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29/08/2011 | FRANCE | N°10LY00272

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 août 2011, 10LY00272


Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. Michel A, domicilié Chemin du Moulin Mazan à Bellerive-sur-Allier (03700), par la société d'avocats Louis Château, Anne Château, Paul Château, inscrite au barreau de Cussey-Vichy ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800409 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 novembre 2009 annulant la décision en date du 11 mai 2007 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de l'Allier lui a octroyé une indemnité forfaitaire de 5 000 eu

ros, à la charge du département de l'Allier, en réparation de l'intégralité du...

Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. Michel A, domicilié Chemin du Moulin Mazan à Bellerive-sur-Allier (03700), par la société d'avocats Louis Château, Anne Château, Paul Château, inscrite au barreau de Cussey-Vichy ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800409 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 novembre 2009 annulant la décision en date du 11 mai 2007 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de l'Allier lui a octroyé une indemnité forfaitaire de 5 000 euros, à la charge du département de l'Allier, en réparation de l'intégralité du préjudice qu'il a subi à la suite des opérations de remembrement concernant le territoire de la commune de Brugheas ;

2°) de confirmer la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Allier en date du 11 mai 2007 ;

Il soutient :

- qu'il n'a pas été avisé de la réclamation présentée par le propriétaire voisin le 22 juin 2004 alors que tant le géomètre-expert chargé de l'opération que les indications du département et que le procès-verbal de la séance du 11 mai 2007 précisaient que le projet définitif du 20 avril 2004 lui laissait la propriété du bief ;

- que la commission communale a accueilli lors de sa session des 6 et 7 juillet 2004 la réclamation de B, propriétaire voisin, sans aucune motivation, sans réserve à son profit, et sans qu'il ait été avisé de cette réclamation ; que l'avis de décision signé le 7 juillet et adressé en septembre aux intéressés, selon les dires du conseil général, ne fait pas référence à cette modification ;

- qu'il est parfaitement recevable à agir dans le cadre du délai d'action de cinq ans prévu à l'article L. 123-16 du code rural ;

- que le procès-verbal de la commission départementale du 15 mai 2007 était formellement valide dès lors qu'il était signé par le président de cette commission ; qu'en tout état de cause, il n'est pas allégué que les observations orales présentées aient été différentes de celles consignées par écrit ;

- qu'il a subi un préjudice d'une valeur bien supérieure à 5 000 euros ;

- que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur le seul fait qu'il n'aurait pas été évincé puisque la parcelle représentant le bief a été portée au nombre de ses apports et qu'il ne saurait dès lors être regardé comme un propriétaire évincé au sens des dispositions de l'article L. 123-16 du code rural ;

- qu'à aucun moment de la procédure il n'a été tenu compte du " droit d'eau ", imprescriptible et inaliénable, qui constitue un immeuble à utilisation spéciale, au sens des articles L. 123-1 et suivant du code rural et devrait être réattribué à son propriétaire ; qu'en ne retenant pas cette particularité, il a été évincé de ses droits et que l'attribution en point ne constitue pas pour lui une attribution légale, les points ne se référant qu'à la valeur agricole des terres ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2010, présenté pour le département de l'Allier, par la société d'avocats Adamas, qui conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la confirmation de l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de l'Allier en date du 11 mai 2007 et à ce que M. A soit condamné à verser au département de l'Allier la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que le propriétaire évincé au sens de l'article L. 123-16 du code rural est celui qui avait des droits sur des parcelles, droits dont il n'a pas été tenu compte et non celui auquel la commission communale d'aménagement foncier n'aurait pas réattribué, dans le cadre des opérations de remembrement, l'exacte équivalence des terres qu'il avait apporté ;

- qu'il ressort du procès-verbal des opérations de remembrement que la parcelle de M. A a bien été prise en compte ;

- que le droit d'eau, dit imprescriptible et inaliénable n'a pas de fondement légal, que la parcelle du bief ne peut être regardée comme "à destination spéciale" vu qu'elle n'était plus entretenue depuis des années et en état d'abandon ;

- qu'il n'a à aucun moment contesté l'attribution du bief à B en cours de remembrement : que la décision d'attribution de la parcelle AX 330 a été déposée en mairie pour consultation et que chaque propriétaire a été avisé de l'enquête ;

A titre subsidiaire, sur l'illégalité de la décision commission départementale d'aménagement foncier du 11 mai 2007 :

- que dans le cadre de l'article L. 123-16 la commission départementale d'aménagement foncier ne peut procéder à aucune réattribution (CE 9 novembre 1990 n° 74327 - 96NT00897 7 avril 1999) ;

Sur l'illégalité externe :

- que la commission départementale d'aménagement foncier a statué sur une demande qui ne relevait pas de sa compétence, car M. A demandait " la restitution de la surface de son bien ", ce que la commission départementale d'aménagement foncier ne pouvait lui accorder ;

- que le procès-verbal de la séance de la commission départementale d'aménagement foncier du 11 mai 2007 ne comporte pas la signature de la secrétaire, contrairement aux dispositions alors en vigueur de l'article R. 121-10 du code rural ; que ce procès-verbal a, en fait, été établi en avril 2008 et qu'il n'est nullement établi que les dires des parties figurant à ce procès-verbal soient effectivement ceux prononcés le 11 mai 2007 ;

- que les considérations de la commission, le non usage du bief et l'absence d'eau depuis de nombreuses années, et la compensation "normale" de M. A sur le foncier dans le cadre du remembrement ne pouvaient entraîner que le rejet de la demande et non l'octroi d'une indemnité ; qu'il ne pouvait se prévaloir d'aucun préjudice ; que la décision de la commission départementale d'aménagement foncier est entachée d'une contradiction fondamentale qui entraîne un défaut de motivation, car on ne voit pas les raisons qui ont amené à la décision ;

Sur la légalité interne :

- que c'est à défaut de rectification que la commission octroie une indemnité :

- que la commission ne parle pas d'un projet d'échange amiable, alors que le géomètre avait évoqué ce problème ;

- que M. A n'a jamais démontré avoir subi un préjudice, qu'il a été normalement compensé sur le foncier ;

- que le bief était abandonné et qu'une piscine est construite à l'emplacement de la réserve d'eau du moulin ;

- qu'une première décision de la commission départementale d'aménagement foncier, implicite, était déjà intervenue faute de réponse dans le délai de 4 mois sur la réclamation de M. A ; que la décision du 11 mai, retrait de la décision implicite de rejet, ne pouvait attribuer 5 000 euros d'indemnités ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er juillet 2011, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire qui s'en remet à la sagesse de la Cour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 2011 :

- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;

- les observations de Me Bosquet, représentant la société Adamas, avocat du département de l'Allier ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- la parole ayant été à nouveau donnée à Me Bosquet, représentant la société Adamas, avocat du département de l'Allier ;

Considérant que M. A est propriétaire d'un moulin sur la commune de Bellerive-sur-Allier ; qu'il possédait également la parcelle cadastrée AX 330 sur la commune de Brugheas, laquelle parcelle était constituée par un fossé d'écoulement servant de bief à ce moulin ; que dans le cadre de l'enquête sur le projet de remembrement de la commune de Brugheas, alors que la commission communale d'aménagement foncier avait prévu que cette parcelle serait réattribuée à M. A, B, propriétaire des terrains à l'intérieur desquels elle était enclavée, a présenté une réclamation afin que celle-ci lui soit attribuée ; que la commission communale d'aménagement foncier a fait droit à cette demande ; que le préfet de l'Allier a par la suite prononcé la clôture des opérations de remembrement sur le territoire de la commune de Brugheas ; que M. A, s'étant aperçu qu'une partie du bief qu'il possédait avant les opérations de remembrement litigieuses ne lui appartenait plus, a saisi la commission départementale d'aménagement foncier de l'Allier d'une réclamation sollicitant la restitution de l'ensemble de la surface dudit bief ; que par une décision en date du 11 mai 2007, la commission départementale d'aménagement foncier de l'Allier, se fondant sur les dispositions de l'article L. 123-16 du code rural, a décidé d'octroyer à M. A une indemnité forfaitaire de 5 000 euros, à la charge du département de l'Allier, couvrant l'intégralité du préjudice qu'il avait subi suite à la perte de la parcelle supportant le bief ; que le département a saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui, par un jugement du 17 novembre 2009, a annulé la décision précitée de la commission départementale d'aménagement foncier ; que M. A fait appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-16 du code rural : " Sous réserve des droits des tiers, tout propriétaire ou titulaire de droits réels, évincé du fait qu'il n'a pas été tenu compte de ses droits sur des parcelles peut, pendant une période de cinq années à compter de l'affichage en mairie prévu à l'article L. 121-12, saisir la commission départementale d'aménagement foncier aux fins de rectification des documents du remembrement. / Si la commission estime impossible de procéder à ladite rectification, elle attribue à l'intéressé une indemnité correspondant à l'intégralité du préjudice subi par elle. (...) " ; et qu'aux termes de l'article R.* 123-14 de ce même code : " la commission communale ou intercommunale prend connaissance des réclamations et observations formulées lors de l'enquête ainsi que du rapport d'enquête et des conclusions. / Elle entend les propriétaires, s'ils l'ont demandé, et statue. / Les décisions de la commission sont notifiées et affichées dans les conditions prévues aux articles R.* 121-4 et R.* 121-5 et, le cas échéant, font l'objet de réclamations devant la commission départementale dans les conditions prévues à l'article R.* 121-6 " ; qu'il résulte de ces dispositions que le propriétaire évincé, au sens de l'article L. 123-16, doit être regardé comme celui qui, à raison soit d'une erreur matérielle, d'une omission ou d'une inexactitude dans les documents utilisés pour élaborer le projet de remembrement, n'a pas été invité à présenter ses observations dans le cadre de l'enquête ou de l'information prévues par les dispositions des articles R.* 123-7 et R.* 123-14 du code rural ;

Considérant qu'il est constant que M. A a bien été informé de la possibilité qu'il avait de prendre connaissance des décisions rendues par le commission communale d'aménagement foncier sur les réclamations qui lui avaient été soumises afin de saisir, le cas échéant, la commission départementale d'aménagement foncier, conformément aux dispositions précitées de l'article R.* 123-14 ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation à l'administration de le prévenir expressément de ce qu'une réclamation déposée devant la commission communale pouvait le concerner particulièrement ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AX 330, constituant le bief dont M. A était propriétaire avant les opérations de remembrement, a été portée au nombre de ses apports dans le cadre desdites opérations ; que le requérant ne saurait pour ce motif invoquer les dispositions précitées de l'article L. 123-16 ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A soutient que la parcelle supportant le bief constituait un immeuble à utilisation spéciale relevant des dispositions du 5° de l'article L. 123-3 du code rural ; qu'une telle argumentation était de celles qui devaient être présentées à la commission départementale dans le délai, prévu par l'article L. 121-6 de ce même code, d'un mois à compter de la publication de la décision de la commission communale d'aménagement foncier ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. A fait valoir que l'attribution de la parcelle AX 330 à B l'a évincé d'un droit d'eau, lequel serait distinct de la propriété de la parcelle, il ne l'établit pas, alors que l'existence de celui-ci est formellement contestée par le conseil général de l'Allier, soit en produisant un titre, soit en démontrant que le moulin était alimenté par le bief dès avant la révolution de 1789 ; qu'en tout état de cause, étant donné que l'exercice de ce droit était, ainsi qu'il le présente, indissociable de la parcelle litigieuse, il lui appartenait d'en faire valoir l'existence dans les conditions prévues à l'article R.* 123-14 précité dès lors que, comme il a été dit, il a été mis en mesure de s'informer des modifications apportées au projet de remembrement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la réclamation formulée le 11 mars 2006 devant la commission départementale n'avait pas pour objet l'application des dispositions de l'article L. 123-16 du code rural ; qu'elle était donc tardive et que cette commission était tenue de la rejeter pour ce motif ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision de cette commission en date du 11 mai 2007 lui attribuant une indemnité de 5 000 euros ;

Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. A, au profit du département de l'Allier la somme qu'il demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de l'Allier tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel A, au département de l'Allier et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2011 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 août 2011.

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N° 10LY00272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00272
Date de la décision : 29/08/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-04-02-02 Agriculture, chasse et pêche. Remembrement foncier agricole. Attributions et composition des lots. Parcelles devant ou non être réattribuées à leurs propriétaires.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Denis RAISSON
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : SCP CHATEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-08-29;10ly00272 ?
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