Vu l'arrêt n° 08LY01027 du 22 juillet 2010 par lequel la Cour, avant-dire droit sur la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND, a ordonné une nouvelle expertise médicale en vue de déterminer, d'une part, si l'indication et le suivi du traitement dont a fait l'objet Mlle A au service de néonatologie de l'Hôtel- Dieu de Clermont-Ferrand en avril 1970 était approprié à son état au regard tant des connaissances scientifiques de l'époque que des moyens matériels dont disposait alors l'établissement hospitalier, compte tenu de l'extrême prématurité qu'elle présentait et, d'autre part, la nature et l'étendue des séquelles en lien avec la prise en charge hospitalière ;
Vu, enregistré le 18 février 2011, le rapport en date du 1er février 2011 des experts désignés par le président de la Cour ;
Vu l'ordonnance du président de la Cour du 5 avril 2011 liquidant et taxant aux sommes de 2 220 euros et 2 595 euros les frais et honoraires des experts ;
Vu le mémoire complémentaire, transmis par télécopie le 6 juin 2011, confirmée le 7 juillet 2011, présenté pour Mlle A, tendant à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND à lui payer la somme de 260 000 euros au titre de son préjudice personnel et la somme de 620 000 euros au titre de son préjudice patrimonial, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que l'expert admet que des fautes ont été commises par l'hôpital, de nature à engager sa responsabilité ; qu'elle perd la vue de manière progressive ; qu'elle subit divers troubles dans ses conditions d'existence ; que le préjudice d'agrément est important, de même que le préjudice d'établissement ; qu'il ne lui est plus possible d'exercer une activité professionnelle ; qu'elle devra trouver un logement adapté et que son état justifiera l'assistance d'une tierce personne ;
Vu le mémoire complémentaire, transmis par télécopie le 3 octobre 2011, confirmée le 4 octobre 2011, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND, tendant aux mêmes fins que ses écritures précédentes par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que les demandes de Mlle A sont irrecevables en tant qu'elles excèdent les sommes réclamées en première instance ; qu'elle avait demandé une indemnité de 179 200 euros le 31 janvier 2007 et qu'elle connaissait à cette date l'étendue de son préjudice ; que les conclusions de l'expert sur le défaut de surveillance de l'oxygénothérapie sont contestables ; qu'elle a présenté des signes de difficultés respiratoires justifiant cinq radios ; qu'il est donc inexact de mentionner que l'oxygénothérapie était contre-indiquée ; qu'en 1970, les méthodes de réanimation étaient à leur commencement ; qu'il n'existait alors aucun protocole ni consensus sur l'utilisation de ces méthodes ; qu'il n'existait pas de moyen de mesurer le taux d'oxygène dans la couveuse ni la pression partielle d'oxygène artérielle ; que le lien entre l'oxygénothérapie et la rétinopathie est loin d'être établi, la prématurité exposant à la rétinopathie ; que l'oxygénothérapie ne serait qu'à l'origine d'une perte de chance qui ne saurait excéder 50 % ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 octobre 2009 admettant Mlle A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2011 :
- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise en date du 1er février 2011 que, si la prise en charge générale de la prématurité de Mlle A était adaptée à son état, l'administration d'oxygène en continu pendant 15 jours, en l'absence de pathologie respiratoire, était formellement contre-indiquée ; que selon les experts, ce traitement ainsi que les conditions de l'oxygénothérapie de l'enfant n'ont pas été conformes aux règles de l'art de l'époque, alors que la mesure de la concentration d'oxygène inhalé et de la pression partielle d'oxygène dans le sang artériel étaient parfaitement réalisables dans les unités de prématurés au sein des centres hospitaliers universitaires en 1970 ; que le personnel médical du service de néonatologie a donc commis une faute de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND dont il dépend ;
Considérant qu'il résulte également de l'instruction que la rétinopathie dont est atteinte Mlle A est en relation directe et certaine avec l'administration et l'absence de surveillance fautives de l'oxygénothérapie, la perte de chance d'éviter l'atteinte rétinienne étant totale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu sa responsabilité à raison des conséquences dommageables de la rétinopathie dont Mlle A est atteinte ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Considérant que si Mlle A, dont le taux d'incapacité permanente partielle lié à la rétinopathie imputable à la faute du centre hospitalier est de 35 %, fait valoir qu'elle a cessé son activité professionnelle d'aide-puéricultrice en raison de son problème ophtalmologique, il ne résulte pas de l'instruction que la perte de son emploi soit la conséquence directe de cette faute, alors qu'elle souffre également de plusieurs autres affections oculaires, sans lien avec la faute, qui représentent à elles seules un taux d'incapacité permanente partielle de 33 % ; qu'elle n'est donc pas fondée à demander une indemnité au titre des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle ;
Considérant que les experts n'ont pas retenu la nécessité d'une assistance par une tierce personne et que les frais futurs d'aménagement du logement dont Mlle A demande l'indemnisation ne présentent pas, à la date du présent arrêt, de caractère certain ; que les demandes d'indemnités formulées à ces titres doivent être rejetées ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mlle A, dont l'état est consolidé au 26 novembre 2010, a subi une incapacité temporaire partielle de 50 % correspondant à la durée des séances de laser nécessitées par la rétinopathie, qu'elle est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 35 % lié à cette pathologie, que les souffrances endurées, consécutives au traitement des séquelles par laser, ont été évaluées par les experts à 2 sur une échelle de 7, qu'elle subit aussi un préjudice d'agrément important résultant de la mauvaise vision ; que, toutefois, le préjudice esthétique résultant du strabisme est sans lien avec la faute de l'hôpital ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des troubles divers dans les conditions d'existence de Mlle A, y compris son préjudice moral, en les évaluant à 88 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND doit être condamné à verser à Mlle A une somme totale de 88 000 euros ; qu'il s'ensuit que l'indemnité totale que le CENTRE HOSPITALIER a été condamné à payer à Mlle A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 février 2008 doit être portée à ce montant ;
Sur les dépens :
Considérant que les frais d'expertise doivent mis à la charge définitive du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND ;
Sur les conclusions de Mlle A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que Mlle A, pour le compte de qui les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mlle A n'a pas demandé que lui soit versée par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si celle-ci n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de Mlle A présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND est rejetée.
Article 2 : L'indemnité totale que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND a été condamné à payer à Mlle A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 février 2008 est portée à 88 000 euros.
Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 février 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mlle A est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND, à Mlle A Carole et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier. Il en sera adressé copie aux experts.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2011.
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