Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. Eddy A, domicilié ... par la SCP cabinet Prieto-Gillet, société d'avocats inscrite au barreau de Tours ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0803062 du Tribunal administratif de Dijon du 30 mars 2010 rejetant le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont il a été déclaré redevable au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2003, 2004 et 2005 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités afférentes ;
Il soutient :
- qu'il n'a pas eu un débat oral et contradictoire avec le vérificateur qui n'a pas procédé à une réunion d'explication préalablement à l'envoi de la proposition de rectification ;
- que l'administration n'apporte pas la preuve que l'avis de vérification comportait les mentions obligatoires et qu'il a été adressé suffisamment à l'avance ;
- que c'est à tort que la comptabilité a été écartée, et qu'ainsi le recours aux procédures de taxation et d'évaluation d'office n'est pas justifié ;
- qu'il manquait trois annexes à la proposition de rectification du 18 décembre 2006 ; que du fait de cette absence, celle-ci n'était pas motivée et n'a donc pas pu interrompre la prescription de l'année 2003 ; qu'il appartient à l'administration de justifier du recours aux procédures de taxation et d'évaluation d'office en démontrant que les déclarations afférentes étaient tardives ;
- qu'il ressort des dispositions de l'article 279 b Bis du code général des impôts et de l'instruction 3 C-2253 que les activités de manège sont taxées au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée quelle que soit la forme juridique d'exploitation et le mode d'activité ; que les activités réalisées dans le cadre de la commande d'un client unique relèvent également de ce taux réduit de taxe ;
- que les granulats achetés ont servi à maintenir en état l'aire de stationnement de ses véhicules ; qu'il s'agit de dépenses d'entretien déductible ;
- que les pièces produites justifient le reversement d'un trop perçu au comité des fêtes de Parthenay ;
- que la somme de 19 000 euros qui a été incluse dans la reconstitution est le versement effectué par ses parents d'une somme acquise de la vente d'un terrain et non une recette professionnelle ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que l'administration n'entend pas contester le jugement en tant qu'il a prononcé la réduction en base de 27 318, 80 euros ;
- que le requérant n'apporte pas la preuve que le vérificateur, qui a continuellement maintenu le contact avec son mandataire, n'ait pas offert la possibilité d'un débat oral et contradictoire ;
- que le requérant n'apporte pas la preuve que la proposition de rectification reçue le 26 décembre 2006 par son mandataire, n'aurait pas comporté trois annexes en se bornant à faire valoir que son avocat a adressé au service des impôts une demande aux fins d'obtenir la copie des documents prétendument manquants ; que les procédures de taxation et d'évaluation d'office ayant été utilisées pour la période correspondant à l'année 2003 concernée par cette proposition de rectification, la motivation exigible était non pas celle de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, mais celle de l'article 76 de ce même code, qui ne fait obligation que d'indiquer les bases ou éléments d'imposition arrêtés d'office, les modalités de calcul et la catégorie d'imposition ; qu'à supposer les annexes absentes, la motivation était encore suffisante ; que cette proposition de rectification a valablement interrompu la prescription ;
Sur le caractère non probant de la comptabilité : que la tenue d'un livre d'inventaire est une obligation du commerce qui doit retranscrire le bilan, le compte de résultat et l'annexe, quand bien même il n'y aurait pas de stock ; que les recettes en espèces déclarées sont anormalement basses, alors que des sommes plus importantes ont été versées en liquide sur le compte professionnel et n'ont pas été déclarées en tant que telles ; qu'il y a une absence de justificatifs quant aux tickets ; que les factures d'achats des manèges ne sont pas produites ;
- que doivent être soumises au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée les prestations conclues avec un seul client pour un prix convenu à l'occasion desquelles M. A ne perçoit aucune droit d'entrée des usagers du manège ; qu'il s'agit d'une mise à disposition du matériel et du personnel nécessaire à son fonctionnement ;
- que la recette de 19 000 euros versée en espèce sur un compte professionnel le 1er février 2005 n'est appuyée par aucune attestation de don manuel du déposant, le père du requérant ; que si elle est égale au montant perçu par ce dernier pour une vente réalisée en 2002, la corrélation entre cette vente et le dépôt effectué en 2005 n'est pas établie ;
- que les granulats acquis ont servi à édifier à compter de 2003 un hangar sur un terrain appartenant au requérant ; qu'ayant eu comme contrepartie un accroissement de l'actif immobilisé de l'entreprise, la dépense ne peut être déduite du résultat de l'exercice ;
- que l'attestation de l'association des foires de Parthenay ne peut justifier la déduction d'une somme de 6 000 euros au titre d'un droit de place à défaut de toute pièce démontrant la réalité d'une précédente facturation à M. A ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 février 2011 présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 mai 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;
Il soutient, en outre :
- qu'il résulte des pièces jointes que les procédures de taxation et d'évaluation d'office sont justifiées par le dépôt tardif de déclarations par M. A ;
- que le devis et l'encaissement de la prestation en faveur de la Ville de Meaux indiquent le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2011 :
- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
Considérant que M. A exploite à titre individuel des manèges et des grandes roues foraines ; qu'il a fait, à compter du 10 juillet 2006, l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2003, 2004 et 2005 ; qu'une première proposition de rectification, portant sur l'année 2003, lui a été adressée le 18 décembre 2006, et une seconde, concernant les années 2004 et 2005, en avril 2007 ; que M. A a contesté les redressements prononcés en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs à ce contrôle ; qu'il fait appel du jugement du Tribunal administratif de Dijon en date du 30 mars en tant qu'après avoir réduit la base imposable à l'impôt sur le revenu de l'année 2004 de 27 318,80 euros, il a, par son article 2, rejeté le surplus de la demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne le débat oral et contradictoire :
Considérant que lorsque la vérification a lieu, comme il est de règle, soit dans ses propres locaux, ou, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;
Considérant qu'il est constant que M. A a demandé à ce que la vérification ait lieu au siège de L'association de défense du droit forain à Chatillon-en-Bazois et a donné mandat pour le représenter lors du contrôle à la présidente de cette association, Mme Chaumard ; qu'il n'est donc pas fondé à se plaindre de ce que sa mandataire n'aurait pas eu une connaissance suffisamment fine des conditions d'exploitation de l'entreprise ; que si M. A soutient qu'il n'y a pas eu de débat oral et contradictoire sur les pièces demandées par le vérificateur le 28 septembre 2006 dès lors qu'à la date de la dernière réunion sur place, le 5 octobre 2006, il n'avait pas encore été en mesure de rassembler les documents demandés et ne les a transmis qu'ultérieurement, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des propositions de rectification, qu'aucun document fourni après cette dernière rencontre n'impliquait, eu égard à sa teneur, à sa portée ou à son usage, la réouverture de ce débat ; que le moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne la régularité de l'avis de vérification :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : Un examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) ;
Considérant que si M. A soutient que l'administration n'apporte pas la preuve que l'avis de vérification qui lui a été adressé comporterait les mentions prévues à l'article L. 47 précité du livre des procédures fiscales, il résulte de l'instruction que l'administration a adressé le 7 juin 2006 un avis de vérification qui a été reçu le 8 juin ; que la copie de cet avis comporte les mentions obligatoires et notamment la date du début de la vérification, l'indication de la possibilité de se faire assister d'un conseil et fait état de la présence, en pièce jointe, d'un exemplaire de la charte du contribuable vérifié ; que, dès lors et sauf à M. A à justifier que l'original qu'il détient ne comporterait pas les mêmes mentions, l'argumentation sur ce point du requérant ne peut être que rejetée ;
En ce qui concerne la régularité du recours aux procédures d'imposition d'office :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration, pour justifier de l'application à son encontre des procédures d'évaluation d'office et de taxation d'office prévues aux articles L. 66 et L. 76 du livre des procédures fiscales ne s'est pas fondée sur le rejet de sa comptabilité mais sur la tardiveté du dépôt de ses déclarations ; que, par ailleurs, l'administration justifie qu'au titre de l'année 2003, les déclarations relatives à l'impôt sur le revenu et à la taxe sur la valeur ajoutée n'ont été produites que le 24 juin 2004, soit après l'expiration du délai fixé au 3 mai 2004 et au-delà du délai de 30 jours de régularisation qu'elle lui avait donné dans la mise en demeure qui lui a été adressée le 22 mai 2004 et que, par suite, elle était fondée à faire application des procédures dont s'agit ; que, dès lors, l'argumentation sur ce point de M. A doit être écartée ;
En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification du 18 décembre 2006 :
Considérant que le requérant soutient que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 18 décembre 2006 ne comportait pas les trois annexes qu'il n'a obtenu qu'au cours du mois de janvier 2007 et que, par conséquent, étant insuffisamment motivée, elle n'a pas pu interrompre la prescription de l'année 2003 ; que, toutefois, les procédures de taxation et d'évaluation d'office ayant été régulièrement mises en oeuvre, la motivation de cette proposition de rectification relevait non des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales mais de celles de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, lesquelles exigent seulement l'indication des bases imposables retenues et des modalités de leur détermination ; qu'il ressort de l'examen du corps de cette proposition que celui-ci comporte tant les bases des redressement que les modalités de leur calcul ; que, dès lors, à supposer même que l'envoi du 18 décembre 2006 n'aurait pas comporté les trois annexes, la partie principale de cette proposition de rectification répondait par elle-même aux exigences de l'article L. 76 susmentionné et a ainsi valablement interrompu la prescription pour l'année 2003 ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité :
Considérant qu'eu égard notamment à l'absence de livre d'inventaire, à l'absence de justificatifs des recettes procurées par la vente des tickets, à la faiblesse des recettes espèces au regard de l'activité exercée et à la circonstance qu'aucune recette en espèces n'était enregistrée en comptabilité pour des mois où l'entreprise de M. A avait cependant eu une activité foraine alors même que des sommes importantes étaient par ailleurs versées en espèces sur des comptes professionnels du requérant, c'est à bon droit que l'administration a écartée la comptabilité présentée comme étant dépourvue de valeur probante ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 279 du code général des impôts : La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5, 50 % en ce qui concerne : / (...) b bis ) Les spectacles suivants : I (...) jeux et manèges forains à l'exception des appareils automatiques autres que ceux qui sont assimilés à des loteries foraines en application de l'article 7 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries ;
Considérant que, pour soumettre au taux de 19,6 % et non au taux de 5,5 % certaines prestations réalisées par M. A, l'administration a considéré que lorsque le requérant passait un contrat avec un organisateur de festivités pour installer ses équipements et que sa rémunération provenait alors, non pas du public bénéficiaire, mais du contractant, la prestation réalisée ne pouvait être regardée comme une activité de manège forain au sens des dispositions précitées de l'article 279 relevant du taux réduit de taxe mais comme une prestation de mise à disposition du matériel et du personnel nécessaires à son fonctionnement imposable au taux normal ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte des contrats dont s'agit par lesquels M. A met une de ses grandes roues à la disposition de clients tels que des supermarchés ou des collectivités territoriales dans le cadre de manifestations publiques ou privées, que si l'intéressé est rémunéré uniquement par le paiement d'un prix convenu avec ces clients indépendamment de la fréquentation effective du manège, il reste responsable de l'acheminement, du montage et du démontage du matériel, en assure l'entretien, le fonctionnement journalier sans l'aide de personnel, la mise en conformité et contrôle la sécurité de l'installation ; que, par suite, ladite prestation doit être regardée comme relative à un manège forain au sens des dispositions précitées de l'article 279 du code général des impôts ; que, par ces dispositions, le législateur doit être regardé comme ayant entendu soumettre au taux réduit les activités énumérées au b bis ) de cette article, et notamment les jeux et manèges forains en raison de la seule nature de ces activités, et non en fonction du mode de rémunération de l'entreprise qui assure la prestation ; qu'ainsi M. A est fondé à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ce chef de redressement ;
En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :
Considérant, en premier lieu, que M. Daniel Ouvrard, père du requérant, a versé sur le compte professionnel de son fils, le 1er février 2005, la somme de 19 000 euros ; qu'eu égard à la nature professionnelle de ce compte et dès lors que M. Daniel Ouvrard apportait son concours à l'activité de son fils, l'administration était fondée à présumer ce versement comme relatif à des recettes professionnelles ; que si le requérant soutient qu'il s'agirait d'un apport effectué par ses parents en remploi du prix de vente d'une propriété, il ne l'établit pas, eu égard notamment à la date de cette cession intervenue le 28 mars 2002 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient à l'entreprise qui entend déduire des charges du bénéfice imposable d'en établir la réalité, la nature ainsi que le principe même de leur déductibilité ; qu'il résulte de l'instruction que M. A a fait édifier à compter de 2003 un hangar sur un terrain acquis à Sorigny ; qu'il a déduit au titre de cet exercice une somme de 10 172 euros correspondant à l'achat de granulats ; que s'il soutient que cette dépense n'a pas contribué à l'édification du hangar comme l'a retenu le vérificateur mais a eu seulement pour objet de combler les ornières du terrain sur lequel stationnaient ses camions durant les périodes de non-activité, et doit, de ce fait, être regardée comme une dépense immédiatement déductible, il n'apporte à l'appui de son allégation aucun élément, tel que par exemple la date de premier établissement de cette aire de stationnement et la cohérence entre les quantités de matériaux achetées et la surface à entretenir ;
Considérant, enfin, que, par les documents qu'il verse au dossier, M. A n'établit pas que la somme de 6 000 euros versée à l'association des fêtes de Parthenay présentait une utilité pour l'entreprise ; que, par suite, le rejet de cette somme ne peut être que maintenu ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande en décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'application du taux normal à certaines de ses prestations ;
DECIDE :
Article 1er : M. A est déchargé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutif à l'application du taux normal de taxe à certaines de ses prestations.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 3 : Le jugement est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Eddy A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2011 à laquelle siégeaient :
M. Duchon-Doris, président de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
M. Raisson, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2011.
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N° 10LY01558
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