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11/10/2011 | FRANCE | N°10LY02415

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2011, 10LY02415


Vu le recours, enregistré le 22 octobre 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901501 du 16 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. François A des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001, 2002 et 2003 et des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre à la charge de M. A les imp

ositions et pénalités litigieuses ;

Il soutient que le jugement est irrégulier, le...

Vu le recours, enregistré le 22 octobre 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901501 du 16 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. François A des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001, 2002 et 2003 et des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre à la charge de M. A les impositions et pénalités litigieuses ;

Il soutient que le jugement est irrégulier, le Tribunal n'ayant pas invité l'administration à répondre, avant l'audience fixée au 6 juillet 2010, au mémoire en réplique de M. A dont elle avait reçu communication le 28 juin 2010 et qui comportait un moyen nouveau relatif au non respect du délai complémentaire de réponse ; que lorsqu'en réponse à une demande de justifications portant sur plusieurs crédits bancaires, le contribuable n'a apporté des justificatifs que pour certains d'entre eux, se contentant pour les autres d'indiquer qu'il effectuait des recherches, l'administration est fondée à taxer d'office ces derniers crédits, sans mettre l'intéressé en demeure de compléter sa réponse ; que M. A s'est borné, dans sa réponse du 26 novembre 2004 à la demande de justifications du 28 septembre 2004, à indiquer avoir pris contact avec les établissements bancaires afin d'obtenir des copies de chèques, à produire une attestation d'assurance certifiant qu'il avait reçu, le 29 mai 2002, un chèque de 22 791,35 euros représentant l'indemnisation d'un sinistre incendie dans sa caravane et à demander à la vérificatrice un rendez-vous lui permettant de transmettre tous les justificatifs utiles et d'évoquer ensemble son dossier ; qu'une telle lettre, qui n'avait qu'un caractère dilatoire, pouvait être assimilée à une absence de réponse et ne pouvait être regardée comme tendant au bénéfice d'un délai supplémentaire ; que l'administration n'était donc pas tenue de lui adresser la mise en demeure prévue par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales avant de procéder à la taxation d'office ; qu'aucun autre moyen ne permet de justifier la décharge des impositions ; que les crédits portés aux comptes bancaires de M. A excédant largement les revenus qu'il avait déclarés, le recours à la procédure de taxation d'office était justifié ; que la vérificatrice ne disposant d'aucun élément lui permettant de rattacher les crédits litigieux à une activité industrielle et commerciale, il ne peut être reproché à l'administration aucun détournement de procédure ; que M. A n'a produit aucune pièce attestant de l'origine des sommes en cause et établissant qu'il n'a pas disposé de ces sommes au cours de la période litigieuse ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 mai 2011, présenté pour M. François A, tendant au rejet du recours du ministre et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que, dès lors qu'il avait été répondu, le 26 novembre 2004, à la demande d'éclaircissements du 28 septembre 2004 et que la réponse comportait un premier justificatif émanant de son assureur, l'administration devait soit proroger, comme il l'avait demandé, le délai de réponse en application de l'article L. 16 A 1er alinéa du livre des procédures fiscales, soit lui adresser directement la mise en demeure prévue au 2ème alinéa du même article ; que pour des considérations inopérantes tenant à la prescription de l'année 2001, l'administration l'a privé d'une garantie et a vicié la procédure d'imposition pour les années 2001, 2002 et 2003 ; qu'en s'abstenant de rechercher un dialogue contradictoire avec lui sur les discordances relevées, avant de recourir à la procédure contraignante de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, l'administration a méconnu la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 juin 2011, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, tendant aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, qu'alors même que, dans sa rédaction applicable en l'espèce, la charte n'imposait plus qu'un débat soit engagé avant l'envoi d'une demande de justifications mais seulement qu'un dialogue ait lieu tout au cours de la procédure, M. A a été reçu par la vérificatrice dès le 1er juin 2004, avant l'envoi de la demande de justifications du 28 septembre 2004, et que le dialogue s'est poursuivi tout au long de la procédure ;

Vu le mémoire non communiqué, enregistré le 16 septembre 2011, présenté pour M. François A et tendant aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens, la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative étant portée à 2 000 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2011 :

- le rapport de M. Besson, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle et après mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, M. François A, qui exerçait une activité de peintre en bâtiment et de couvreur, a été assujetti à des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre des années 2001 à 2003 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT fait régulièrement appel du jugement n° 0901501 du 16 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. A de ces cotisations supplémentaires et des pénalités y afférentes ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et fixer à l'intéressé, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur au délai de trente jours prévu à l'article L. 11. ; qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. et qu'aux termes de l'article L. 69 dudit livre : Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une demande de justifications du 28 septembre 2004 a été adressée à M. A concernant divers crédits bancaires ; que s'il a justifié, par lettre du 26 novembre 2004, du caractère non imposable d'un crédit de 22 791,35 euros correspondant au remboursement par son assureur d'un sinistre incendie, il n'a en revanche apporté aucun commencement de réponse concernant les autres crédits mentionnés dans la demande de justifications ; que, dès lors, la réponse du contribuable étant suffisante pour le crédit de 22 791,35 euros et assimilable à une absence de réponse pour les autres crédits, l'administration fiscale n'était pas tenue de lui adresser la mise en demeure prévue par les dispositions précitées de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales avant de procéder à la taxation d'office de ces autres crédits ; que c'est par suite à tort que les premiers juges ont considéré que la procédure d'imposition était irrégulière faute pour l'administration d'avoir mis en demeure M. A de compléter sa réponse dans un délai de trente jours ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand que devant elle par M. A ;

Considérant, en premier lieu, que le montant des crédits constatés sur son compte à la Société Générale et sur le compte joint qu'il avait avec sa compagne au Crédit Lyonnais excédait largement le double des revenus qu'il a déclarés au titre des années 2001, 2002 et 2003, alors que sa compagne n'avait déclaré aucun revenu, sans que cette discordance ne fût imputable à des transferts de compte à compte décelables à la lecture des relevés bancaires concernés ; que l'administration fiscale était ainsi fondée, en application des dispositions précitées, à demander à M. A des justifications sur l'origine de ces crédits ; que si M. A soutient qu'elle ne pouvait pas mettre en oeuvre cette procédure pour redresser le montant de ses revenus, alors qu'elle savait qu'il avait exercé une activité industrielle et commerciale, l'administration fiscale ne disposait d'aucun élément lui permettant de rattacher à cette activité les crédits figurant sur ses comptes bancaires ; que le moyen tiré de ce que la demande de justifications serait entachée d'un détournement de procédure doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à demander à la vérificatrice, dans sa lettre du 26 novembre 2004, un rendez-vous pour lui permettre de transmettre tous les justificatifs utiles et d'évoquer ensemble son dossier, M. A ne peut être regardé comme ayant demandé un délai supplémentaire afin de réunir des justifications sur les crédits dont l'origine restait indéterminée, le contenu de sa lettre présentant au contraire un caractère manifestement dilatoire ;

Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré par M. A de ce qu'en s'abstenant de rechercher un dialogue contradictoire avec lui sur les discordances relevées avant de recourir à la procédure contraignante de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, l'administration aurait méconnu la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, manque en fait, M. A ayant été reçu par la vérificatrice dès le 1er juin 2004, avant l'envoi de la demande de justifications du 28 septembre 2004, et le dialogue s'étant au demeurant poursuivi tout au long de la procédure ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé M. A des contributions sociales en litige ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0901501 du 16 juillet 2010 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles a été assujetti M. A au titre des années 2001 à 2003 sont intégralement remises à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. François A et au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Besson et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2011.

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N° 10LY02415


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02415
Date de la décision : 11/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Taxation d'office. Pour défaut de réponse à une demande de justifications (art. L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales).


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Thomas BESSON
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : CABINET CEJF- R. LABONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-11;10ly02415 ?
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