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28/06/2011 | FRANCE | N°09LY01825

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 28 juin 2011, 09LY01825


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 28 juillet 2009, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER ;

Le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700500 du 5 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, a d'une part, annulé la décision du 23 janvier 2007 de l'inspecteur du travail des transports confirmant l'avis d'inaptitude de M. Edouard A prononcé par le médecin du travail le 11 décembre 2006 et, d'aut

re part, mis à la charge de l'Etat les frais de l'expertise médicale o...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 28 juillet 2009, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER ;

Le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700500 du 5 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, a d'une part, annulé la décision du 23 janvier 2007 de l'inspecteur du travail des transports confirmant l'avis d'inaptitude de M. Edouard A prononcé par le médecin du travail le 11 décembre 2006 et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat les frais de l'expertise médicale ordonnée par jugement avant-dire droit du 26 juin 2008 ;

2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

3°) de ne pas mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise ;

Le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER soutient que:

- le Tribunal a estimé à tort que M. A était apte à l'emploi de contrôleur de train comme accompagnateur sans obligation de participer à d'éventuelles missions de sécurité en excluant apparemment les fonctions commerciales, alors que les fonctions d'accompagnement constituent des fonctions de sécurité ;

- l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. A était inapte aux fonctions de sécurité, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, et en déclarant ce salarié inapte aux fonctions de sécurité inhérentes à l'emploi de contrôleur ;

- M. A ne saurait soutenir qu'il était apte sans réserve à cet emploi de contrôleur ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu enregistré le 16 avril 2010, le mémoire en défense présenté pour M. Edouard A, qui conclut au rejet du recours et demande de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens y compris les frais d'expertise ;

Il soutient que :

- le ministre ne démontre pas que les fonctions de contrôleur comportent des missions de sécurité ;

- c'est à bon droit que le Tribunal a dissocié les différentes fonctions du poste de contrôleur en estimant qu'il pouvait exercer la fonction de contrôleur de trains à l'exception des éventuelles missions de sécurité prétendument liées à ce poste ;

- le ministre ne caractérise pas les missions de sécurité dévolues au poste de contrôleur et il n'est pas établi que ces missions soient incompatibles avec la malformation dont il souffre ;

Vu l'ordonnance du 16 juillet 2010 fixant la clôture d'instruction au 20 août 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire enregistré le 30 juillet 2010, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les contrôleurs ont un rôle à la fois dans le service aux clients et dans la sécurité de la clientèle et des circulations ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code du travail ;

Vu l'arrêté du 30 juillet 2003 relatif aux conditions d'aptitude physique et professionnelle et à la formation du personnel habilité à l'exercice de fonctions de sécurité sur le réseau ferré national ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2011 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les observations de Me Favre, représentant M. Edouard A ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Favre ;

Considérant que M. Edouard A exerçait les fonctions de conducteur de train à la SNCF depuis le 1er décembre 1983 ; qu'à la suite notamment d'une IRM cérébrale pratiquée le 27 juin 2006, une malformation artério-veineuse cérébrale fut détectée ; qu'eu égard à son volume et à l'absence de saignement, le corps médical ne préconisa pas de traitement mais une surveillance médicale ; que, le 3 octobre 2006, lors de la reprise de ses fonctions, le médecin du travail l'a déclaré inapte à la conduite, mais apte à la sécurité en évitant les efforts de soulèvement supérieurs à 10 kilos ; que ce médecin, par un avis du 19 octobre 2006, a confirmé ses conclusions précédentes ; que, par un nouvel avis en date du 11 décembre 2006, confirmé le 26 décembre 2006, ce même médecin du travail l'a déclaré inapte définitif à la conduite et à la sécurité, apte santé mais inapte définitif à la manutention de charges supérieures à 10 kilos ; que M. A a contesté cet avis devant l'inspecteur du travail ; que, par une décision en date du 23 janvier 2007, qui s'est substituée à l'avis du médecin du travail, le directeur adjoint du travail et des transports faisant fonction d'inspecteur du travail a, après avis émis par le médecin inspecteur du travail le 22 janvier 2007, estimé que la pathologie de M. A n'était pas compatible avec un poste de conducteur ou de contrôleur, et a confirmé l'avis d'inaptitude émis le 11 décembre 2006 par le médecin du travail ; que M. A, qui ne contestait pas l'avis d'inaptitude à la conduite des trains, a demandé au Tribunal l'annulation de cette décision au motif qu'il était apte à assurer la fonction de contrôleur ; que, le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT relève appel du jugement du 5 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, d'une part, annulé cette décision du 23 janvier 2007 de l'inspecteur du travail des transports au motif qu'elle était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de ce que M. A était apte à l'emploi de contrôleur de train comme accompagnateur sans obligation de participer à d'éventuelles missions de sécurité et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat les frais de l'expertise médicale ordonnée par jugement avant-dire droit du 26 juin 2008 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 241-10-1 du code du travail dans sa numérotation alors en vigueur : Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé des travailleurs. Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin inspecteur du travail ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A était porteur d'une malformation artério-veineuse cérébrale, et souffrait de quelques céphalées intermittentes et d'anomalies du champ visuel du fait d'une quadranopsie inférieure latérale homonyme gauche se caractérisant par une diminution de la vue d'un quart du champ visuel ; que, bien qu'extrêmement faibles, les risques de crises d'épilepsie, ainsi que de saignement à la suite d'une rupture de la malformation avec hémorragie cérébrale pouvant être foudroyante, ne pouvaient être totalement écartés ; que, compte tenu de son état de santé, M. A devait notamment éviter les traumatismes crâniens, ainsi que les efforts de soulèvement brusques et l'hypertension artérielle ; que M. A, qui ne conteste pas son inaptitude aux fonctions de conducteur de train ou à la manutention de charges supérieures à 10 kg, soutient qu'il était apte à assurer les fonctions de contrôleur de train, et notamment la fonction d'agent d'accompagnement assurée par certains contrôleurs de bord en plus de leurs attributions commerciales ; que, toutefois, comme le fait valoir le MINISTRE, le métier de contrôleur de train , outre les missions commerciales et d'assistance qui lui sont dévolues comme celles d'accueillir, aider et renseigner la clientèle ou de vendre des titres de transports, implique nécessairement, en sa qualité d'agent d'accompagnement , d'assurer des missions de sécurité, dont l'assistance au conducteur ; qu'il doit être ainsi capable d'assurer des tâches essentielles à la sécurité des passagers, lesquelles tâches et aptitudes sont notamment définies par l'arrêté du 30 juillet 2003 susvisé et ses annexes II et XV ; qu'elles comprennent notamment la tâche d'assurer la sécurité des personnes lors de l'évacuation d'un train vis-à-vis des autres circulations, mais aussi celles d'arrêter et d'immobiliser le train en cas de défaillance du conducteur, ou encore d'assurer, en se mettant à la disposition du conducteur, la protection d'un obstacle inopiné, la protection arrière du train ; que, comme pour la conduite de trains, son état de santé s'avérait incompatible avec la nécessité d'assurer la mise en sécurité d'autrui ; que, par ailleurs, par ses missions, dont le contrôle des passagers et une présence dissuasive pour assurer la sécurité des usagers notamment contre les risques d'agression, le contrôleur de train est soumis à de tels risques, alors que l'état de santé de l'intéressé peut s'aggraver dangereusement en cas de traumatisme crânien ; que, dans ces conditions, en estimant que M. A était non seulement inapte à la conduite et à la manutention de charges supérieures à 10 kilos , mais aussi à la sécurité et aux fonctions de contrôleur de train qui impliquaient nécessairement la mise en oeuvre de mesures de sécurité d'autrui et généraient un risque particulier pour M. A, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il s'ensuit que le MINISTRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler cette décision du 23 janvier 2007 de l'inspecteur du travail des transports, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce qu'elle était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A Belgasmi tant en première instance qu'en appel ;

Considérant que M. A soutient que l'inspecteur du travail, comme le médecin du travail, n'ont pas statué au vu de son entier dossier alors que les clichés IRM étaient en sa seule possession et qu'aucune demande ne lui a été adressée ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier, et des termes mêmes de la décision attaquée qui mentionne chacun des avis, que l'inspecteur du travail a examiné l'ensemble des avis médicaux émis par le médecin du travail et les médecins spécialistes qui ont eu à examiner M. A ; que l'inspecteur du travail s'est aussi fondé sur l'avis émis, conformément aux dispositions de l'article L. 241-10-1 précité, par le médecin inspecteur du travail le 22 janvier 2007 après examen dudit dossier médical de l'intéressé ; qu'il appartenait à M. A, s'il l'estimait utile, de transmettre à l'administration tout élément supplémentaire relatif à son état de santé ; que, par suite, et alors même que les clichés IRM n'étaient pas en leur possession, l'inspecteur du travail et le médecin inspecteur ont procédé à un examen particulier et éclairé de sa situation à partir de l'ensemble des avis médicaux émis sur son état de santé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 23 janvier 2007 de l'inspecteur du travail des transports confirmant l'avis d'inaptitude de M. A prononcé par le médecin du travail le 11 décembre 2006 ;

Sur les frais d'expertise de première instance:

Considérant que, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, la charge définitive des frais d'expertise du docteur Flori, taxés et liquidés à la somme de 300 euros par l'ordonnance du président du Tribunal en date du 27 mars 2009, doit être répartie à part égale entre l'Etat et M. A ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est, dans la présente instance, ni la seule partie tenue aux dépens, ni la partie perdante, soit condamné à payer à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0700500 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 5 juin 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise de première instance liquidés à la somme de 300 euros sont mis à la charge de l'Etat à concurrence de 150 euros et à la charge de M. A à concurrence de 150 euros.

Article 4 : Les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et à M. Edouard A.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2011, où siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 28 juin 2011.

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N° 09LY01825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01825
Date de la décision : 28/06/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Travail et emploi - Institutions du travail - Administration du travail - Inspection du travail.

Travail et emploi - Conditions de travail - Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : SCP ATHOS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-06-28;09ly01825 ?
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