, un avis d'attribution. Les mentions figurant dans cet avis sont précisées par un arrêté du ministre chargé de l'économie./ Les avis d'attribution sont publiés dans les mêmes conditions que les avis d'appel public à la concurrence. " ; que le SDIS de la Drôme soutient que les demandes dirigées contre les contrats conclus en 2001 et 2003 étaient tardives, dès lors que des avis d'attribution de ces derniers avaient été publiés dans un journal local ; que, toutefois, la publication de ces avis, qui au demeurant ne mentionnaient pas les modalités de consultation des contrats, dans le seul quotidien " Le Dauphiné Libéré " ne peut être regardée, compte tenu du montant du marché, qui imposait la publication d'un avis d'appel public à la concurrence au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, comme une mesure de publicité appropriée, susceptible, dans ces conditions, de faire courir les délais de recours contentieux ; que, par suite, les demandes présentées par la SOCIETE GIMAEX devant le Tribunal administratif de Grenoble n'étaient pas tardives ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des contrats :

Considérant que, saisi de conclusions contestant la validité d'un contrat, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité de ce dernier, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de présentation du marché de 2001, que le SDIS de la Drôme entendait dès cette date procéder au remplacement de l'ensemble des cuves défectueuses des vingt-et un camions citernes qu'il avait commandés en 1994 et 1995, lesquelles étaient corrodées ; qu'aucune urgence ne justifiait qu'il soit dérogé aux règles de publicité applicables ; que, si les achats ont été étalés entre 2001 et 2003, ils s'inscrivaient ainsi d'une même opération, dont le montant total était de 317 633,24 euros hors taxes ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 104 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable lors de la passation du contrat conclu le 7 août 2001 : " La personne responsable du marché met en compétition, par une consultation écrite au moins sommaire, les candidats susceptibles d'exécuter le marché. En outre, sauf dans les cas énumérés aux 3°, 4°, 5°, 6° et b du 8° de l'alinéa précédent, et sauf si le montant présumé du marché est inférieur au seuil prévu à l'article 123, elle envoie à la publication quinze jours au moins avant l'engagement de cette consultation un avis d'appel public à la concurrence dans les conditions prévues à l'article 38. " ; qu'aux termes de l'article 38 du code, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Les marchés publics sont précédés d'un avis d'appel public à la concurrence sous réserve des exceptions prévues à l'article 104. (...) III. - Les avis d'appel public à la concurrence et les avis d'attribution sont insérés dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics ou dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales./ Lorsque le montant estimé du marché est supérieur à un seuil fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances, l'avis relatif à ce marché est publié dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics. " ; que le seuil au-delà duquel un avis relatif au marché devait être publié au Bulletin officiel des marchés publics était de 900 000 francs hors taxes ; que le montant total du marché dépassant ce seuil, l'établissement devait publier un avis d'appel public à la concurrence au Bulletin officiel des marchés publics ; que l'avis d'appel public à la concurrence n'ayant été publié que dans un seul journal local, la procédure de passation du marché conclu le 7 août 2001 était irrégulière ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 27 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable pour les contrats conclus les 28 août 2002 et 13 février 2003, le SDIS de la Drôme devait, pour déterminer les mesures de publicité et la procédure à mettre en oeuvre, prendre en compte le montant cumulé des marchés ; que ce montant dépassant le seuil de 200 000 euros, le SDIS de la Drôme, qui ne pouvait recourir à la procédure de mise en concurrence simplifiée, devait publier un avis d'appel public à la concurrence au Bulletin officiel des annonces de marchés publics ; qu'en l'absence d'une telle publication, la procédure de passation était irrégulière ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que des motifs d'intérêt général s'opposeraient à l'annulation des contrats, qui ont été entièrement exécutés ; que, dans ces conditions, et compte tenu de la nature de l'illégalité commise, il y a lieu de les annuler ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE GIMAEX est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des contrats conclus les 7 août 2001, 28 août 2002 et 13 février 2003 par le SDIS de la Drôme avec la SA SIDES ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la SOCIETE GIMAEX, qui n'est pas partie perdante, les sommes demandées par le SDIS de la Drôme et la SA SIDES au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS de la Drôme la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SOCIETE GIMAEX ;

DECIDE :

Article 1er : Les contrats conclus les 7 août 2001, 28 août 2002 et 13 février 2003 par le SDIS de la Drôme avec la société SIDES, ensemble le jugement n° 0702565 du 11 mars 2011 du Tribunal administratif de Grenoble sont annulés.

Article 2 : Le SDIS de la Drôme versera à la SOCIETE GIMAEX la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du SDIS de la Drôme et de la SA SIDES tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE GIMAEX, au service départemental d'incendie et de secours de la Drôme, à la société industrielle pour le développement de la sécurité et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2012, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

- M. Besse, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 22 mars 2012.

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N° 11LY01317

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01317
Date de la décision : 22/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : DESCLOZEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-03-22;11ly01317 ?
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