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07/07/2011 | FRANCE | N°05LY01633

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 juillet 2011, 05LY01633


Vu la requête, enregistrée le 7 octobre 2005, présentée pour M. Christian A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

- de réformer le jugement n° 0301138 du 21 juillet 2005 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il n'a pas reconnu les trois erreurs successives de l'hôpital et en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'indemnité du préjudice économique ;

- de condamner le centre hospitalier de Montceau-les-Mines à lui verser la somme de 320 000 euros au titre du préjudice économique, assortie des intérêts, la somme de 5 681 euros au titre des

frais de l'expertise amiable et la somme globale de 12 300 euros au titre de l'arti...

Vu la requête, enregistrée le 7 octobre 2005, présentée pour M. Christian A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

- de réformer le jugement n° 0301138 du 21 juillet 2005 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il n'a pas reconnu les trois erreurs successives de l'hôpital et en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'indemnité du préjudice économique ;

- de condamner le centre hospitalier de Montceau-les-Mines à lui verser la somme de 320 000 euros au titre du préjudice économique, assortie des intérêts, la somme de 5 681 euros au titre des frais de l'expertise amiable et la somme globale de 12 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans les instances devant le Tribunal et la Cour ;

Il soutient que : l'hôpital a commis une première faute de diagnostic, lors de sa première admission ; une seconde faute a été commise lors de la seconde consultation, consistant en un défaut d'appréciation de la fracture, un manquement à la réalisation d'examens complémentaires, radiographies et scanner, une troisième erreur de diagnostic lors de la réalisation tardive de l'ostéo-synthèse ; ses arrêts de travail se sont succédés, le mettant dans l'impossibilité de recruter une personne qualifiée pour le remplacer ; cette impossibilité de planifier ses absences a eu des conséquences sur l'activité de production et l'activité d'aménagement paysager ; il a bien procédé au recrutement de personnel supplémentaire non qualifié, lorsque le besoin s'est révélé ; il a été dans l'obligation de prendre un expert judiciaire afin de chiffrer son préjudice économique ;

Vu, enregistré le 17 janvier 2007, un mémoire en défense, présenté pour le centre hospitalier de Montceau-les-Mines, tendant à la confirmation du jugement du Tribunal et au rejet des demandes de M. A ;

Il soutient que : l'indemnisation du préjudice personnel par le Tribunal a été particulièrement favorable ; le préjudice économique allégué concerne la SARL A qui n'est pas en cause ; les notions d'excédent brut d'exploitation et le coût d'immobilisation des capitaux retenus par l'expert sont insusceptibles d'être pris en considération ; il n'est pas établi que le taux d'IPP de l'intéressé aurait créé des difficultés de travail ayant eu un impact sur le chiffre d'affaires de la société ; du 1er mars au 14 juin 2000, il n'a eu qu'une incapacité de travail d'un mois ;

Vu, enregistré le 10 mai 2007, un mémoire complémentaire présenté pour M. A tendant aux mêmes fins que sa requête, selon les mêmes moyens ; il demande, en outre au Tribunal, de statuer sur le préjudice corporel et le préjudice économique liés à l'aggravation de son état de santé, en tenant compte des conclusions des rapports d'expertise à venir ;

Il soutient que : l'activité de la SARL dirigée par lui-même n'a pas été prise en compte dans le calcul du préjudice économique des activités exercées en son nom propre ; de nouvelles complications sont apparues depuis l'enregistrement de la requête au fond et ont nécessités deux interventions chirurgicales ;

Vu, enregistré le 11 juillet 2008, un mémoire complémentaire présenté pour M. A tendant aux mêmes fins que ses écritures précédentes, selon les mêmes moyens en les précisant sur certains points ;

Il soutient que : il a déjà subi huit opérations chirurgicales ; la situation économique de ses activités s'est à nouveau dégradée en 2006 ; une procédure de redressement judiciaire a été ouverte ; la situation s'améliore compte tenu d'une baisse des approvisionnements résultant de l'arrivée à terme des cultures et aux achats réalisés dans les pays de l'Est ; il n'a été en activité que trois mois depuis le mois de décembre 2006 ; afin de pallier son incapacité permanente, il a procédé à deux embauches supplémentaires, mais leur niveau ne correspond pas au profil recherché ; il tente de recruter un chef de culture mais ne dispose pas pour l'instant de la trésorerie pour financer ce poste ;

Vu, enregistré le 10 novembre 2010, un mémoire présenté pour la société d'assurances Groupama Rhône-Alpes tendant à la condamnation du centre hospitalier de Montceau-les-Mines à lui rembourser la somme de 157 203,50 euros au titre des prestations servies à M. A, assorties de la capitalisation, ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que cette somme correspond aux prestations nouvelles résultant de l'aggravation de l'état de santé de M. A, servies postérieurement au jugement ;

Vu, enregistré le 13 janvier 2011, un mémoire complémentaire présenté pour le centre hospitalier de Montceau-les-Mines tendant au rejet des prétentions de la société d'assurances Groupama ;

Il soutient que : le dommage dont M. A a été victime est limité à la perte de chance d'éviter l'aggravation ; le taux de perte de chance devra être évalué par l'expert ; les frais de justice et autres frais d'assistance ne ressortent pas d'une évaluation indemnitaire ; ces frais ont été réglés en application d'une obligation contractuelle et doivent rester à la charge de l'assureur ;

Vu, enregistré le 15 avril 2011, un mémoire complémentaire présenté pour M. A par lequel il chiffre ses différents préjudices à la suite de l'aggravation de son état ;

Vu, enregistré le 29 avril 2011, un mémoire complémentaire présenté pour la société d'assurances Groupama Rhône-Alpes tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 144 874 euros correspondant aux prestations nouvelles résultant de l'aggravation et servies postérieurement au jugement du 26 juillet 2005, assorties de la capitalisation et des intérêts, ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 29 avril 2011, un mémoire en défense présenté pour le centre hospitalier de Montceau-les-Mines tendant au rejet des demandes de M. A formulées au titre du préjudice esthétique, de la tierce personne et de l'aménagement du véhicule, et à l'indemnisation du préjudice économique correspondant à la présence à mi-temps d'un salarié agricole de substitution par le versement d'une somme de 32 084,31 euros ;

Il soutient que : il ne conteste pas le principe de sa responsabilité ; le manquement de diagnostic relevé par l'expert ne peut être qu'à l'origine d'une perte de chance ; les douleurs pourront être évaluées à 4 000 euros ; les demandes d'indemnité pour l'assistance d'une tierce personne et l'aménagement du véhicule ne sont pas fondées ; la méthodologie retenue par l'expert économique consistant à cumuler les périodes d'arrêt pour en tirer des conclusions sur l'activité de l'entreprise n'est pas admissible ; le premier arrêt de travail n'est que faiblement imputable à l'erreur de diagnostic ; M. A pouvait poursuivre ses relations avec les fournisseurs, ses clients, son personnel et la mise en place des cultures ; seule une diminution de sa capacité de préhension doit être suppléée, et seul le surcoût lié à l'emploi d'un ouvrier agricole peut être indemnisé ; dans la mesure où M. A reconnaît que la moitié de son temps était occupé aux tâches administratives ou commerciales, le surcoût lié à une substitution de sa force de préhension correspond à la moitié du salaire d'un ouvrier agricole ;

Vu, enregistré le 24 juin 2011, un mémoire complémentaire présenté pour le centre hospitalier de Montceau-les-Mines, tendant aux mêmes fins que ses écritures précédentes, selon les mêmes moyens en les précisant sur certains points ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Vu la loi n° 94-678 du 8 août 1994 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2011 :

- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;

- les observations de Me Chevalier, avocat de M. A, de Me Boizard, avocat du centre hospitalier de Montceau-les-Mines et de Me Aubert, avocat de la société d'assurances Groupama Rhône-Alpes ;

- et les conclusions de Mme Marginean- Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, qui exerce l'activité de pépiniériste, s'est blessé au bras gauche en chutant d'un camion, le 18 mai 1999 ; qu'il a été admis le même jour au service des urgences du centre hospitalier de Montceau-les-Mines, qui a diagnostiqué une fracture simple de la tête radiale du coude gauche et a immobilisé le bras par une attelle ; que le 21 mai 1999 un plâtre lui a été posé sans qu'il soit procédé à une radiographie de contrôle ; qu'une radiographie réalisée le 10 juin 1999 a révélé une fracture complexe de la tête radiale du coude qui a rendu nécessaire une intervention chirurgicale le 16 juin 1999 ; que l'apparition d'une nécrose a conduit l'intéressé a subir le 11 janvier 2000, dans un autre établissement, une nouvelle opération aux fins de résection de la tête radiale ; que l'expert désigné par le Tribunal administratif de Dijon a estimé que le choix thérapeutique, arrêté lors de la consultation médicale du 21 mai 1999, consistant à immobiliser par un plâtre le coude de M. A n'était pas adapté à son état ; qu'un bilan radiographique aurait dû être pratiqué qui aurait conduit, en révélant la nature complexe de la fracture articulaire de la tête radiale, à réaliser sans délai la réduction avec synthèse des fragments osseux qui s'imposait ; qu'une telle intervention, pratiquée précocement, eût été de nature à prévenir le développement d'une ostéo nécrose et à éviter l'ablation de la tête radiale et les séquelles post traumatiques qui en sont résultées ; que l'ostéo-synthèse réalisée le 16 juin 1999, au plus mauvais moment de consolidation de la fracture, était, en tout état de cause, trop tardive pour éviter ces complications ; que par jugement du 21 juillet 2005, le Tribunal administratif de Dijon a considéré que l'absence de diagnostic posé le 21 mai 1999 est à l'origine d'un choix thérapeutique erroné qui a privé M. A d'une chance réelle de se soustraire aux complications qui sont apparues postérieurement et que cette faute médicale est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Montceau-les-Mines ; que le Tribunal a condamné le centre hospitalier à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation de son préjudice personnel, mais a rejeté sa demande d'indemnité au titre du préjudice économique ; que M. A, dans le dernier état de ses écritures, demande l'indemnisation de son préjudice personnel résultant de l'aggravation de son état de santé en lien avec la faute de l'hôpital, intervenue depuis le jugement du Tribunal, ainsi que l'indemnisation du préjudice économique en résultant ; que la société d'assurances Groupama Rhône-Alpes demande le remboursement des prestations servies à M. A d'un montant total de 157 203,50 euros, assorties de la capitalisation ; que le centre hospitalier de Montceau-les-Mines, qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité, conclut au rejet des prétentions de M. A et des conclusions de Groupama Rhône-Alpes ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Montceau les Mines :

Considérant que, comme il a été dit, le centre hospitalier de Montceau-les-Mines ne conteste pas le principe de sa responsabilité résultant de l'absence de diagnostic posé le 21 mai 1999, à l'origine d'un choix thérapeutique erroné ;

Considérant, toutefois, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise prescrit par la Cour, en date du 11 octobre 2007, que l'aggravation de l'état de santé de M. A est en lien avec la faute du centre hospitalier et, qu'en particulier, les interventions chirurgicales pratiquées les 6 juillet 2005, 10 décembre 2006 et 21 juin 2007 sont la conséquence directe de cette faute ; qu'il en résulte que les périodes d'incapacité subies par l'intéressé entre le 6 juillet 2005 et le 5 août 2009, date de consolidation de son état de santé, sont en relation directe avec la faute de l'hôpital ; qu'il résulte aussi du rapport d'expertise du 24 novembre 2010, que la perte de chance de M. A d'échapper aux complications d'une ostéo-synthèse, si elle avait été correctement conduite, peut être évaluée à 85 % ; que le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure ;

Considérant, par ailleurs, que les conclusions de M. A présentées devant la Cour tendant à la reconnaissance de trois fautes médicales et non pas d'une seule faute ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Dijon constituent des conclusions en déclaration de droits qui sont irrecevables ;

Sur les préjudices subis par M. A et les droits de la société d'assurance Groupama Rhône-Alpes :

En ce qui concerne le préjudice à caractère patrimonial :

Considérant que la société d'assurance Groupama Rhône-Alpes demande à la Cour de condamner le centre hospitalier de Montceau-les-Mines à lui rembourser la somme de 157 203,50 euros qu'elle a versée au titre des prestations servies dans le cadre des garanties protection corporelle et protection défense et recours ;

Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi susvisée du 5 juillet 1985 : Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux relations entre le tiers payeur et la personne tenue à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne, quelle que soit la nature de l'événement ayant occasionné ce dommage ; qu'aux termes de l'article 29 de cette même loi dans sa version issue de la loi susvisée du 8 août 1994 : Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur : 3. Les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ... 5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances ; qu'aux termes de l'article 30 de cette même loi : Les recours mentionnés à l'article 29 ont un caractère subrogatoire ; que l'article 31 de la même loi, dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, qui a implicitement abrogé les dispositions législatives contraires antérieurement applicables, dispose : Les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel./ Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle. /Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice... ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions combinées que les frais de traitement médical et de rééducation, les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances ouvrent droit à un recours subrogatoire, par détermination de la loi, contre la personne tenue à réparation ou à son assureur ; qu'ainsi, et alors même que les sommes versées par ces organismes sont définies à l'avance, elles doivent donner lieu à remboursement par la personne tenue à réparation ou son assureur, dés lors qu'elles s'analysent précisément comme des frais de traitement médical et de rééducation, des indemnités journalières ou des prestations d'invalidité au sens des dispositions précitées de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et que leur paiement est directement en lien avec l'accident subi par la victime d'un dommage résultant d'atteintes à sa personne ;

Considérant, d'autre part, qu'en application de ces même dispositions, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et de recours subrogatoires d'un tiers payeur doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant les parts qui ont été notamment réparées par des prestations d'organismes d'assurance et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par les prestations susmentionnées, le solde, s'il existe, étant réparti au marc le franc entre les différents prestataires ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels le tiers payeur ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

Considérant que parmi les différents postes de préjudice que la société d'assurance Groupama Rhône-Alpes soutient avoir indemnisé, seul les postes relatifs aux frais médicaux et de rééducation ainsi que le poste indemnités journalières sont susceptibles d'ouvrir droit au recours subrogatoire prévu par les dispositions précitées de l'article 29 ;

Quant aux dépenses de santé :

Considérant que la société d'assurance Groupama Rhône-Alpes justifie qu'elle a pris en charge des frais médicaux, d'hospitalisation, et de rééducation en lien avec la faute commise par l'hôpital pour la période comprise entre le 8 août 2005 et le 5 août 2009 d'un montant total de 38 536,32 euros ; que compte tenu de la fraction de 85 % retenue ci-dessus, il y a lieu de lui accorder le remboursement de la somme de 32 755,87 euros ; que cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2010, date de la demande de Groupama Rhône-Alpes devant la Cour ; qu'à la date à laquelle la Cour statue, les intérêts n'ayant pas couru pendant un an, la demande de capitalisation doit être rejetée ;

Considérant que M. A n'allègue pas que des dépenses de santé seraient restées à sa charge ;

Quant au préjudice économique lié à l'activité de l'entreprise individuelle de M.A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que l'aggravation de l'état de santé de M. A est en lien avec la faute du centre hospitalier et, qu'en particulier, les interventions chirurgicales pratiquées les 6 juillet 2005, 10 décembre 2006 et 21 juin 2007 sont la conséquence directe de cette faute ; que, par conséquent, les périodes d'incapacité subies par l'intéressé entre le 6 juillet 2005 et le 5 août 2009, date de consolidation de son état de santé, sont en relation directe avec la faute de l'hôpital ;

Considérant que pour évaluer le préjudice économique subi par M. A pendant ces périodes d'indisponibilité, il y a lieu de prendre en compte les activités de l'entreprise personnelle nécessitant sa participation physique, c'est à dire les activités pépinière et paysage ; qu'il n'y a pas lieu, pour procéder à cette évaluation, de retenir les chiffres proposés par l'expert financier qui sont entachés de contradictions majeures ; que M. A indique dans ses écritures que son activité manuelle représente la moitié du temps consacré à la marche de son entreprise ; que le préjudice économique subi par l'intéressé peut donc être évalué par référence au coût de recrutement d'un ouvrier agricole spécialisé, employé à mi-temps ; que, par suite, le préjudice économique résultant de l'indisponibilité de M. A entre le 6 juillet 2005 et le 5 août 2009 doit être fixé à 55 000 euros ; que, compte tenu des versements par l'assureur d'une somme de 34 513,28 euros au titre des indemnités journalières, la perte économique restant à la charge de l'intéressé s'élève à 20 486,72 euros ; que, par suite, le préjudice indemnisable, compte tenu de la fraction de 85 % retenue ci-dessus s'élève à 46 750 euros ; que cette somme devant être attribuée par préférence à la victime, il y a lieu d'accorder à M. A, au titre du préjudice économique, une somme de 20 486,72 euros et d'allouer le reliquat de la somme réparant ce préjudice, soit 26 263,28 euros, à Groupama Rhône-Alpes ; que cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2010, date de la demande de Groupama Rhône-Alpes devant la Cour ; qu'à la date à laquelle la Cour statue, les intérêts n'ayant pas couru pendant un an, la demande de capitalisation doit être rejetée ;

Considérant, en revanche, qu'il n'est pas établi que le coût d'immobilisation des capitaux propres soit en lien direct et exclusif avec la faute du centre hospitalier ; que les frais d'embauche du personnel supplémentaire ne peuvent donner lieu à une indemnisation distincte de celle du préjudice économique ; que le préjudice économique futur allégué n'a pas de caractère certain et dès lors n'ouvre pas droit à indemnité ;

Quant aux frais liés au handicap :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de M. A nécessiterait l'assistance d'une tierce personne ; qu'il n'est d'ailleurs pas établi que les dépenses afférentes à l'entretien de la maison, que l'intéressé n'est plus en mesure d'assumer personnellement, soient imputables à la faute du centre hospitalier ;

Considérant, en revanche, que M. A, compte tenu de son handicap, a dû supporter des frais supplémentaires afférents à l'achat d'un véhicule équipé d'une boîte de vitesses automatique, d'un montant de 1 900 euros ; que, compte tenu de la fraction de 85 % fixée ci-dessus, il y a lieu de lui accorder une somme de 1 615 euros ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'eu égard à son âge, au taux d'incapacité permanente de 12 % résultant de la faute de l'hôpital ainsi qu'aux périodes de déficit fonctionnel temporaire en relation avec cette faute, il sera fait une juste évaluation des troubles dans les conditions d'existence de la victime, y compris le préjudice esthétique lié à la déformation du bras et les souffrances subies, en les évaluant à 26 000 euros ; que, compte tenu de la fraction de 85 %, il y a lieu d'accorder à M. A une somme de 22 100 euros ;

Sur le total des indemnités dues par le centre hospitalier de Montceau-les-Mines :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Montceau-les-Mines doit être condamné à payer à M. A les sommes de 20 486,72 euros au titre du préjudice économique, 1 615 euros au titres des frais liés au handicap et 22 100 euros au titre du préjudice personnel, soit la somme totale de 44 201,72 euros dont il sera déduit la provision de 40 000 euros déjà versée ; que le centre hospitalier de Montceau-les-Mines doit être condamné à payer à Groupama Rhônes-Alpes les sommes de 32 755,87 euros au titre des dépenses de santé et de 26 263,28 euros au titre des indemnités journalières, soit la somme totale de 59 019,15 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2010 ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais des différentes expertises prescrites par le Tribunal administratif de Dijon et la Cour doivent être mis à la charge définitive du centre hospitalier de Montceau-les-Mines ;

Sur les autres frais :

Considérant que les frais de l'expertise amiable à laquelle M. A a recouru en vue d'évaluer son préjudice économique ont été pris en charge par Groupama Rhône-Alpes, ainsi que cela ressort de l'état des prestations versées produit par la société d'assurance ; que, dès lors, la demande de remboursement de ces frais présentée par M. A doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Montceau-les-Mines à verser à M. A et à Groupama Assurances Rhône-Alpes, chacun une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Montceau-les-Mines est condamné à payer à M. A la somme de 44 201,72 euros, ramenée à 4 201,72 euros après déduction de la provision de 40 000 euros déjà versée.

Article 2 : Le centre hospitalier de Montceau-les-Mines est condamné à payer à Groupama Rhônes-Alpes la somme de 59 019,15 euros. Cette somme porte intérêts à compter du 10 novembre 2010.

Article 3 : Le jugement susvisé est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier de Montceau-les-Mines versera à M. A et à Groupama Rhône-Alpes, chacun une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 5 : Les frais des expertises prescrites par le Tribunal administratif de Dijon et la Cour sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Montceau-les-Mines.

Article 6 : Le surplus des conclusions de M. A et de Groupama Rhône-Alpes est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christian A, au centre hospitalier de Montceau-les-Mines, à la caisse de mutualité sociale agricole de Saône et Loire et à la société d'assurances Groupama Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2011, à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2011.

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N° 05LY01633


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05LY01633
Date de la décision : 07/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: Mme Frédérique STECK-ANDREZ
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : ALAIN CHEVALIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-07-07;05ly01633 ?
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