Vu la requête, enregistrée à la Cour le 3 février 2011, présentée pour Mme Fatoumata A de nationalité sénégalaise, domiciliée chez M. Oumar A, ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1005965, en date du 23 décembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain, du 16 septembre 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 700 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est entachée de vice de procédure en ce que la commission du titre de séjour prévue par les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été saisie ; que cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2011, présenté par le préfet de l'Ain, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour en ce que Mme A ne pouvait pas prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ; que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas été prise en violation des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) du 24 mars 2011 accordant à Mme A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2011 :
- le rapport de M. Bézard, président ;
- et les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, l'époux de Mme A, avec lequel elle s'était mariée en 1995, résidait en France depuis plusieurs années et était titulaire d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale valable du 17 juin 2010 au 16 juin 2011 ; que, le décès de son époux, survenu postérieurement à la date de la décision litigieuse le 13 octobre 2010, est sans incidence sur sa légalité, celle-ci devant s'apprécier à la date à laquelle elle a été prise ; que Mme A se trouvait ainsi dans l'une des catégories d'étrangers dont la situation permettait la mise en oeuvre de la procédure de regroupement familial ; que, dès lors, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, Mme A n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet de l'Ain serait irrégulière faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que Mme A, de nationalité sénégalaise, est entrée en France en 2005, selon ses déclarations, et soutient qu'elle ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier de la procédure de regroupement familial compte tenu notamment du décès de son époux, de même nationalité qu'elle, survenu le 13 octobre 2010 ; qu'elle justifie d'une communauté de vie avec son époux avec lequel elle a eu deux enfants nés, en France le 20 octobre 2006 et le 4 juillet 2010 ; que, toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, la circonstance que son époux soit décédé postérieurement à la décision litigieuse est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que, contrairement aux allégations de la requérante, il ressort de deux procès-verbaux dressés par les services de police le 3 juin 2009, qui ne sont pas pertinemment contredits, que l'époux de la requérante a déclaré que tous deux se maintenaient en situation irrégulière sur le territoire national ; que, dès lors, rien ne s'opposait à ce que leur vie privée et familiale se reconstitue au Sénégal, pays dont ils ont tous les deux la nationalité et eu égard au jeune âge de leurs deux enfants nés en France ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que Mme A n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, pays qu'elle a quitté à l'âge de vingt-trois ans et où elle a donné naissance à trois de ses enfants mineurs âgés respectivement de treize, onze et neuf ans, dont il n'est pas établi qu'ils aient quitté leur pays d'origine pour rejoindre leur mère en France ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions d'entrée et de séjour de la requérante en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ain n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la vie privée et familiale de Mme A ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que Mme A soutient que la décision attaquée a pour conséquence de priver ses enfants, soit de la présence de leur père, soit de la présence de leur mère ; que la décision a pour conséquence de rompre la scolarité entamée par leur premier enfant né en France ; que, toutefois, la décision refusant de délivrer un titre de séjour n'avait pas, par elle-même, pour conséquence de séparer leurs enfants de l'un de leurs parents ; qu'en outre, ainsi qu'il vient d'être dit, rien ne s'opposait à ce que la cellule familiale de la requérante se reconstitue au Sénégal en compagnie de leur deux jeunes enfants âgés de trois ans et de moins de trois mois à la date de la décision attaquée ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces produites par la requérante que l'un de ses enfants serait scolarisé en France ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Considérant, en sixième lieu, que Mme A, en se bornant à soutenir que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se référant à sa situation familiale décrite précédemment, ne fait état d'aucune considération humanitaire ou de motifs exceptionnels de nature à apprécier le bien-fondé de ses allégations ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant que les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont assorties d'aucun moyen distinct de ceux présentés au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ; que, dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ;
Sur l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mme A étant la partie succombante à l'instance, son conseil ne peut se prévaloir à son profit des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ; que sa demande doit, en conséquence, être rejetée ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fatoumata A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2011, à laquelle siégeaient :
M. Fontbonne, président de la formation de jugement,
M. Bézard, président,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 août 2011.
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N° 11LY00286