Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2010, présentée pour M. et Mme B, domiciliés ... ;
M. et Mme B demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704678 du Tribunal administratif de Grenoble
du 11 février 2010 qui a annulé l'arrêté du 24 avril 2007 par lequel le maire de la ville de Grenoble leur a délivré un permis de construire un immeuble de dix logements ;
2°) de rejeter la demande de M. et Mme A, de M. C et de l'association Chemins Madeleine-Montfroid devant le Tribunal administratif ;
M. et Mme B soutiennent que le Tribunal a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit ; qu'en effet, il ne ressort nullement des pièces du dossier de la demande de permis de construire que le projet impliquera nécessairement la démolition partielle des fondations du mur réputé mitoyen ; qu'en toute hypothèse, le Tribunal s'est appuyé sur des considérations liées à l'exécution du permis de construire, qui sont sans incidence sur sa légalité ; qu'il n'est pas prévu de réaliser des travaux relevant de l'article 662 du code civil, seule hypothèse dans laquelle une autorisation du copropriétaire voisin est requise ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 octobre 2010, présenté pour M. et Mme A,
M. C et l'association Chemins Madeleine-Montfroid, qui demandent à la Cour :
- de rejeter la requête ;
- de condamner M. et Mme B à leur verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. et Mme A, M. C et l'association Chemins Madeleine-Montfroid soutiennent que c'est à bon droit que le Tribunal a annulé le permis de construire litigieux en application des dispositions combinées de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme et de l'article 662 du code civil ; qu'en effet, les propriétés B et A sont séparées par un mur qui a le caractère d'un mur mitoyen, comme l'attestent le procès-verbal de conciliation du 8 novembre 2006 et le jugement du 10 juin 2010 du Tribunal de grande instance de Grenoble ; que, alors que le projet litigieux va affecter ce mur mitoyen, il est constant que la ville de Grenoble n'a pas recherché la production par le pétitionnaire d'un document établissant qu'il est seul propriétaire ou la production du consentement de l'autre copropriétaire ;
- instituer des emplacements réservés en interdisant toute construction de part et d'autre de la voie en deçà d'une certaine distance constitue un excès de pouvoir eu égard au respect du droit de propriété ; que le plan local d'urbanisme de la ville de Grenoble ne peut donc imposer, chemin de la Madeleine, des emplacements réservés et interdire les constructions à moins de quatre mètres de l'axe de cette voie privée ; que, par suite, le permis de construire attaqué, qui se fonde sur l'existence de ces emplacements réservés, est illégal ; qu'en effet, en premier lieu, en l'absence d'emplacement réservé chemin de la Madeleine, la limite de référence est la limite de fait de la voie ; que, contrairement à ce qu'imposent les dispositions du 2 de l'article 6 du règlement du plan local d'urbanisme, le bâtiment A n'est situé ni en limite de référence ni en retrait de trois mètres minimum ; qu'en deuxième lieu, aux termes des articles 6 et 10 de la zone UM-C, la hauteur se détermine à la limite de référence ; que celle-ci étant constituée par la limite de fait entre le chemin de la Madeleine et le terrain d'assiette du projet, compte tenu de la largeur de ce chemin, la hauteur sur la limite de référence ne peut être supérieure à onze mètres, ce qui n'est pas le cas ; qu'enfin, l'article 2 de l'arrêté attaqué, qui impose une cession gratuite en vue de l'élargissement d'une voie, s'appuie nécessairement sur l'emplacement réservé, ce qui est illégal, ce dernier étant lui-même illégal ; que cet article, qui présente une dimension urbanistique, n'est pas détachable du reste du permis de construire ;
- l'article UM-C 1-11 prohibe tout exhaussement ou affouillement / décaissement ; que, contrairement à ces dispositions, la rampe d'accès crée un décaissement et la terrasse engazonnée située au dessus des garages, à 1,50 mètre au dessus du terrain naturel, constitue un exhaussement ou rehaussement du sol ;
- les terrasses situées à l'Ouest du bâtiment, qui constituent en réalité un élément de la construction, étant à 1,50 mètre au dessus du sol, sont implantées en retrait et à moins de quatre mètres des limites séparatives ; que, dans l'hypothèse où ces terrasses seraient regardées comme situées sur un nouveau niveau naturel, elles constitueraient alors un exhaussement interdit ;
- en méconnaissance du plan local d'urbanisme, le nombre de niveaux n'est pas de
R + 3, mais de R + 4, dès lors que le rez-de-chaussée, qui est composé de garages semi-enterrés situés au dessus du terrain naturel, constitue un niveau à part entière ;
- compte tenu de la largeur du chemin de la Madeleine, de 2,30 mètres aux endroits les plus étroits, des circonstances que ce chemin est utilisé par des écoliers, qu'il débouche sur des axes importants, avec une faible visibilité, qu'il est inadapté à la circulation et au stationnement des véhicules de secours et de lutte contre l'incendie et du fait que l'emplacement réservé est illégal et qu'en tout état de cause, aucun alignement n'est prévu à moyen terme, le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme et du plan local d'urbanisme ;
- le chemin de la Madeleine constitue un chemin privé, dont chaque riverain est en partie propriétaire ; qu'aucune servitude de passage n'est mentionnée ; que, si la ville de Grenoble a produit un arrêté du 19 juin 1995 ouvrant ledit chemin à la circulation publique, cet arrêté est illégal, la ville n'ayant procédé à aucune information et l'avis des propriétaires n'ayant pas été recherché ; qu'en outre, cet arrêté est entaché d'erreur de droit, certains propriétaires s'opposant à l'ouverture à la circulation publique ;
- la procédure d'instruction du permis de construire a été viciée, l'administration n'ayant pas été en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur la question de l'accès au terrain d'assiette du projet ; qu'elle aurait dû s'assurer des conditions d'application de l'arrêté du 19 juin 1995 et rechercher l'existence de servitudes de passage ; que l'administration a manqué de neutralité et de transparence, ce qui est contraire aux principes généraux régissant l'action administrative ;
- comme cela a été démontré devant le Tribunal, le projet méconnaît l'article
R. 111-21 du code de l'urbanisme et l'article UM-C 11 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- un autre mur mitoyen existe en limite Ouest de propriété, comme indiqué sur le plan de masse ; que ce mur est affecté par le projet ; que la ville de Grenoble n'ayant pas recherché la production par le pétitionnaire d'un document établissant qu'il est seul propriétaire ou la production du consentement de l'autre copropriétaire, l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme a été méconnu ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 novembre 2010, présenté pour M. et Mme A,
M. C et l'association Chemins Madeleine-Montfroid, par lequel cette dernière déclare qu'elle se désiste de sa demande ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 31 janvier 2011, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mars 2011 ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2011, présenté pour M. et Mme A,
M. C et l'association Chemins Madeleine-Montfroid, tendant aux mêmes fins que précédemment ;
Les intimés soutiennent, en outre, que l'article 2 de l'arrêté attaqué est illégal, en vertu de la décision n° 2010-33 du Conseil constitutionnel ; que, dès lors, le projet est d'autant plus irrégulier au regard de l'article UM-C 6-2 du règlement du plan local d'urbanisme ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 16 mars 2011, la clôture de l'instruction a été reportée au 14 avril 2011 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2011 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les observations de Me Rigoulot, représantant la Selarl Cabinet Bertrand Peyrot, avocat de M. et Mme B, et celles de M. A, défendeur ;
- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
- et la parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;
Considérant que, par un jugement du 11 février 2010, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 24 avril 2007 par lequel le maire de la ville de Grenoble a délivré un permis de construire un immeuble de dix logements à M. et Mme B ; que ces derniers relèvent appel de ce jugement ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 alors applicable du code de l'urbanisme : La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain (...) ; que, d'autre part, aux termes de l'article 653 du code civil : Dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation (...) entre cours et jardins (...) est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire ; qu'aux termes de l'article 662 du même code : L'un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d'un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre ;
Considérant que les dispositions précitées de l'article 653 du code civil établissent une présomption légale de propriété commune d'un mur séparatif de propriété ; que cette propriété commune doit être regardée comme la propriété apparente pour l'application des dispositions de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme et, qu'en conséquence, l'un des propriétaires ne peut être regardé comme l'unique propriétaire apparent du mur en l'absence de marques de propriété exclusive à son bénéfice ; qu'il découle des dispositions précitées du code de l'urbanisme et du code civil que, dans ces conditions, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande portant sur un tel mur et prévoyant les travaux mentionnés à l'article 662 précité du code civil, d'exiger la production par le pétitionnaire, soit d'un document établissant qu'il est le seul propriétaire de ce mur, soit du consentement de l'autre copropriétaire ;
Considérant qu'il ressort des plans de la demande de permis de construire que le projet litigieux vient s'adosser au mur séparant le terrain d'assiette du projet de la propriété de
M. et Mme A ; qu'en outre, au droit de ce mur, un décaissement est prévu, sur environ 1,50 mètre, pour aménager une rampe d'accès à des parkings semi-enterrés ; qu'il ressort du plan du mur séparatif de propriété, qui, aux dires non contestés des demandeurs, a été produit dans une instance judiciaire par M. et Mme B eux-mêmes, que ce décaissement entraînera la destruction de la semelle enterrée servant à stabiliser ce mur, qui s'étend sur environ 50 cm de chaque coté de celui-ci ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, c'est la construction autorisée elle-même qui affectera nécessairement le mur, indépendamment des conditions d'exécution du permis ; que les travaux sont ainsi de ceux que mentionne l'article 662 précité du code civil ; que le dossier de la demande de permis de construire ne contenait aucun élément permettant d'établir que M. et Mme B étaient les seuls propriétaires du mur ; que, d'ailleurs, par un jugement du 10 juin 2010, le Tribunal de grande instance de Grenoble a ultérieurement jugé que le mur dont il est question doit être qualifié de mitoyen faute de preuve contraire ; que ledit dossier ne faisait pas apparaître que M. et Mme A avaient consenti au travaux ; que, dans ces conditions, le maire de la ville de Grenoble ne pouvait légalement tenir M. et Mme B comme habilités à présenter la demande de permis de construire, au sens des dispositions précitées de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 24 avril 2007 par lequel le maire de la ville de Grenoble leur a délivré un permis de construire ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B le versement d'une somme globale de 1 200 euros au bénéfice de M. et Mme A et de M. C sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B est rejetée.
Article 2 : M. et Mme B verseront à M. et Mme A et à M. C une somme globale de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Pierre Georges B, à M. Alain C, à M. et Mme Pierre A et à l'association Chemins Madeleine-Montfroid.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2011, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président de chambre,
M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 27 septembre 2011.
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N° 10LY00811