Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 juin 2010, présentée pour la SAS ADREXO, dont le siège est ZI des Milles Europarc de Pichaury, 1330, avenue Guillibert de Lauzière à Aix en Provence (13592) ;
La SAS ADREXO demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702876 du 30 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision en date du 12 février 2007 par laquelle le contrôleur du travail de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Isère l'a mise en demeure de réparer un dispositif de chauffage, d'autre part, de la décision du 2 avril 2007 par laquelle le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la région Rhône-Alpes a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette mise en demeure ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SAS ADREXO soutient que :
- les décisions sont insuffisamment motivées ;
- le local ne saurait être regardé comme un local fermé affecté au travail au sens des dispositions de l'article R. 232-6 du code du travail alors que la porte reste constamment ou quasiment ouverte pour permettre le chargement de documents dans les véhicules ;
- le dépôt d'Echirolles est une zone de stockage des imprimés et prospectus non assujettie à une quelconque obligation de chauffage, ne constitue pas un atelier de préparation des tournées et un local de travail, et il n'a pu être constaté la présence de trois salariés à leur poste de travail alors que les stipulations de la convention collective permettent à la société de refuser aux distributeurs la préparation des poignées au sein de ses locaux compte tenu de la configuration des locaux, que les distributeurs et préparateurs à domicile n'accomplissent pas leurs prestations à l'intérieur du hangar et n'y disposent pas de poste fixe, et que le dépôt d'Echirolles n'est utilisé qu'à des fins de réception et stockage des documents ;
- les facilités qui ont été accordées à certains distributeurs qui souhaitaient rassembler les journaux au sein du dépôt n'ont constitué qu'une pratique ponctuelle et non institutionnalisée ;
- la préparation des poignées par l'ensemble des distributeurs au sein du dépôt impliquerait la création d'un autre établissement réservé uniquement à la préparation ;
- il existe au sein du dépôt des bureaux réservés au personnel administratif qui répondent aux prescriptions légales en la matière dès lors qu'ils constituent des postes de travail ;
- il est manifeste que le chauffage de l'entrepôt, outre son caractère peu écologique, serait matériellement impossible ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu enregistré le 29 septembre 2010, le mémoire en défense présenté par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête;
Il soutient que :
- la décision du directeur régional du travail, qui a regardé le dépôt comme local de travail compte tenu notamment de la présence d'au moins trois personnes occupées à des tâches de préparation de palettes à distribuer, est suffisamment motivée ;
- la présence de distributeurs préparant des poignées sur place est clairement envisagée par la convention collective nationale des entreprises de distribution ;
- le local en cause, clos par des murs, des portes et couverts, constitue un local fermé au sens des dispositions de l'article R. 232-6 du code du travail devenu R. 4223-13, la circonstance qu'il fasse l'objet d'entrées et sorties nombreuses des distributeurs ne lui ôtant pas ce caractère ;
Vu l'ordonnance du 23 décembre 2010 prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative fixant la clôture de l'instruction au 21 janvier 2011 à 16 h 30 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2011 :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Jourdan, rapporteur public ;
Considérant que la SAS ADREXO, qui exploite un entrepôt situé au 21 rue de Comboire à Echirolles (Isère) comme local de dépôt et de distribution d'imprimés et de journaux gratuits dans les boîtes aux lettres, relève appel du jugement du 30 avril 2010 du Tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision en date du 12 février 2007 par laquelle le contrôleur du travail de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Isère l'a mise en demeure de réparer un dispositif de chauffage, d'autre part, de la décision du 2 avril 2007 par laquelle le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la région Rhône-Alpes a confirmé cette mise en demeure ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2007 :
Considérant que pour rejeter la demande de la SAS ADREXO en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision du 12 février 2007 du contrôleur du travail la mettant en demeure de réparer le dispositif de chauffage de l'entrepôt d'Echirolles, le Tribunal a estimé que ces conclusions étaient irrecevables au motif que la décision du 2 avril 2007 du directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la région Rhône-Alpes, prise à la suite de la réclamation de la société qui constituait un préalable obligatoire à la saisine du juge, s'était substituée à cette mise en demeure ; que la SAS ADREXO, qui se borne à soutenir en appel que la décision du 12 février 2007 serait entachée d'illégalité, ne conteste pas l'irrecevabilité ainsi retenue par les premiers juges qui constitue le fondement du jugement rejetant cette demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS ADREXO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision du 12 février 2007 ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 2007 :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 231-5-1 du code du travail devenu désormais R. 4723-4 : Avant l'expiration du délai fixé en application soit de l'article L. 230-5, soit de l'article L. 231-4, soit de l'article L. 231-5 et au plus tard dans les quinze jours qui suivent la mise en demeure prononcée sur le fondement de l'un de ces articles, le chef d'établissement peut saisir d'une réclamation le directeur régional du travail et de l'emploi... La non-communication au chef d'établissement de la décision du directeur régional dans le délai prévu à l'alinéa précédent vaut acceptation de la réclamation. Tout refus de la part du directeur régional doit être motivé. ;
Considérant, que la décision du directeur régional du travail et de l'emploi attaquée vise notamment la réclamation de la société, les dispositions du code du travail sur lesquelles elle se fonde, et rappelle les termes de la mise en demeure du contrôleur du travail contestée par la société ; qu'elle précise ensuite les obligations pesant sur l'employeur concernant l'installation d'un système de chauffage ; qu'elle rappelle les constatations faites dans l'entreprise et les irrégularités constatées par le contrôleur du travail concernant l'absence de chauffage dans l'entrepôt, la faible température y régnant pendant les périodes de froid, la présence dans les locaux non chauffés de trois salariés, occupés à la préparation des palettes d'imprimés ou de zonage de stockage, le fait que la présence de personnel pour travailler dans ce local en y étant exposé durablement au froid constitue une modalité d'organisation du travail dans cet entrepôt ; qu'elle mentionne que l'attention de l'employeur avait été attirée à l'occasion de réunions mensuelles avec les délégués syndicaux sur la situation dégradée dans laquelle se trouvaient les employés travaillant dans le local en raison de l'absence de chauffage ; qu'elle précise que les constats ainsi opérés établissent le caractère insatisfaisant de la situation au regard des prescriptions de l'article R. 232-6 du code du travail ; qu'elle indique enfin les obligations de mise en conformité incombant à la société, en précisant qu'elle confirme en tous points la décision du contrôleur du travail du 12 février 2007 prescrivant à la société la mise en place de tout dispositif de chauffage adapté au conditions de travail constatées dans ce local, et à même de préserver les salariés, effectuant leurs poignées sur place, d'une exposition à des températures basses, durant leur présence à leurs postes de travail ; qu'ainsi, le directeur régional du travail a suffisamment motivé sa décision en droit et en fait ; que par suite, le moyen tiré de ce que la décision est insuffisamment motivée doit être écarté comme manquant en fait ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 232-1 du code du travail alors en vigueur : Au sens du présent chapitre, on entend par lieux de travail les lieux destinés à recevoir des postes de travail situés ou non dans les bâtiments de l'établissement, ainsi que tout autre endroit compris dans l'aire de l'établissement auquel le travailleur a accès dans le cadre de son travail. Les champs, bois et autres terrains faisant partie d'un établissement agricole ou forestier, mais situés en dehors de la zone bâtie d'un tel établissement, ne sont pas considérés comme des lieux de travail. ; qu'aux termes de l'article R. 232-6 du même code : Les locaux fermés affectés au travail doivent être chauffés pendant la saison froide. Le chauffage doit être assuré de telle façon qu'il maintienne une température convenable et ne donne lieu à aucune émanation délétère. ; qu'aux termes de l'article R. 232-14 du même code : Les prescriptions du présent chapitre donnent lieu à l'application de la procédure de mise en demeure prévue à l'article L. 231-4. Le délai minimum d'exécution est fixé uniformément à huit jours. ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que ces locaux sont clos et couverts ; qu'il ressort notamment de l'enquête diligentée par le contrôleur du travail le 1er février 2007, que l'atelier de préparation des tournées ne disposait pas de chauffage et que la température du local constatée avoisinait un degré ; que, si la société requérante fait valoir qu'en dehors des bureaux réservés au personnel administratif, les locaux n'étaient pas affectés au travail compte tenu de ce que les salariés n'avaient pas de poste fixe et que les stipulations de la convention collective lui permettent de refuser aux distributeurs la préparation des poignées au sein de ses locaux lesquelles sont ainsi réalisées à leur domicile, le contrôleur du travail a, toutefois, pu constater, lors de la visite des lieux opérée dans les locaux de la société le 1er février 2007, la présence de trois salariés occupés à la préparation des distributions et à des tâches de manutention de documents, d'étiquetage de paquets imprimés ou de zonage de stocks ; que si la société allègue que la durée de présence de salariés dans les locaux était très limitée, il ressort cependant des pièces du dossier que les travaux de manutention et préparation en cause ne revêtaient pas un tel caractère, le contrôleur du travail ayant notamment constaté que l'un des trois salariés présents dans les locaux était affecté dans cet entrepôt depuis trois semaines, qu'il disposait d'un contrat de mission d'intérim qui précisait qu'il avait pour tâche de préparer les chariots de commande d'imprimés dans le cadre d'un remplacement partiel d'un préparateur de commandes en arrêt maladie, qu'il était affecté dans les locaux d'Echirolles et que la durée de travail était comprise de façon variable entre 8 heures et 18 heures ; que la société a fait par ailleurs état, notamment dans sa réclamation obligatoire adressée au directeur régional du travail et de l'emploi, qu'à titre exceptionnel quelques distributeurs pouvaient être amenés à effectuer leurs tâches de préparation au sein du dépôt en raison de contraintes particulières ; que, par suite, et alors même que la porte du local était fréquemment ouverte, la SAS ADREXO n'est pas fondée à soutenir que ces locaux n'étaient destinés qu'au seul stockage des imprimés à distribuer et qu'en les regardant comme des locaux fermés affectés au travail de certains des salariés, au sens des articles R. 232-1 et R. 232-6 du code du travail, le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle aurait entaché sa décision d'erreur de fait, d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation ;
Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce qu'allègue la SAS ADREXO, l'administration n'a pas imposé la présence dans les locaux de chacun des agents préparateurs-distributeurs employés par la société et, par suite, la création d'un autre établissement dédié exclusivement à ces travaux de préparation ; que si la société soutient qu'il est manifeste que le chauffage de l'entrepôt serait impossible, toutefois, et alors que notamment ces locaux disposaient d'une installation de chauffage qui était hors d'usage, elle ne produit pas d'élément de nature à établir ses allégations quant à une impossibilité, pour elle, d'assurer au sein de ces locaux une température compatible avec le travail qui y est exécuté ; qu'enfin, la société ne peut utilement se prévaloir de l'impact écologique de l'obligation de chauffer le bâtiment ; que, par suite, en mettant en demeure la SAS ADREXO de prendre les mesures nécessaires afin de remédier à ces manquements en application des dispositions des articles L. 231-5 et suivants du code du travail, et en prescrivant ainsi à la société la mise en place de tout dispositif de chauffage adapté aux conditions de travail constatées dans ce local, et à même de préserver les salariés d'une exposition à des températures basses durant leur présence à leurs postes de travail, le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle n'a pas commis d'erreur de fait, ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, ni n'a pris une mesure qui aurait revêtu un caractère disproportionné au regard de ses conditions d'exploitation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS ADREXO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 2007 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SAS ADREXO la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS ADREXO est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS ADREXO et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2011, à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Segado et Levy Ben Cheton, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 27 septembre 2011.
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N° 10LY01505