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29/11/2011 | FRANCE | N°10LY01752

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2011, 10LY01752


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2010 par télécopie puis régularisée le 29 juillet 2010, présentée pour M. Philippe A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900822 du 25 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison de revenus considérés comme distribués par la S

ARL Bar du marché ;

2°) de le décharger des impositions contestées ;

3°) de mettr...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2010 par télécopie puis régularisée le 29 juillet 2010, présentée pour M. Philippe A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900822 du 25 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison de revenus considérés comme distribués par la SARL Bar du marché ;

2°) de le décharger des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 082 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la SARL Bar du marché, dont il était l'unique associé et gérant, avait une activité de bar-restaurant jusqu'à la mi-décembre 2005, date à laquelle elle a fermé son établissement ; qu'elle a fait l'objet, pour les années en litige, d'une procédure de vérification ; qu'à l'issue de cette vérification, la comptabilité de la société a été rejetée en raison de l'absence de production du détail et de la consistance exacte des recettes journalières du bar et du restaurant ; que pour éviter la mise à sa charge d'une amende égale à 100 % du montant des recettes reconstituées, la société l'a désigné comme bénéficiaire des revenus prétendument distribués ; qu'en raison de cette désignation, l'administration a mis à sa charge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers ; que si suite à un recours gracieux, l'administration a décidé, à titre exceptionnel en raison des circonstances de l'espèce, d'abandonner les pénalités dont étaient assorties les impositions en litige, elle a néanmoins maintenu intégralement les droits en principal ; que cette décision est contestable pour les deux motifs suivants : le rejet de la comptabilité de la SARL Bar du marché n'est pas justifié et la méthode de reconstitution de la comptabilité de cette société utilisée par le service est excessivement sommaire, et que les bases d'imposition en résultant sont exagérées ;

- l'administration fiscale a considéré sa comptabilité comme non probante aux motifs, que le ticket Z ne justifie pas le détail et la consistance des recettes journalières, sans remettre en cause les écritures comptables et les stocks ;

- que si pour les trois exercices contrôlés, elle ne possédait effectivement pas de tickets de caisse faisant apparaître la quantité, la nature et le prix des produits vendus, elle a toutefois présenté, pour chaque journée desdits exercices, les tickets Z, enregistrés à partir de la caisse enregistreuse, qui mentionnent la ventilation journalière du chiffre d'affaires entre les activités de bar et de restaurant, en fonction des moyens de paiement utilisés par les clients ;

- que cet enregistrement répond aux exigences de la doctrine administrative 3 -E-2116 du 2 novembre 1996 qui autorise les commerçants de détail à enregistrer globalement leurs recettes en fin de journée, lorsque leur montant unitaire ne dépasse pas 500 francs TTC, et que sont conservées des justifications, tel un brouillard de caisse ; que dès lors, ne peut être, pour ce seul motif, écartée la comptabilité présentée si elle est tenue correctement et si les résultats déclarés sont en rapport avec son importance et son activité ; que l'appréciation du rapport entre les résultats déclarés et la taille et l'activité de l'entreprise doit s'opérer en amont du rejet de la comptabilité, comme le précise une lettre du ministre du budget du 23 juin 2009, qui ne constitue pas une doctrine nouvelle mais la confirmation de l'interprétation de la doctrine précitée du 2 novembre 1996 ;

- qu'en l'espèce, à défaut de leur consistance, la société requérante a justifié du montant quotidien de ses recettes ; que le vérificateur n'a relevé aucune anomalie dans la tenue et dans le contenu de la comptabilité ; qu'il n'a pas cherché davantage à rapprocher ses résultats déclarés de l'importance de son activité, ni mis en évidence une incohérence des coefficients de marge ;

- que dès lors, le service n'était pas fondé à rejeter sa comptabilité ;

- que par suite, il appartient à l'administration fiscale, et non au contribuable, d'établir le bien-fondé de la rectification des bases ; qu'en ne critiquant pas la tenue de la comptabilité ou une éventuelle insuffisance des coefficients de marge, le service n'apporte pas cette preuve ;

- que la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires du bar et du restaurant mise en oeuvre par le service est excessivement sommaire, bien que reposant sur des données internes à l'exploitation, dès lors :

- d'une part, qu'elle aboutit à la détermination d'un montant de chiffre d'affaires restaurant reconstitué inférieur au chiffre d'affaires restaurant déclaré et résultant des tickets Z ;

- d'autre part, qu'elle a retenu un abattement forfaitaire global pour tenir compte de l'ensemble des chefs de perte au lieu de déterminer un taux de perte individualisé par type de pertes ;

- que s'y ajoute l'absence de prise en compte des particularités de l'exploitation, tels l'inclusion de café dans les formules repas, le taux spécial d'offerts et l'organisation de soirées durant lesquelles, pour un prix de 15 euros, les clients pouvaient consommer à volonté ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

S'agissant du rejet de la comptabilité :

- que l'administration fiscale apportant la preuve des graves irrégularités affectant la comptabilité de la société requérante, il appartient à cette dernière, en vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve d'une exagération des bases d'imposition, établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts ; qu'en effet, si la société requérante a présenté au cours des trois exercices vérifiés les tickets Z de la caisse enregistreuse, ceux-ci ne mentionnent que le montant total des recettes journalières ventilées entre l'activité bar et l'activité restaurant et en fonction des moyens de paiement utilisés par les clients ; qu'en revanche, elle n'a pas fourni le détail des recettes journalières indiquant la nature, la quantité et le prix des produits vendus alors que les tickets clients pouvaient être édités par la caisse enregistreuse ; qu'ainsi, dès lors que l'article 54 du code général des impôts dispose que, bien que les recettes inférieures à 76 euros puissent ne pas être individualisées dans la comptabilité, le contribuable doit en justifier le détail, l'administration était fondée à rejeter la comptabilité en raison l'absence de justificatifs permettant de justifier des recettes arrêtées en fin de journée ;

- que la société requérante ne saurait se fonder sur la doctrine administrative tirée de l'instruction 3 -E-2116 du 2 novembre 1996, laquelle précise que si les assujettis à la TVA peuvent dans certaines hypothèses inscrire globalement en fin de journée leurs opérations au comptant d'un montant inférieur à une certaine somme, ils ne sont pas, pour autant, dispensés de produire tous documents propres à justifier du montant des recettes journalières réalisées ; qu'ainsi, l'absence de détail des recettes est suffisante à elle seule pour rejeter la comptabilité, nonobstant la faculté pour certaines entreprises de ne comptabiliser les ventes qu'en fin de journée ; que la jurisprudence est, à cet égard, constante ;

- que la société requérante ne peut se prévaloir de la décision du ministre du budget du 23 juin 2009, qui a été prise au regard de circonstances propres et est en tout état de cause postérieure aux délais dont disposait celle-ci pour déposer ses déclarations d'impôt sur les sociétés et de TVA ;

S'agissant de la reconstitution des recettes :

- que la preuve de leur exagération incombe en l'espèce à la société requérante ;

- que pour la reconstitution du chiffre d'affaires du restaurant, il a été fait application de la méthode des vins en tenant compte des déclarations du gérant selon lesquelles 50 % des achats de vin étaient vendus au restaurant ; qu'il a été déterminé le nombre de couverts servis et, par suite, le montant des recettes, en considérant qu'un client consommait en moyenne 25 centilitres de vin par repas et en appliquant le prix moyen des formules ; qu'un abattement de 1 500 euros a été appliqué, après avis de la commission départementale des impôts, pour tenir compte du vin utilisé dans les plats en sauce ; que le gérant a lui-même reconnu, lors du débat oral et contradictoire, l'absence de ventilation rigoureuse, entre bar et restaurant, lors des saisies des consommations sur les caisses enregistreuses ;

- que, pour la reconstitution du chiffre d'affaires du bar, il a été dressé de façon exhaustive tous les achats revendus et en tenant compte des précisions apportées par le gérant ; que les allégations de la société, relatives aux cafés selon elles compris dans les menus-formules, ne peuvent être retenues, la société n'ayant jamais été en mesure de présenter la carte des menus et formules, et cette pratique étant inhabituelle dans les restaurants de la région ;

En ce qui concerne les abattements pratiqués par le service sur l'ensemble des recettes :

- que les diverses pertes que l'on retrouve dans ce type d'établissement ont été largement prises en compte en appliquant un abattement général de 13 % sur les deux premiers exercices et de 15 % sur le dernier exercice pour tenir compte des absences du gérant ;

- que cet abattement couvre la casse, les pertes, les consommations du personnel et les offerts ;

- que, pour déterminer ces taux, le service s'est basé sur des constatations relevées sur place, et a pris en compte les absences du gérant lors du dernier exercice ainsi que l'avis de la commission départementale des impôts s'agissant de deux abattements supplémentaires de 2 500 euros, l'un au titre des offerts et de la consommation du personnel, l'autre des soirées à thèmes ;

- que si la société requérante estime que ces abattements présentent un caractère arbitraire et qu'il convenait d'appliquer des taux individualisés en fonction de la nature des pertes, il apparaît :

- que l'ampleur des pertes avancées par la société requérante n'est pas justifiée ; qu'en particulier, le constat d'huissier mesurant les pertes sur fûts de bière pour un autre établissement tiers est sans portée, faute de modalités d'exploitation identiques ;

- que le taux d'offerts revendiqué, entre 20 et 23 %, est peu crédible, l'abattement forfaitaire global pratiqué sur toutes ses ventes étant déjà supérieur à ce qui se rencontre dans des établissements de ce type ;

- qu'à défaut de détail des recettes, et compte tenu des conditions d'exploitation de l'établissement durant les exercices vérifiés, la société requérante ne dispose pas d'éléments probants pour démontrer que la reconstitution de l'administration serait arbitraire au regard de la détermination de l'abattement général ;

S'agissant des revenus distribués :

- que l'administration est réputée apporter la preuve que M. A est le bénéficiaire des recettes dissimulées par sa société, dès lors qu'il s'était lui-même désigné comme tel, par un courrier du 8 août 2007 ;

- qu'il n'apporte aucun élément de nature à combattre cette présomption, et à établir qu'il n'aurait pas appréhendé ces sommes ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 18 janvier 2011 par télécopie puis régularisé le 19 janvier 2011, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 21 mars 2011, régularisé le 23 mars 2011, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 25 mars 2011 fixant la clôture d'instruction au 22 avril 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la lettre en date du 5 octobre 2011 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2011 :

- le rapport de M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2004, 2005 et 2006, dont a fait l'objet la SARL Bar du marché, l'administration fiscale a notifié à M. A, unique associé et gérant de cette société, des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, en application de l'article 111 c du code général des impôts ; que les impositions en résultant ont été mises à la charge de M. et Mme A, s'agissant des années 2004, 2005, et du premier trimestre de l'année 2006, et, pour le surplus de l'année 2006, de M. A seul ; que celui-ci relève appel du jugement du 25 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que dans sa demande présentée au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, M. A a contesté, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il avait été seul assujetti, pour les revenus qu'il a perçus du 4 avril au 31 décembre 2006, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il avait été assujetti avec son épouse, pour les revenus perçus, antérieurement à son divorce, au titre des années 2004, 2005, et au cours du premier trimestre 2006 ; que, s'agissant de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au nom de deux foyers fiscaux distincts, le Tribunal, qui devait inviter l'intéressé à régulariser ses écritures par la production d'une demande distincte pour chacun des foyers fiscaux concernés, ne pouvait statuer comme il l'a fait par un seul jugement sur des conclusions présentées pour des contribuables différents ; que, dès lors, le jugement attaqué, rendu en méconnaissance de cette règle d'ordre public, doit être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il avait été seul assujetti, pour les revenus qu'il a perçus du 4 avril au 31 décembre 2006, les conclusions de la requête, afférentes aux impositions complémentaires auxquelles M. et Mme A ont été assujettis, étant enregistrées au greffe de la Cour sous le n° 11LY02406, pour y statuer par un arrêt distinct ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ; qu'aux termes de l'article 117 dudit code : Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. (...) ;

Considérant qu'il est constant que M. A, invité par l'administration à fournir les renseignements visés à l'article 117 du code général des impôts, s'est désigné lui-même, par un courrier du 8 août 2007 comme bénéficiaire de la distribution des recettes occultes en cause ; que, par suite, n'apportant aucun élément en sens inverse, il doit être présumé avoir effectivement appréhendé les bénéfices réputés distribués, la circonstance qu'il n'aurait procédé à cette désignation que pour éviter à sa société la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts n'étant pas de nature à établir qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes litigieuses ; qu'il incombe toutefois à l'administration d'apporter la preuve de l'existence et du montant des excédents de distribution dont s'agit, lorsque ces derniers sont contestés ;

Considérant que l'administration fait valoir, sans être contredite, que, durant les trois exercices vérifiés, les recettes de la société requérante ont été enregistrées globalement en fin de journée, et que les bandes de type ticket Z éditées à partir de la caisse enregistreuse et conservées à l'appui de sa comptabilité ne mentionnaient que la ventilation journalière du chiffre d'affaires en fonction, d'une part, du mode de paiement, d'autre part, de l'activité bar ou restaurant de l'établissement ; que la société requérante n'a été en mesure de fournir aucune pièce de nature à indiquer le détail de ses recettes journalières, selon la nature, la quantité et le prix des produits vendus ;

Considérant, que si M. A entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative de base 3 E 216 qui indique que L'administration admet que le seul fait pour des commerçants détaillants d'enregistrer globalement, en fin de journée, leurs recettes journalières, quel qu'en soit le montant unitaire, ne suffit pas à faire écarter la comptabilité présentée dès lors que celle-ci est, par ailleurs, tenue correctement et que ses résultats sont en rapport avec l'importance et l'activité de l'entreprise reprise ensuite, à compter du 2 novembre 1996, à la doctrine administrative 3 E 2116, il apparaît toutefois que si cette instruction précise que la faculté ainsi offerte aux assujettis d'inscrire globalement, en fin de journée, leurs opérations au comptant d'un montant inférieur à une certaine somme, elle ne les dispense pas de tenir correctement leur comptabilité et de produire tous documents propres à justifier de ce montant en fin de journée comme par la présentation de bandes enregistreuse, de fiches de caisse, de livres de brouillard ; que la SARL Bar du marché n'a pas présenté les pièces justificatives du détail des recettes quotidiennes de l'entreprise ; qu'elle ne remplit donc pas les conditions posées par les doctrines invoquées et n'entre ainsi pas dans leurs prévisions ; que si M. A invoque les termes d'une lettre du ministre du budget du 23 juin 2009, selon lesquels, en pareille hypothèse, le rejet de la comptabilité serait subordonné au constat d'autres irrégularités revêtant un certain degré de gravité, ce courrier, qui se borne à énoncer des recommandations, ne comporte en tout état de cause aucune interprétation de la loi fiscale, au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant que, par suite, ces irrégularités, qui ne permettent pas la vérification exacte du montant des recettes de l'entreprise concernant chacune des deux activités bar et restaurant, sont de nature à retirer sa valeur probante à la comptabilité de celle-ci ;

Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires réalisé par la SARL Bar du marché, le vérificateur a procédé au dépouillement exhaustif des factures d'achat des boissons fournies à l'occasion des opérations de vérification sur place et a tenu compte, pour apprécier celles qui ont été réellement consommées, des stocks d'entrée et de sortie ; qu'il a ensuite affecté à l'exploitation du restaurant, en concordance avec les informations données par M. A, gérant de la société, la moitié des alcools provenant du fournisseur Fontanille, le reste étant rattaché à l'exploitation du bar ; que pour déterminer le chiffre d'affaires du bar, le vérificateur a évalué les recettes en appliquant, article par article et selon les renseignements communiqués par le gérant, les tarifs de consommation aux doses normalement servies ; que certaines boissons non alcoolisées, achetées en grand contenant, n'ont pas été, pour moitié, comptabilisées dès lors qu'elles servaient d'adjuvant à des cocktails à base de vodka ; que, par souci de modération envers le contribuable, le vérificateur a appliqué à l'ensemble des consommations le tarif retenu pour la vente en salle , faisant abstraction de la majoration appliquée aux commandes en terrasse ; que, pour la reconstitution du chiffre d'affaires du restaurant, le vérificateur, appliquant la méthode dite des vins , a déterminé le nombre de couverts servis en fonction des quantités de vin affectées au restaurant en retenant une consommation moyenne de 25 centilitres par personne ; que des abattements ont été fixés de manière forfaitaire et globale sur l'ensemble de l'activité de la société afin de tenir compte des prélèvements personnels, des offerts ainsi que des casses et pertes diverses, soit 13 % pour les exercices 2004 et 2005 et 15 % pour l'exercice 2006 en raison, pour ce dernier exercice, de l'absence régulière du dirigeant de l'entreprise ; qu'enfin, suivant l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires, le service a accordé, s'agissant du bar, des abattements supplémentaires de 2 500 euros TTC au titre des offerts, pertes et consommation du personnel, et de 2 500 euros TTC au titre des soirées organisées par la société et qui donnaient lieu à des tarifs particuliers et, s'agissant du restaurant, de 1 500 euros TTC au titre de l'utilisation de vin en cuisine ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que le gérant de la société avait lui-même reconnu, durant le débat oral et contradictoire, que les serveurs ne saisissaient pas de manière rigoureuse, sur les caisses enregistreuses, la ventilation entre les recettes respectives du bar et du restaurant ; que, dès lors, la circonstance, critiquée par le requérant, qu'au terme de la ventilation opérée par le vérificateur, les recettes reconstituées du restaurant seraient inférieures à celles enregistrées en comptabilité, est sans influence sur la validité de la méthode retenue, qui ne saurait être qualifiée d'excessivement sommaire ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles les consommations de café prises par les clients du restaurant étaient incluses dans le prix des formules et auraient été ainsi comptabilisées à tort sur le compte du bar, majorant ainsi artificiellement les recettes réalisées par celui-ci ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A soutient que l'administration aurait insuffisamment pris en compte les pertes liées à la consommation personnelle des salariés, au coulage des fûts de bière, ainsi que les taux d'offerts résultant de soirées spéciales et de la fréquence élevé, le reste du temps, des tournées gratuites ; que s'il oppose aux valeurs retenues par l'administration les résultats de ses propres calcul, il n'assortit toutefois ces données d'aucun élément objectif et vérifiable susceptible de justifier de leur validité ; que dès lors, en ayant retenu des abattements de 13 % puis 15 %, d'ailleurs supérieurs aux taux communément admis pour ce type d'activité, puis consenti des abattements supplémentaires de 6 500 euros, conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui s'était prononcée au terme d'un examen concret des conditions d'exploitation de la SARL Bar du marché, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant avoir pris en compte de façon réaliste la part des pertes susanalysées ;

Considérant qu'il suit de là que l'administration fiscale apporte la preuve, dont elle a la charge, de l'existence et du montant des excédents de distribution appréhendés par le requérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de la période du 4 avril au 31 décembre 2006 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0900822 rendu le 25 mai 2010 par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en tant qu'elle tend à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, et de contributions sociales mises à sa charge au titre des revenus appréhendés entre le 4 avril et le 31 décembre 2006, et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Segado et Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2011.

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N° 10LY01752

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Laurent LEVY BEN CHETON
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : FIDAL AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 29/11/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10LY01752
Numéro NOR : CETATEXT000024910314 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-11-29;10ly01752 ?
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