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22/12/2011 | FRANCE | N°11LY00330

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 22 décembre 2011, 11LY00330


Vu la requête, enregistrée le 1er février 2011 au greffe de la Cour, présentée pour l'EURL LA COUPOLE DES ANGES, dont le siège est Les Etangs de Saint-Ange à Bussy-en-Othe (89400) par Me Chiron de Legi Conseils Bourgogne ;

L'EURL LA COUPOLE DES ANGES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900943 du 16 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge pour un montant de 194 416 euros des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des périodes du 1er septembre 2005 au 31 août 20

06, du 1er septembre 2006 au 31 août 2007 et du 1er septembre 2007 au 31 aoû...

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2011 au greffe de la Cour, présentée pour l'EURL LA COUPOLE DES ANGES, dont le siège est Les Etangs de Saint-Ange à Bussy-en-Othe (89400) par Me Chiron de Legi Conseils Bourgogne ;

L'EURL LA COUPOLE DES ANGES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900943 du 16 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge pour un montant de 194 416 euros des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des périodes du 1er septembre 2005 au 31 août 2006, du 1er septembre 2006 au 31 août 2007 et du 1er septembre 2007 au 31 août 2008 après application d'un taux de 5,5 % sur le prix des billets de spectacle ;

2°) de prononcer la décharge à due concurrence desdits droits ;

3°) de condamner l'Etat à lui restituer cette somme, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de la réclamation avec capitalisation des intérêts ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'EURL LA COUPOLE DES ANGES soutient que l'interprétation donnée par les premiers juges de l'article 279 b bis n'est pas légalement admissible dès lors que les faits de l'espèce étaient différents de ceux de la jurisprudence dont ils ont fait application et parce qu'il n'est pas établi que des clients ayant opté pour une formule repas et spectacle s'abstiendraient de finir leur consommation pendant celui-ci ou se verraient interdire de le faire, que la question est de savoir s'il est d'usage de consommer ou de ne pas consommer pendant les séances, l'instruction permettant d'apporter une réponse négative dès lors que le bar de la salle est fermé, que la salle est plongée dans l'obscurité et le personnel de service affecté à des tâches de vaisselle et aux décors et que le service de consommation et de repas est totalement interrompu, que l'hypothèse visée par le législateur est celle d'établissements de spectacles de variétés dans lesquels des consommations sont également servies mais qui bénéficient d'un taux réduit dès lors qu'aucune consommation n'est servie pendant le spectacle, qu'on ne voit pas pourquoi une discrimination aurait été faite avec les établissements pour lesquels la consommation est facultative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2011, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; le ministre conclut au rejet de la requête en faisant valoir que la société ne peut bénéficier du taux réduit dès lors qu'elle ne justifie d'aucune formule de prix qui ne soit pas assortie de consommation ni ne démontre que les clients s'abstiendraient de consommer ou se verraient interdire de le faire pendant la durée du spectacle ; que le moyen selon lequel la requérante exploiterait un établissement où il n'est pas d'usage de consommer pendant les séances est inopérant au cas d'espèce ; qu'il n'y a pas lieu de condamner l'administration sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 3 août 2011, le mémoire en réplique présenté pour l'EURL LA COUPOLE DES ANGES, la SELAS Segard Carboni es-qualité d'administrateur judiciaire de la société LA COUPOLE DES ANGES et Me Delibes, es-qualité de mandataire judiciaire de la société LA COUPOLE DES ANGES confirmant les précédentes écritures et faisant valoir en outre que la doctrine administrative et la jurisprudence font une interprétation extensive du texte, rajoutant une condition discriminatoire, qui ne pouvait valoir que sous l'empire de l'article 279 b bis institué par l'article 42-I de la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 abrogé depuis ; que l'EURL est en droit de revendiquer que cesse la discrimination dont elle est victime par rapport aux établissements de spectacles où sont donnés des concerts qui bénéficient du régime de l'article 279 b bis, al. 4 du code général des impôts, discrimination fiscale qui méconnaît la neutralité concurrentielle de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée par la directive 2006/112/CE ;

Vu, enregistré le 18 novembre 2011, le nouveau mémoire présenté pour l'EURL LA COUPOLE DES ANGES, la SELAS Segard Carboni es-qualité d'administrateur judiciaire de la société LA COUPOLE DES ANGES et Me Delibes, es-qualité de mandataire judiciaire de la société LA COUPOLE DES ANGES confirmant les précédentes écritures et faisant valoir, en outre, que la validité des dispositions législatives ici appliquées doit s'apprécier à l'aune des dispositions de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée laquelle n'opère aucune distinction entre les spectacles ni n'introduit de conditions tenant au service de consommations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2011 :

- le rapport de M. Duchon-Doris, président ;

- les observations de Me Chiron ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée à Me Chiron ;

Considérant que l'EURL LA COUPOLE DES ANGES exploite à Bussy-en-Othe un établissement de cabaret music-hall ; que, par une réclamation en date du 20 août 2008, elle a fait valoir, sur le fondement de l'article 279 b bis du code général des impôts, qu'elle avait appliqué par erreur, sur l'ensemble de son chiffre d'affaires, un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 19, 6 % alors que le taux de 5,5 % pouvait s'appliquer sur les entrées donnant accès aux spectacles et a sollicité, au titre des périodes du 1er septembre 2005 au 31 août 2006, du 1er septembre 2006 au 31 août 2007 et du 1er septembre 2007 au 31 août 2008, des dégrèvements de droits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant respectivement, de 55 139,15 euros, 71 996,56 euros et 68 036,09 euros ; que, par une décision du 10 février 2009, l'administration a rejeté sa réclamation ; que l'EURL LA COUPOLE DES ANGES relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge des droits correspondant au titre desdites périodes pour un montant total ramené à 194 416 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article 279 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : (...) b bis - Les spectacles suivants : (...) spectacles de variétés, à l'exception de ceux qui sont donnés dans les établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances (...) " ; qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des périodes en litige, l'EURL LA COUPOLE DES ANGES proposait à sa clientèle, un spectacle de cabaret et de music-hall selon plusieurs tarifs incluant soit un menu et un spectacle, soit le spectacle accompagné d'un dessert et d'une coupe de champagne ; que repas, consommation et spectacles étaient servis ou donnés dans la même salle ; que les documents publicitaires joints au dossier indiquent notamment " face à la scène, plongé dans l'ambiance festive de la Coupole des Anges, dégustez une cuisine traditionnelle savoureuse et originale... " ; que s'il ressort des lettres de clients datées des 16 février 2006 et 2 janvier 2007 et des attestations de son personnel produits par l'EURL, que, pendant les spectacles, le bar situé au fond de la salle était fermé, que la salle était plongée dans l'obscurité et que le personnel de service était affecté à des tâches de vaisselle et au décor, ces circonstances ne sont pas de nature à démontrer qu'il n'était pas d'usage de consommer pendant les séances dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les clients n'ayant pas achevé leur repas ou leur boisson lors du début du spectacle s'abstiendraient de les consommer ou de continuer à les consommer, ou se verraient interdire de le faire, pendant la durée dudit spectacle ; qu'ainsi, il résulte de l'instruction que la société requérante exploite un établissement de spectacles de variétés où il est d'usage de consommer pendant les séances de spectacle ; que, par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 279 du code général des impôts que l'administration a rejeté la demande de la société requérante tendant à l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux sommes perçues des clients en contrepartie d'une formule " repas et spectacle " ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en prévoyant, au 4ème alinéa de l'article 279 b bis, que l'exclusion du taux réduit des spectacles de concert qui sont donnés dans des établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances, ne vaut pas " si les consommations sont servies facultativement pendant le spectacle et à la condition que l'exploitant soit titulaire de la licence d'entrepreneur de spectacle de la catégorie mentionnée au 1° de l'article 1er-1 de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 ", ni le législateur, ni l'administration dans l'interprétation qu'elle donne de ces dispositions, n'ont appliqué aux établissements de spectacles de la nature de celui de la société requérante, qui sont dans des situations différentes, une discrimination méconnaissant le principe de neutralité concurrentielle de la taxe sur la valeur ajoutée tel que rappelé par la directive communautaire 2006/112/CE ; que, par suite, l'argumentation de la société sur ce point ne peut être qu'écartée ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 98-2 de la directive du 28 novembre 2006 précité : " les taux réduits s'appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de service des catégories figurant à l'annexe III " ; que cette annexe III précise que, parmi la liste des livraisons de biens et de prestations de service pouvant faire l'objet des taux réduits visés à l'article 98, figurent notamment : " 7) le droit d'admission aux spectacles, théâtres, cirques, foires, parcs d'attraction, concerts, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires " ; que si, ainsi que le relève la requérante, la directive communautaire, ce faisant, n'introduit aucune condition tenant au service obligatoire ou facultatif de consommations ou à la consommation pendant les séances, elle laisse le soin au législateur national de fixer la frontière entre ce qui relève ou non du spectacle ; que, par suite, l'EURL LA COUPOLE DES ANGES n'est pas fondée à soutenir qu'en réservant, à l'article 279 b bis du code général des impôts, le bénéfice du taux réduit aux seuls " spectacles de variétés, à l'exception de ceux qui sont donnés dans les établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances ", le législateur aurait méconnu les dispositions de cette directive ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL LA COUPOLE DES ANGES n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ; que doivent être également rejetées, en conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui restituer la somme de 194 416 euros assortie d'intérêts ;

Sur la demande tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'EURL LA COUPOLE DES ANGES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL LA COUPOLE DES ANGES est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL LA COUPOLE DES ANGES, à la SELAS Segard Carboni es-qualité d'administrateur judiciaire de la société LA COUPOLE DES ANGES, à Me Delibes, es-qualité de mandataire judiciaire de la société LA COUPOLE DES ANGES et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2011.

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N° 11LY00330


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00330
Date de la décision : 22/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-09-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Calcul de la taxe. Taux.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Jean Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : LEGI CONSEILS BOURGOGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-12-22;11ly00330 ?
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