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03/11/2011 | FRANCE | N°10LY01300

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 03 novembre 2011, 10LY01300


Vu la requête enregistrée le 4 juin 2010, présentée pour M. Abdelraouf A domicilié ... ;

M. A, agissant pour lui-même et au nom de ses enfants mineurs, Brian, Noémie et Mélissa, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701183 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 18 mars 2010 en ce qu'il a limité, après déduction de la provision versée en exécution de l'ordonnance de référé du 24 septembre 2007, à 15 300 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2006 et capitalisation des intérêts au 29 octobre 2007 et à c

haque échéance annuelle, la condamnation de l'Etat prononcée en indemnisation des préj...

Vu la requête enregistrée le 4 juin 2010, présentée pour M. Abdelraouf A domicilié ... ;

M. A, agissant pour lui-même et au nom de ses enfants mineurs, Brian, Noémie et Mélissa, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701183 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 18 mars 2010 en ce qu'il a limité, après déduction de la provision versée en exécution de l'ordonnance de référé du 24 septembre 2007, à 15 300 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2006 et capitalisation des intérêts au 29 octobre 2007 et à chaque échéance annuelle, la condamnation de l'Etat prononcée en indemnisation des préjudices résultant de son expulsion illégale du territoire français, prononcée le 5 mai 1998 par le ministre de l'intérieur et mise à exécution le 2 juin 1998 à destination de la Tunisie ;

2°) de porter la condamnation de l'Etat à 108 504 euros outre intérêts et capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que le jugement est entaché d'une omission à statuer sur la demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'exécution de l'expulsion par le préfet de l'Allier ; qu'il est constant que son expulsion était fondée sur une erreur d'identité imputable à l'administration ; que cette illégalité a été censurée par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon lu le 17 mars 2005 ; que les frais de trajets d'avion effectués entre la France et la Tunisie se sont élevés non à 300 euros mais à 900 euros, soit trois allers-retours ; que la totalité de la perte de revenus subie sur la période du 5 mai 1998 au 1er avril 2005, évaluée sur la base du SMIC, s'est élevée à 78 906 euros ; qu'à supposer que ne soit indemnisable que le préjudice imputable à l'administration relevant du ministère de l'intérieur, cette somme ne pouvait être limitée au tiers et devait comprendre l'autre tiers, représentative de la part imputable au préfet de l'Allier ; que les incidences de l'expulsion sur ses conditions de vie et celles de sa famille peuvent être évaluées à 2 000 euros ; que le préjudice moral que lui-même et ses trois enfants ont subi s'élève à 20 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 5 octobre 2011 par lequel le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration conclut au rejet de la requête ;

Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration soutient que les conclusions indemnitaires de M. A ne sont appuyées d'aucune justification ; que la période susceptible d'ouvrir droit à indemnisation est comprise entre le 5 mai 1998 et le 19 janvier 2006 puis réduite à 6 ans et 9 mois en raison de la perception de revenus en France pendant l'exécution de la mesure d'expulsion ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2011 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le Tribunal a examiné la demande indemnitaire dirigée contre l'Etat en tant qu'elle tendait à obtenir réparation des préjudices subis par M. A du fait de la police du séjour des étrangers exercée par le ministre de l'intérieur et le préfet de l'Allier ; qu'en estimant à un tiers la part de responsabilité revenant au ministère de l'intérieur dans la perte de revenus indemnisable, le Tribunal a nécessairement intégré les conséquences dommageables de l'illégalité qui entachait l'arrêté préfectoral désignant la Tunisie comme le pays d'éloignement, pris afin d'exécuter l'arrêté ministériel d'expulsion ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait omis de statuer sur la demande de réparation des conséquences de la mesure d'éloignement manque en fait ;

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

Considérant que l'interruption du séjour en France de M. A résulte directement, non d'erreurs de mentions sur le casier judiciaire de l'intéressé, qui n'impliquaient pas en elles-mêmes un éloignement du territoire, mais de l'exécution de l'arrêté d'expulsion illégal pris le 5 mai 1998 par le ministre de l'intérieur, annulé par la Cour de céans, le 17 mars 2005, en raison de l'inexactitude matérielle de ses motifs ; qu'il suit de là que l'Etat doit répondre devant la juridiction administrative de l'intégralité des préjudices indemnisables qui découlent de cette illégalité fautive, sans qu'il y ait lieu de distinguer les conséquences de la mesure préfectorale d'éloignement à destination de la Tunisie qui, en vertu des articles 27 bis et 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors en vigueur, se rattache nécessairement à l'expulsion ;

En ce qui concerne le préjudice indemnisable :

Considérant, en premier lieu, que sur la période comprise entre son éloignement et l'annulation juridictionnelle de l'arrêté d'expulsion, M. A n'était pas autorisé à séjourner en France ; qu'il suit de là que, s'il a droit, comme l'ont admis les premiers juges, à la somme de 300 euros, correspondant au prix d'un aller-retour entre la Tunisie et la France, les frais de transport qu'il aurait engagés avant le 17 mars 2005 pour l'achat de deux billets d'avion, ne sont en tout état de cause pas indemnisables ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'avant son éloignement du territoire, M. A occupait de manière habituelle, quoique discontinue, des emplois temporaires non qualifiés ; qu'ainsi que le soutient le ministre de l'intérieur, M. A a exercé illégalement en France une activité rémunérée de juillet à octobre 1999, de mars à mai 2000 et de janvier à mars 2003, soit 10 mois ; qu'ainsi la perte de revenus dont M. A est fondé à demander l'indemnisation doit être appréciée, non sur la période de 7 ans et 9 mois d'exécution de l'arrêté d'expulsion, mais sur une période de 6 ans et 11 mois ; que la mesure illégale d'expulsion l'a privé d'une chance d'exercer une activité salariée en France au cours de ladite période ; qu'il sera fait une juste appréciation des revenus dont il a ainsi été privé en les évaluant à 55 000 euros ; qu'il y a lieu, en conséquence, de porter à ladite somme l'indemnisation de 20 000 euros allouée de ce chef à M. A par le Tribunal ;

Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à sa situation familiale et à la durée d'application de la mesure d'expulsion, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral de M. A en l'évaluant à 10 000 euros ; que par les mêmes motifs, il y a lieu de fixer à 2 500 euros le préjudice moral subi par ses enfants Brian et Noémie, chacun en ce qui le concerne ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction que, eu égard notamment à sa date de naissance, sa fille Mélissa ait subi un préjudice indemnisable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander, d'une part, que la condamnation de l'Etat l'indemnisant de ses préjudices, outre intérêts et capitalisation, soit portée, déduction faite de la provision de 15 000 euros, que, par ordonnance du 24 septembre 2007, le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Etat à lui verser, de 15 300 euros à 60 300 euros, d'autre part que l'Etat soit condamné à verser 2 500 euros à Brian A et Noémie A, chacun en ce qui le concerne ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande préalable de M. A a été reçue par le ministre le 29 septembre 2006 ; qu'ainsi, d'une part, outre les intérêts et capitalisation des intérêts, accordés par les premiers juges sur la somme de 15 300 euros portée par le présent arrêt à 60 300 euros, M. A a droit aux intérêts au taux légal sur la provision de 15 000 euros, du 29 septembre 2006 jusqu'à la date du paiement de cette provision ; que, d'autre part, en application des articles 1153 et 1154 du code civil, les sommes versées aux enfants de M. A porteront intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2006 et ces intérêts seront capitalisés au 29 octobre 2007 et à chaque échéance annuelle ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La condamnation mise à la charge de l'Etat par l'article 1er du jugement n° 0701183 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 18 mars 2010 est portée, provision de 15 000 euros déduite, de 15 300 à 60 300 euros.

Article 2 : La somme de 15 000 euros, correspondant à la provision que le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Etat à verser à M. A par ordonnance du 24 septembre 2007, portera intérêts au taux légal de la date du 29 septembre 2006 à la date de son paiement.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. A, au bénéfice de Brian A et de Noémie OUESTALI, chacun en ce qui le concerne, la somme de 2 500 euros qui portera intérêts au taux légal à compter à compter du 29 septembre 2006, eux-mêmes capitalisés au 29 octobre 2007 et à chaque échéance annuelle.

Article 4 : Le jugement n° 0701183 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 18 mars 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdelraouf A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2011 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2011.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01300
Date de la décision : 03/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-03-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de police. Services de l'Etat.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SCP BORIE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-11-03;10ly01300 ?
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