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20/03/2012 | FRANCE | N°11LY00620

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 20 mars 2012, 11LY00620


Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2011, présentée pour l'EARL VALETTE, dont le siège social est 40-44 rue du Vivarais à Saint-Marcel-lès-Valence (26320) ;

L'EARL VALETTE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406625 du 23 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la SCEA Valette, aux droits de laquelle elle vient, tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 38 605,50 euros, outre intérêts de droits, au titre d'une indemnité pour l'arrachage d'arbres et à ce que soit ordonnée une

expertise pour chiffrer le préjudice réel résultant d'une décision illégale d'...

Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2011, présentée pour l'EARL VALETTE, dont le siège social est 40-44 rue du Vivarais à Saint-Marcel-lès-Valence (26320) ;

L'EARL VALETTE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406625 du 23 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la SCEA Valette, aux droits de laquelle elle vient, tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 38 605,50 euros, outre intérêts de droits, au titre d'une indemnité pour l'arrachage d'arbres et à ce que soit ordonnée une expertise pour chiffrer le préjudice réel résultant d'une décision illégale d'arrachage d'arbres, évalué à 100 000 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 38 605,50 euros, outre intérêts de droits à compter du 19 octobre 2004, au titre d'une indemnité légale d'arrachage ;

3°) d'ordonner une expertise pour chiffrer le préjudice réel complémentaire résultant d'une décision illégale d'arrachage d'arbres ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal a considéré que les dispositions de l'article L. 251-9 du code rural relatives au non respect des obligations de déclaration et de destruction des arbres excluaient du bénéfice de l'indemnisation due au titre de l'arrachage préventif les végétaux sur lesquels la maladie n'avait pas été décelée, alors que le non respect de ces obligations ne fait obstacle qu'à une allocation pour la destruction des végétaux sur lesquels l'existence de l'organisme nuisible a été constatée ;

- l'entreprise n'a pas pu bénéficier d'une vérification de l'étendue de la contamination par un ingénieur qualifié des services de l'Etat, visé par les dispositions de l'article L. 251-18 du code rural, et n'a pas été en mesure de contester la contamination, en l'absence de procès-verbal et de visite préalable contradictoires ; par suite, le préfet de la Drôme ne pouvait la mettre en demeure de procéder à l'arrachage des parcelles concernées ;

- elle a subi un préjudice résultant de la perte de l'indemnisation légale, d'un montant de 38 605,50 euros, et un préjudice résultant de l'arrachage illégal de 5 hectares de vergers, qui devra être déterminé par une mesure d'expertise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 1er juillet 2011, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 26 août 2011 ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 août 2011, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions de l'article L. 251-9 du code rural font obstacle à l'indemnisation au titre de l'arrachage d'arbres dès lors que l'exploitant n'a pas mis en place les mesures d'arrachage sur l'ensemble de ses parcelles ;

- dès lors que la requérante ne conteste pas que ses parcelles présentaient plus de 5 % d'arbres contaminés sur les trois dernières années d'exploitation avant août 2003, et que, contrairement à ce qu'elle soutient, la FREDEC était qualifiée pour établir l'étendue de la contamination des vergers, elle n'a pas subi de préjudice, nonobstant l'absence de constat contradictoire prévu par l'article L. 251-9 du code rural, dès lors que le préfet de la Drôme aurait pris la même décision d'arrachage à l'issue d'une procédure régulière ;

- le montant du préjudice allégué n'est accompagné d'aucun document justificatif et la requérante ne peut solliciter un expertise sans expliquer en quoi elle serait dans l'incapacité de chiffrer son préjudice ;

Vu l'ordonnance en date du 8 septembre 2011, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été reportée au 30 septembre 2011 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2012 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de Me Tumerelle, pour l'EARL VALETTE ;

Considérant que la SCEA Valette exploitait des vergers d'arbres fruitiers dans les communes de Valence et de Saint-Marcel-lès-Valence, et notamment dix-huit parcelles sur lesquelles la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (FREDEC) Rhône-Alpes a constaté la contamination de plus de 5% des arbres par le virus de la Sharka ; qu'à la suite d'un contrôle opéré par la FREDEC, la société a été mise en demeure de procéder à l'arrachage d'arbres contaminés, marqués lors du contrôle, avant le 31 mars 2003 puis, par une lettre du 17 novembre 2003, du chef du Service régional de la protection des végétaux (SRPV) de procéder à l'arrachage des parcelles contaminées, avant le 1er février 2004, sur le fondement de l'arrêté préfectoral du 13 novembre 2003 déclarant le département de la Drôme contaminé par le virus de la Sharka ; que, par un arrêté du 31 mars 2004, le préfet de la Drôme a mis en demeure ladite société de procéder à l'arrachage, dans les cinq jours de sa notification, de quatorze des dix-huit parcelles déclarées contaminées et non encore arrachées ; qu'il a été procédé à l'arrachage desdites parcelles, ainsi qu'en atteste un "constat d'arrachage", du 5 avril 2004, signé par des agents des communes concernées ; que l'EARL VALETTE, venant aux droits de la SCEA Valette, indemnisée au titre des quatre parcelles ayant fait l'objet d'un arrachage avant l'arrêté préfectoral du 31 mars 2004 et au titre de l'arrachage d'arbres isolés, fait appel du jugement du 23 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la SCEA Valette tendant, d'une part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 38 605,50 euros, outre intérêts de droits, au titre d'une indemnité légale pour l'arrachage des parcelles visées par ledit arrêté préfectoral et, d'autre part, à ce que soit ordonnée une expertise pour chiffrer le préjudice réel résultant de l'illégalité de la décision d'arrachage desdites parcelles, évalué à 100 000 euros ;

Sur l'indemnité légale pour destruction de végétaux :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 251-6 du code rural, alors en vigueur : "Toute personne qui, sur un fonds lui appartenant ou cultivé par elle, ou sur des produits ou matières qu'elle détient en magasin, constate la présence d'un organisme nuisible, nouvellement apparu dans la commune, doit en faire immédiatement la déclaration soit au maire de la commune de sa résidence, lequel doit la transmettre au service chargé de la protection des végétaux, soit directement au service chargé de la protection des végétaux dont elle dépend. " ; qu'aux termes de l'article L. 251-9 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté préfectoral du 31 mars 2004 : " La destruction de végétaux ne peut être exécutée qu'après constatation contradictoire de l'état des lieux, en présence du maire ou de son délégué, d'un agent relevant des catégories mentionnées au I de l'article L. 251-18 et du propriétaire ou usager des terrains ou magasins ou de son représentant dûment appelés ; de cette opération, il est dressé procès-verbal signé des parties. / Une allocation, ne dépassant pas les deux tiers de leur valeur, peut être accordée, par décision du préfet et sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt, pour la perte résultant de la destruction des végétaux non contaminés ordonnée par mesure de précaution. / Aucune allocation n'est accordée pour la destruction des végétaux sur lesquels l'existence de l'organisme nuisible a été constatée toutes les fois que le propriétaire ou l'usager du terrain sur lequel se trouvent les végétaux n'a pas effectué la déclaration prévue à l'article L. 251-6 et ne peut prouver à dire de témoins ou de tout autre manière que des traitements ont été effectués en vue de leur destruction. " ;

Considérant que la SCEA Valette, aux droits de laquelle vient l'EARL VALETTE, a demandé à bénéficier d'une indemnisation, au titre de l'arrachage des parcelles déclarées contaminées par le virus de la Sharka, selon les modalités et montants déterminés par la circulaire du 23 septembre 2003 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, relative à la mise en oeuvre des mesures d'indemnisation dans le cadre de la lutte contre la Sharka sur les arbres fruitiers ; que ledit ministre, auquel il appartient de définir les mesures propres à prévenir la propagation des organismes nuisibles, et qui a pu ainsi définir à ce titre les critères et les barèmes d'indemnisation des opérations d'arrachage des arbres fruitiers atteints ou menacés par le virus de la Sharka, a fixé dans ladite circulaire le montant des indemnités d'arrachage des parcelles contaminées, lorsque le taux de sujets contaminés par ce virus dépasse 5 % des arbres de la parcelle cumulés sur les trois dernières années ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du préfet de la Drôme du 12 novembre 2003 : " En application de l'article L. 251-8, la présence de plus de 5 % d'arbres détectés contaminés sur une parcelle, en cumulé sur les trois dernières années (1er janvier 2001 - 21 août 2003) impliquera obligatoirement l'arrachage dans sa totalité de la dite parcelle avant le 1er février 2004. (...)" ; que les dispositions combinées précitées des articles L. 251-6 et L. 251-9 du code rural font toutefois obstacle à l'indemnisation d'un propriétaire ou usager de parcelles de terrains visées par ces dispositions lorsque ce dernier n'a pas effectué la déclaration de l'apparition de la Sharka sur le fonds qu'il exploite, ainsi que le rappelait au demeurant la circulaire ministérielle du 23 septembre 2003 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SCEA Valette avait effectué la déclaration prévue par les dispositions de l'article L. 251-6 ; que, dès lors, elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de l'indemnisation demandée au titre de l'arrachage de ses parcelles, alors même qu'une partie des végétaux arrachés n'aurait pas été contaminée ;

Sur l'indemnisation à raison d'un arrachage illégal ;

Considérant que la SCEA Valette, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait contesté, avant la mise en demeure de procéder à l'arrachage des parcelles en cause du 31 mars 2004, les notifications de contamination qui lui avaient été adressées, et qui ont servi de base pour le calcul de contamination cumulée des parcelles sur une période de trois années, et notamment dans sa lettre du 27 décembre 2003 valant recours contre la lettre de mise en demeure, du 17 novembre 2003, du chef du Service régional de la protection des végétaux, dans laquelle elle s'est bornée à faire état de son impossibilité d'arracher "toutes les parcelles à plus de 5 % de sharka", n'est pas fondée à soutenir, pour les motifs retenus par les premiers juges et que la Cour fait siens, que seuls les agents mentionnés à l'article L. 251-18 du code rural pouvaient procéder à la prospection de ses vergers dans le cadre de la lutte contre le virus de la sharka ni que le rapport d'inspection établi par la FREDEC ne pouvait régulièrement fonder une obligation d'arrachage qui lui avait été prescrite par le Service régional de la protection des végétaux, ne peut, dès lors, se prévaloir de l'irrégularité des constatations opérées par ce rapport d'inspection ; qu'elle était, par suite, tenue de procéder à l'arrachage des parcelles contaminées ; que la seule circonstance que l'arrachage de ces parcelles, auquel elle a été procédé après la mise en demeure du 31 mars 2004, n'a pas été précédé de la formalité de la constatation contradictoire de l'état des lieux, prévue par les dispositions précitées de l'article L. 251-9 du code rural, qui n'a pas pour objet, au demeurant, de déterminer la contamination des végétaux concernés, mais seulement d'établir la réalité de la destruction en vue d'une éventuelle indemnisation, n'est pas de nature à démontrer que la SCEA Valette, aux droits de laquelle vient l'EARL VALETTE, aurait subi un préjudice à raison d'une décision illégale d'arrachage de ses parcelles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL VALETTE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la SCEA Valette, aux droits de laquelle elle vient, tendant à la condamnation de l'Etat ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de sa requête tendant à ce que soit ordonnée une expertise et au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EARL VALETTE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL VALETTE et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Délibéré après l'audience du 28 février 2012 à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Rabaté, président-assesseur,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mars 2012.

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N° 11LY00620


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Faits n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SELARL CABINET TUMERELLE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 20/03/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11LY00620
Numéro NOR : CETATEXT000025597741 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-03-20;11ly00620 ?
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