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05/01/2012 | FRANCE | N°10LY01182

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 janvier 2012, 10LY01182


Vu la requête enregistrée le 20 mai 2010, présentée pour la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. dont le siège est 14 rue de Saint-Nazaire à Strasbourg (67100) ;

La SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801566 du 1er avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du marché conclu entre le Centre d'éducation populaire et de sport (CREPS) de Mâcon et la Société SIC Etanchéité pour les travaux du lot n° 3 Etanchéité de l'opération de rénovation de la

cuisine dudit établissement, d'autre part, à la condamnation du CREPS de Mâcon à l...

Vu la requête enregistrée le 20 mai 2010, présentée pour la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. dont le siège est 14 rue de Saint-Nazaire à Strasbourg (67100) ;

La SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801566 du 1er avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du marché conclu entre le Centre d'éducation populaire et de sport (CREPS) de Mâcon et la Société SIC Etanchéité pour les travaux du lot n° 3 Etanchéité de l'opération de rénovation de la cuisine dudit établissement, d'autre part, à la condamnation du CREPS de Mâcon à lui verser la somme de 13 433,63 euros en indemnisation de la perte de bénéfices née de son éviction irrégulière du marché ;

2°) d'annuler le marché attribué à la Société SIC Etanchéité ;

3°) de condamner le CREPS de Mâcon à lui verser la somme de 13 433,63 euros TTC ;

3°) de mettre à la charge du CREPS de Mâcon ou de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. soutient que le jugement attaqué est entaché, d'une part, d'omission à statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article 45 du code des marchés publics par le motif que l'avis d'appel public à la concurrence contenait, en matière de références, des exigences excédant cette disposition, d'autre part, d'insuffisance de motivation et de contradiction de motifs sur le moyen tiré de l'incohérence des spécifications techniques de l'appel d'offres relatives aux entrées d'eaux pluviales et aux matériaux isolants ; au fond, que l'article 45 du code des marchés publics ne permettait pas d'exiger des candidats qu'ils présentent des références sur les années précédentes ; que le règlement de la consultation ne pouvait, sans méconnaître l'article 51 du code des marchés publics, imposer la solidarité aux candidats groupés dès la présentation de l'offre ; que cette forme de groupement ne pouvait être imposée qu'après attribution du marché ; que l'avis d'appel à la concurrence devait exposer le motif de cette exigence ; que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) de l'appel d'offres mentionnait la présence d'une couche de gravillons en toiture alors que l'ouvrage n'en comporte pas, annonçait un nombre d'entrées d'eaux pluviales inférieur à la réalité et, en matière d'isolation, prescrivait la pose d'une mousse polyuréthane dont la conductivité thermique ne pouvait être que celle du polystyrène ; qu'ayant prévu de réaliser le dispositif d'étanchéité avec du polystyrène, elle a rétabli la cohérence de l'offre ; que sa solution, qui ne constitue pas une variante mais une amélioration, devait être retenue ; que le marché ne pouvait être attribué à la société Sic Etanchéité dont l'offre n'était pas conforme aux critères du règlement de consultation ; qu'ayant présenté le prix le plus bas et une offre répondant aux exigences techniques corrigées de leurs incohérences, elle disposait d'une chance sérieuse d'emporter le marché ; qu'elle doit être indemnisée de la perte des bénéfices qu'elle escomptait retirer de l'exécution dudit marché, soit 12 144,63 euros TTC, mais aussi des frais de présentation de l'offre dont le remboursement n'a pas été pris en charge par le maître d'ouvrage, soit 1 200 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 17 août 2010 par lequel le ministre de la santé et des sports conclut au rejet de la requête ;

Le ministre de la santé et des sports soutient que le jugement est suffisamment motivé ; qu'il écarte expressément le moyen tiré de la violation de l'article 45 du code des marchés publics ; que l'arrêté du 28 août 2006 pris pour l'application de cet article prévoit la faculté d'exiger des candidats qu'ils produisent par tous moyens leurs références professionnelles ; qu'en prévoyant que le marché serait conclu avec un groupement solidaire, le règlement de consultation n'est pas contraire à l'article 51 du code des marchés publics qui dispose que la solidarité peut être exigée au stade de la conclusion du marché ; que la requérante ne pouvait modifier unilatéralement les spécifications du CCTP ; que ledit document n'affirme pas que la terrasse est recouverte de gravillons et se borne à prévoir la dépose de l'étanchéité existante ; qu'en tout état de cause, le nombre d'entrées d'eaux pluviales recensées par la requérante est incompatible avec la superficie de la terrasse ; que la modification des spécifications techniques rendait l'offre non conforme ; que l'illégalité de la décision de signer n'entraîne pas nécessairement la nullité du marché ; que la requérante ne démontre pas avoir disposé de chances sérieuses ;

Vu le mémoire enregistré le 24 janvier 2011 par lequel la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code du sport ;

Vu le décret n° 2009-1066 du 28 août 2009 ;

Vu l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés avec les pouvoirs adjudicateurs ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2011 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- les observations de Me Harel, représentant la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. ;

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Harel ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'en écartant le moyen tiré de la violation de l'article 45 du code des marchés publics au motif que l'avis d'appel public à la concurrence permettait aux candidats d'apporter la preuve de leurs références professionnelles à l'aide de tous types de justificatifs, le Tribunal n'a pas statué sur le motif qui appuyait ledit moyen, tiré de ce que la présentation de références sur les trois dernières années excédait les prescriptions qui pouvaient être exigées des candidats ; qu'ainsi le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée au Tribunal par la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. ;

Sur la demande aux fins d'annulation du marché conclu avec la société Sic Etanchéité et d'indemnisation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 45 du code des marchés publics : I. - Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières (...) / La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie (...) ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 28 août 2006 : A l'appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités des candidats, le pouvoir adjudicateur ne peut demander en application de l'article 45 du code des marchés publics ( ...) que le ou les renseignements et le ou les documents suivants : (...) - présentation d'une liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années, appuyées d'attestations de bonne exécution pour les travaux les plus importants (...) ;

Considérant que l'avis d'appel public à la concurrence prescrivait aux candidats à l'attribution du marché du lot n° 3 de présenter une liste de travaux d'étanchéité réalisés sur les trois dernières années ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette exigence, conforme aux dispositions précitées de l'arrêté du 28 août 2006 quant à la période de référence permettant d'apprécier les capacités professionnelles, était manifestement disproportionnée à l'objet ou à la nature des travaux à réaliser ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du VII de l'article 51 du code des marchés publics : VII. - Le passage d'un groupement d'une forme à une autre ne peut être exigé pour la présentation de l'offre, mais le groupement peut être contraint d'assurer cette transformation lorsque le marché lui a été attribué, si cette transformation est nécessaire pour la bonne exécution du marché. Dans ce cas, la forme imposée après attribution est mentionnée dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation ;

Considérant qu'en disposant, à l'attention des candidats ayant l'intention de se grouper, à la rubrique Forme juridique que devra revêtir le groupement d'opérateurs économiques attributaire du marché que chaque marché sera conclu (...) avec des entrepreneurs groupés solidaires , l'avis d'appel public à la concurrence n'a pas empêché les groupements conjoints de soumissionner et s'est borné à les avertir, conformément au VII précité de l'article 51 du code des marchés publics, qu'après attribution, le marché ne serait conclu que sous la garantie d'un engagement solidaire des cotraitants ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à soutenir que le CCTP du dossier de consultation mentionne à tort, au titre de la dépose du complexe d'étanchéité existant, l'existence d'une couche de gravillons en terrasse, la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. n'établit ni que les conditions de mise en concurrence auraient été faussées ni que le consentement des parties au marché attribué à la société SIC Etanchéité aurait été vicié ;

Considérant, en quatrième lieu qu'aux termes de l'article 51 du code des marchés publics : I - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° (...) sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique (...) III - Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées (...) ;

Considérant, d'une part, que le bordereau de décomposition du prix global et forfaitaire (DGPF) du dossier de consultation prévoyait la rémunération de cinq descentes d'eaux pluviales depuis la terrasse du bâtiment des cuisines ; que cette quantité avait valeur de prescription d'aménagement du projet alors même que l'ouvrage, dans son état originel, comportait davantage de descentes d'eaux pluviales ; qu'en servant un bordereau de DGPF qu'elle a rectifié d'office en fonction du nombre de ces équipements recensés lors d'une visite des lieux, sur lequel figuraient l'aménagement et la facturation de dix entrées d'eaux pluviales, la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. n'a pas respecté les spécifications techniques du lot ;

Considérant, d'autre part, qu'à supposer que le polyuréthane de 80 mm (matériau prescrit par l'article 2.1.3.1 du CCTP) présente une résistance thermique effective de 3,30 m²/K/W, cette performance était supérieure à la valeur de 2,10 m²/K/W exigée par le CCTP ; qu'en conséquence, la mise en oeuvre de polyuréthane de 80 mm ne plaçait pas les candidats dans l'impossibilité de présenter une offre conforme aux spécifications du marché relatives à la nature et à la résistance du matériau ; qu'en remplaçant d'office le polyuréthane de 80 mm par du polystyrène de 90 mm présentant une valeur de 2,10 m²/K/W, la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. a, certes, respecté la valeur contractuelle de résistance thermique mais a méconnu la spécification relative à la nature de l'isolant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que l'offre de la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. était irrégulière, au sens de l'article 51 précité du code des marchés publics, tant en ce qui concerne le nombre de descentes d'eaux pluviales à aménager que la nature de l'isolant à poser, et qu'en vertu des mêmes dispositions, la commission d'appel d'offres devait éliminer son offre, d'autre part, que le CREPS de Mâcon a régulièrement contracté avec la société Sic Etanchéité dont l'offre, conforme aux spécifications du CCTP, ne présentait pas d'incohérence technique ; que la société requérante n'est, en conséquence, fondée à demander ni l'annulation du marché attribué à la société SIC Etanchéité ni l'indemnisation de la perte de ses bénéfices ou des frais qu'elle a exposés pour soumissionner ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0801566 du Tribunal administratif de Dijon en date du 1er avril 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Dijon par la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S. est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SOPREMA ENTREPRISES S.A.S., au Centre d'éducation populaire et de sport de Mâcon, à la société SIC Etanchéité et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 janvier 2012.

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N° 10LY01182

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01182
Date de la décision : 05/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CAILLAT DAY DREYFUS MEDINA FIAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-01-05;10ly01182 ?
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