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31/01/2012 | FRANCE | N°10LY02106

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2012, 10LY02106


Vu la requête, enregistrée le 9 août 2010, présenté pour le GAEC DU CHAMP DU PUITS, dont le siège est à Saint Didier en Bresse (71620), représenté par son gérant ;

Le GAEC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902486 du 22 juin 2010 du Tribunal administratif de Dijon qui a annulé l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 15 septembre 2009 autorisant le GAEC à exploiter une superficie de 10,83 hectares ;

2°) en conséquence, de rejeter la demande de M. A d'annulation dudit arrêté ;

3°) de condamner M. A à lui payer une somme de 2 00

0 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'après...

Vu la requête, enregistrée le 9 août 2010, présenté pour le GAEC DU CHAMP DU PUITS, dont le siège est à Saint Didier en Bresse (71620), représenté par son gérant ;

Le GAEC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902486 du 22 juin 2010 du Tribunal administratif de Dijon qui a annulé l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 15 septembre 2009 autorisant le GAEC à exploiter une superficie de 10,83 hectares ;

2°) en conséquence, de rejeter la demande de M. A d'annulation dudit arrêté ;

3°) de condamner M. A à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'après avoir cité les articles R. 331-6 et L. 313-3 du code rural le Tribunal, dans son jugement attaqué, a estimé que l'arrêté du préfet était insuffisamment motivé au regard de ces deux articles ; qu'outre le fait que le Tribunal s'est fondé sur le schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Oise, alors que c'est celui de Saône-et-Loire qui est applicable en l'espèce, ce qui révèle un défaut d'examen particulier du dossier, le fait de considérer que l'arrêté est insuffisamment motivé est révélateur d'une double erreur de droit ; qu'en premier lieu s'il est vrai que l'alinéa 1er du paragraphe II de l'article R. 331-6 du code rural prévoit la motivation au regard des critères de l'article L. 331-3, l'arrêté du préfet a respecté cette exigence ; qu'il résulte de la motivation de la décision que le préfet, en l'absence d'autre candidature pour exploiter les terres, a entendu faire droit à une demande d'agrandissement d'exploitation dont toutes les conditions étaient par ailleurs remplies ; que l'administration était donc en présence d'une demande unique ; que M. A n'avait pas déposé de demande d'autorisation d'exploiter les parcelles, car il était l'objet d'un congé pour reprise de l'ayant-droit ; qu'ainsi c'est à juste titre que le préfet n'a pris en compte que la situation du demandeur, en indiquant qu'il n'y avait pas de demande concurrente ; que c'est à tort que le Tribunal a estimé que le préfet devait préciser dans sa décision quelle était la situation personnelle du preneur en place, ce dernier n'ayant pas formulé de demande d'exploitation ; que le Tribunal a commis une seconde erreur de droit en estimant qu'il appartenait au préfet de demander au preneur en place de produire des renseignements sur sa situation ; que l'article R. 331-5 du code rural prévoit la seule obligation pour l'administration d'informer tant le propriétaire que le preneur en place de l'existence et d'une demande d'autorisation et de la date d'examen par la commission des dossiers les concernant ; que, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, cet article n'impose pas au préfet de demander au preneur en place de produire des renseignements sur sa situation ; que ce dernier, utilement informé d'une demande et du jour de l'examen de la demande par la commission, détermine seul s'il est utile ou non de produire des informations concernant sa situation ; qu'en estimant le contraire, le Tribunal a commis une autre erreur de droit ; que cette erreur est d'importance car M. A, suite au courrier du 28 août 2009 l'avisant de la date d'examen par la commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA) de la demande du GAEC appelant, n'a apporté aucune précision sur sa situation et ses projets ; que la commission et le préfet ignoraient quels étaient les projets du requérant sur les parcelles objet de la demande d'exploitation, même si le préfet connaissait les dimensions respectives des exploitations en cause grâce aux déclarations de politique agricole commune (PAC) réalisées par les exploitants, comme l'a relevé le Tribunal ; que c'est donc, à juste titre, que le préfet dans sa décision, suffisamment motivée, n'a pas évoqué la situation du preneur en place ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 avril 2011, présenté pour M. Patrick A, qui conclut au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement attaqué, à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 15 septembre 2009, et à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que M. B, venant aux droits du bailleur M. C décédé, et gérant du GAEC, lui a fait délivrer le 2 mai 2008 un congé que M. A a entendu contester devant le tribunal paritaire des baux ruraux ; que le Tribunal a estimé à juste raison que l'arrêté préfectoral était insuffisamment motivé ; que l'erreur matérielle, Oise au lieu de Saône-et-Loire, est sans incidence ; que les motifs visés par l'article L. 331-3 du code rural sont les seuls susceptibles de fonder la décision préfectorale ; qu'en outre, pour motiver sa décision, le préfet doit préciser les éléments de fait, pas seulement le critère sur lequel il s'est fondé, ce qui n'est pas le cas concernant les priorités du schéma départemental où la motivation est laconique ; que l'ordre de priorité n'est applicable que lorsque le bien est convoité par différents concurrents, ce qui n'est pas le cas ; que le préfet doit faire une étude comparée de la situation du bénéficiaire et de la victime du transfert de jouissance, en précisant en quoi la situation du GAEC par rapport à celle de M. A est prioritaire au regard des critères définis par l'article L. 331-3 et des orientations du schéma directeur des structures agricoles justifiant l'autorisation ; qu'en se contentant de se référer à l'ordre de priorité le préfet s'est fondé de façon partielle sur l'un des critères énumérés à l'article L. 331-3, ce qui rend son arrêté irrégulier ; qu'il n'appartenait pas au préfet de privilégier tel demandeur mais de vérifier la conformité des projets au programme défini par le schéma directeur ; que l'arrêté d'autorisation ne précise pas en quoi l'examen comparatif de la situation du preneur et du candidat à la reprise permet de privilégier ce dernier ; que l'autorisation est insuffisamment motivée quand elle se borne à indiquer que l'opération est conforme aux priorités du schéma directeur et à viser sans le reproduire l'avis de la commission ; que le Tribunal s'est fondé sur l'insuffisante motivation quant à la situation du preneur par rapport à celle du demandeur, le préfet dans ses écritures ayant vainement tenté de raccrocher cette absence de motivation à l'information qu'il aurait faite à M. A pour suppléer cette carence d'information ; que le GAEC se situe sur un plan différent du Tribunal, faussant l'appréciation de celui-ci ; que le préfet n'a pas pris en compte les situations respectives du demandeur de l'autorisation et du preneur en place ; que le préfet et le GAEC se réfugient derrière le fait que M. A n'aurait apporté aucune précision suite au courrier du 28 août 2009 l'avisant de la date d'examen par la commission ; que la portée du courrier est autre, qu'il n'a pas été invité à formuler des observations ; que le préfet qui justifie une autorisation d'exploiter en se fondant sur la situation du demandeur, sans tenir compte de celle du preneur en place, commet une erreur de droit ; que le préfet ne justifie pas son autorisation d'exploiter en ne précisant pas la situation du preneur et celle du demandeur au regard du preneur ; que les parcelles objet de l'autorisation, un peu plus de 10 ha, représentent plus du quart de son exploitation à Serley, alors que le GAEC exploite plus de 200 ha ; que le préfet peut refuser l'autorisation d'exploiter à un GAEC sur une superficie de près de 4 fois supérieure à la surface minimum d'installation (SMI) si cette opération démembre un fonds viable ; que, par ailleurs, les motifs invoqués par le GAEC pour justifier la reprise sont insusceptibles de justifier l'autorisation ; qu'est mal fondée une autorisation d'exploiter accordée au propriétaire d'une terre louée au motif que les preneurs ont cédé le bail à leur fille sans autorisation du bailleur ; que l'absence de demandes multiples ne suffit pas à justifier l'autorisation du candidat unique ; que le projet a pour but de se débarrasser du preneur, comme le montrent les motifs de la demande du gérant du GAEC, qui reprend ses arguments invoqués devant le tribunal paritaire des baux ruraux ; que les parcelles ne sont pas nécessaires à l'exploitation du GAEC, mais le sont pour M. A ; que, par ailleurs, le gérant du GAEC ayant déposé une demande d'autorisation sur les mêmes parcelles au nom du GAEC se l'est vue refuser au regard de la situation de M. A ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 janvier 2012, présenté pour le GAEC DU CHAMP DU PUITS , qui persiste dans ses écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2012 :

- le rapport de M. Rabaté, président ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Et les observations de Me Bosquet pour le GAEC DU CHAMP DU PUITS ;

Considérant que le GAEC DU CHAMP DU PUITS demande à la Cour d'annuler le jugement du 22 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé pour défaut de motivation la décision du préfet de Saône-et-Loire du 15 septembre 2009 l'autorisant à exploiter des parcelles d'une superficie de 10,83 hectares à Serney ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que le Tribunal a, par erreur, mentionné le schéma directeur des structures agricoles de l'Oise, au lieu du schéma de Saône-et-Loire ; que cette erreur matérielle est sans incidence sur la régularité du jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 331-6 du code rural : La décision d'autorisation ou de refus d' exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3. ; que cet article prévoit : L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; 9° Tenir compte de l'intérêt environnemental de l'opération.(...). ;

Considérant que si le préfet doit, en vertu des dispositions précitées, motiver sa décision, il ne saurait être tenu de se prononcer expressément sur chacun des éléments dont lesdites dispositions prescrivent de tenir compte, même s'il lui incombe de préciser de manière suffisante ceux d'entre eux qui constituent, en l'espèce, les fondements de la décision ;

Considérant que, si la décision du préfet de Saône-et-Loire du 15 septembre 2009 vise les résultats de l'enquête effectuée par la directrice départementale de l'agriculture et de la forêt et l'avis émis sur la demande d'autorisation le 3 septembre 2009 par la commission départementale d'orientation de l'agriculture, elle ne déclare pas s'approprier le contenu de l'enquête et de l'avis qui ne sont ni cités ni joints à l'autorisation ; que la décision fait également état des priorités retenues par le schéma directeur départemental des structures agricoles de Saône-et-Loire et de l'absence d'autre candidature pour exploiter les terres objet de la demande ; que le second motif est étranger aux critères énumérés à l'article L. 331-3 précité du code rural et le premier ne comporte la mention d'aucune précision et d'aucune circonstance de fait permettant d'en apprécier la portée ; que, dans ces conditions, et même si le Tribunal a commis des erreurs de droit en retenant dans son appréciation de la motivation deux critères étrangers à celle-ci, il a pu estimer à bon droit que la décision du 15 septembre 2009 n'était pas suffisamment motivée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GAEC n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé l'autorisation d'exploiter qui lui a été accordée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation de M. A, qui n'est pas partie perdante à l'instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser une somme quelconque à M. A au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du GAEC DU CHAMP DU PUITS est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC DU CHAMP DU PUITS, à M. Patrick A et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2012 à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Rabaté, président,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2012.

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N° 10LY02106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02106
Date de la décision : 31/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-05 Agriculture, chasse et pêche. Exploitations agricoles. Aides à l'exploitation.


Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Vincent RABATE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : CHATON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-01-31;10ly02106 ?
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