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23/06/2011 | FRANCE | N°10LY01837

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 23 juin 2011, 10LY01837


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Gérard A, domicilié ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803168 du Tribunal administratif de Lyon du 25 mai 2010 rejetant leur demande en décharge des intérêts de retard afférents aux rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2004 à 2006 à raison des sommes réputées distribuées à leur profit par la société anonyme (SA) L'Art de Construire ;

2°) de pronon

cer la décharge des pénalités litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à leur pr...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Gérard A, domicilié ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803168 du Tribunal administratif de Lyon du 25 mai 2010 rejetant leur demande en décharge des intérêts de retard afférents aux rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2004 à 2006 à raison des sommes réputées distribuées à leur profit par la société anonyme (SA) L'Art de Construire ;

2°) de prononcer la décharge des pénalités litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à leur profit, la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que l'administration ne peut pas faire jouer la présomption de distribution de l'article 111 a du code général des impôts sans avoir au préalable démontré que les sociétés civiles immobilières (SCI) ont tenu le rôle de sociétés interposées ;

- qu'il appartient à l'administration de démontrer que les avances consenties par la SA L'Art de Construire n'ont pas été accordées dans le cadre de relations commerciales normales ou qu'il n'existe pas de contrepartie réelle à ces avances ;

- que la décision du Conseil d'Etat du 26 février 1992, n° 86511, Brunel, ne peut être transposée dans la mesure où, dans cette affaire, le requérant, parce qu'il avait accepté les redressements, supportait la charge de la preuve du caractère anormal des relations entre la société civile immobilière bénéficiaire et la société ; que le tribunal a commis une erreur en leur faisant supporter la charge de prouver que les avances aux sociétés civiles immobilières n'étaient pas des avances à des sociétés interposées au sens de l'article 111 a du code général des impôts ;

- qu'outre le cas des appels de fonds des sociétés civiles de construction-vente prévu par l'article L. 211-3 du code de la construction et de l'habitation, la participation d'un associé au financement des dépenses de la société au-delà de ses droits dans le capital n'a pas pour conséquence de modifier la répartition des résultats entre les associés, ni celle de leur obligation aux dettes ; qu'il n'en va autrement que si les avances ne sont pas rémunérées normalement ou si le prêteur a renoncé à être remboursé ou encore si le patrimoine de la société civile immobilière n'est pas en mesure de permettre le règlement du passif ;

- que la SA L'Art de Construire est le seul associé des sociétés civiles immobilières qui entretienne avec elles des relations commerciales qui lui rapportent des revenus par la facturation des prestations de gestion ;

- que le taux d'intérêt auquel la SA L'Art de Construire consent ses avances aux sociétés civiles immobilières est normal ;

- que ces intérêts sont comptabilisés ;

- que les dépenses de la SA L'Art de Construire enregistrées au compte 261 sont des dépenses de participation et non des avances aux sociétés civiles immobilières ;

- que les prêts accordés par la SA L'Art de Construire à des sociétés dont elle n'est pas associée relève de son intérêt commercial ;

- qu'en tout état de cause, la doctrine administrative admet que la preuve contraire exigée par l'article 111 a se trouve apportée dès l'instant où les sommes prêtées ont donné lieu au versement d'intérêts comptabilisés par la société avant la vérification ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la requête est sans objet en ce qu'elle concerne les sommes inscrites au compte " titres de participations " ;

- que les avances sont destinées à pallier l'absence ou l'insuffisance d'apports de fonds en provenance des associés des sociétés civiles immobilières ;

- que les requérants n'établissent pas que les sociétés civiles immobilières auraient financé leurs immeubles au moyen de prêts bancaires ;

- que les avances litigieuses ne peuvent être regardées comme ayant un caractère normal quand elles s'adressent aux sociétés dans lesquelles la SA L'Art de Construire n'a pas de participation ; que la jurisprudence estime également que constituent des revenus distribués les sommes " prêtées " par une société à une société civile immobilière composée de ses associés et qui n'avaient pas été remboursées quatre ans après en l'absence de toute démarche pour obtenir ce remboursement et de toute convention de nature à établir un véritable prêt ;

- que les requérants n'établissent pas qu'il s'agit d'un prêt en bonne et due forme ayant date certaine et ne produisent pas les contrats fixant la rémunération que les sociétés civiles immobilières verseraient à la SA L'Art de Construire ;

- que les sociétés civiles immobilières n'ont pas versé d'intérêts à la SA L'Art de Construire avant le contrôle fiscal ;

- que le Conseil d'Etat a posé le principe selon lequel les avantages consentis à une société de personne doivent être regardés comme appréhendés par les associés d'une telle société ;

- que les requérants ne remplissent pas les conditions posées par la doctrine 4 J-1212 n° 22 du 1er novembre 1995 car, si les avances ont donné lieu à la comptabilisation d'intérêts, ceux-ci n'ont pas été versés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 mai 2011, présenté pour M. et Mme A qui concluent aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Ils soutiennent, en outre :

- que les termes de l'article L. 211-3 du code de la construction et de l'habitation ne font pas obligation aux sociétés de construction-vente de financer les programmes immobiliers qu'elles réalisent uniquement par appel de fonds auprès de leurs associés ; que les sociétés dont M. et Mme A sont associés n'ont pas procédé à de tels appels de fonds ; que l'obligation, pour les associés des sociétés de construction-vente, de participer au passif social à proportion de leurs droits sociaux ne fait pas obstacle à ce que ces sociétés optent pour d'autres modes de financement ;

- que l'administration ne démontre pas que la SA L'Art de Construire aurait commis un acte anormal de gestion du seul fait d'avoir consenti des avances de fonds excédant sa participation dans le capital des sociétés civiles immobilières ;

- que les pièces jointes montrent que les opérations ont, pour une part importante, été financées par des crédits bancaires ; que seules deux sociétés civiles immobilières ont perçu des avances de la SA L'Art de Construire alors que cette dernière n'en était pas associée ; que c'est par erreur qu'elle a consenti une avance de 2 500 euros à la SCI SKS ;

- que, s'agissant de la SCI Chronomans, l'avance consentie par la SA L'Art de Construire a porté sur le dépassement du budget prévisionnel ;

- que les documents produits montrent que la SA L'Art de Construire a perçu des honoraires des sociétés civiles immobilières au capital desquels elle participe ;

- que les circonstances de l'affaire jugée par le Tribunal administratif de Dijon le 5 mai 1998 sont différentes ; qu'il en est de même de celle jugée par le Tribunal administratif de Nantes le 25 octobre 2005 ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mai 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient, en outre :

- que les documents produits relatifs aux prêts bancaires souscrits par les sociétés civiles immobilières portent, à l'exception d'un seul, sur des périodes étrangères à celle contrôlée ;

- qu'aucun contrat relatif aux avances n'a été produit ;

- que les conditions relatives à la construction d'un centre de tri ne sont pas établies ;

- qu'à défaut de preuve de l'existence de relations commerciales normales ou d'une contrepartie réelle et suffisante, les sommes avancées sont imposables sur le fondement de l'article 111 a du code général des impôts ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mai 2011, présenté pour M. et Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2011 :

- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;

- les observations de Me Devis, avocat de M. et Mme A ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Devis, avocat de M. et Mme A ;

Considérant que la SA L'Art de Construire, dont le dirigeant et principal actionnaire est M. A, a consenti des avances à des sociétés civiles immobilières dont celui-ci était associé ; qu'à la suite d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme A, portant sur les années 2002 et 2003 et d'un contrôle sur pièces relatif à l'année 2004, l'administration a, sur le fondement du a de l'article 111 du code général des impôts, rehaussé leurs bases d'imposition à l'impôt sur le revenu desdites années en regardant les sommes avancées par la SA L'Art de Construire aux sociétés civiles immobilières comme des distributions au profit de M. A à concurrence de ses participations dans ces sociétés civiles immobilières ; que, sur la réclamation des intéressés et après remboursement des avances litigieuses, l'administration a prononcé le dégrèvement de l'intégralité des droits rappelés en principal, mais a refusé de restituer les intérêts de retard, en se fondant sur le II de l'article 49 ter de l'annexe III au code général des impôts ; que M. et Mme A font appel du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 25 mai 2010 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des intérêts de retard dont ont été assorties les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 à 2004 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) " ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. Nonobstant toutes dispositions contraires, lorsque ces sommes sont remboursées postérieurement au 1er janvier 1960, à la personne morale qui les avait versées, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est restituée aux bénéficiaires ou à leurs ayants cause dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 bis de l'annexe III au même code : " Tout remboursement fait depuis le 1er janvier 1960 et portant sur des sommes qui, lors de leur versement à titre d'avances, prêts ou acomptes par une personne morale visée à l'article 108 du code général des impôts, ont été considérées comme revenus distribués en application du a de l'article 111 dudit code (...) ouvre droit, dans les conditions fixées par les articles 49 ter à 49 sexies, à la restitution au profit du bénéficiaire des avances, prêts ou acomptes ou de ses ayants cause, des impositions auxquelles le versement a donné lieu (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque le contribuable a remboursé, après le 1er janvier 1960, des sommes mises à sa disposition dans les conditions prévues à l'article 111 précité, il ne peut obtenir le dégrèvement que des droits en principal auxquels il avait été imposé au titre de l'année où lesdites sommes avaient été mises à sa disposition, à l'exclusion de tous intérêts et indemnités de retard, majorations de droits et amendes fiscales ; que, pour obtenir la restitution des intérêts de retard, le bénéficiaire des avances doit établir que ces dernières n'avaient pas le caractère de revenus distribués au sens de l'article 111 a du code général des impôts ;

Considérant que M. A est l'associé de nombreuses sociétés civiles immobilières ; qu'il est également le président-directeur général et principal associé de la SA L'Art de Construire, laquelle effectue des prestations de services au profit des sociétés immobilières dont M. A est par ailleurs associé ; que, très fréquemment, la SA L'Art de Construire détient également une participation dans ces mêmes sociétés civiles immobilières ; qu'elle effectue également des avances de fonds aux sociétés dont M. A est le gérant ;

Considérant que, dans le cadre du contrôle du foyer fiscal de M. et Mme A, le vérificateur a estimé que, pour la part qui dépasse sa participation dans la société civile immobilière, le prêt consenti par la société anonyme à chacune des sociétés civiles immobilières constituait une distribution indirecte en faveur de M. A, à hauteur de la participation de ce dernier dans la société civile immobilière concernée ; qu'il est constant que les sociétés ont, alors que le contrôle était déjà entrepris, remboursé les avances consenties par la SA l'Art de Construire et qu'en conséquence, M. et Mme A ont été déchargés du principal des rappels mis à leur charge au titre de ces revenus distribués ; qu'ils demandent à la Cour d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lyon qui a rejeté leur demande en décharge des intérêts de retard dont ces rappels étaient assortis ;

Considérant que les rappels correspondant aux participations prises par la SA L'Art de Construire et inclus dans les impositions contestées ont fait l'objet d'un dégrèvement préalablement au dépôt de la requête ; que, dans cette mesure, les conclusions des requérants sont sans objet ;

Considérant que pour démontrer, ainsi qu'ils en ont la charge, que les sommes " prêtées " par SA L'Art de Construire aux sociétés civiles immobilières dont M. A était associé ne constituaient pas des revenus distribués par personne interposée, les requérants soutiennent d'abord que la SA L'Art de Construire avait un intérêt propre à ce que les opérations de construction ou de gestion immobilière menées par les sociétés civiles immobilières se déroulent dans les meilleures conditions parce que lesdites sociétés civiles immobilières lui confiaient le soin, moyennant honoraires, soit de mener à bien les constructions, soit de gérer les immeubles ; que, toutefois, si les requérants ont versé aux débats quelques factures d'honoraires, ils n'ont pas produit des conventions conclues entre la SA L'Art de Construire et les sociétés civiles immobilières ; que, s'il est allégué que les avances de fonds de la SA L'Art de Construire étaient rémunérées et même que les intérêts étaient comptabilisés, il n'est pas contesté que ces intérêts n'étaient pas versés et que la société anonyme n'a procédé à aucune diligence pour les recouvrer, ce qui constitue non pas des relations commerciales normales, mais un avantage constitutif de revenu distribué au bénéfice, par les sociétés civiles immobilières interposées, de M. A ; que, par suite, ce dernier n'est pas fondé à demander le remboursement des intérêts de retard restant en litige ;

Considérant enfin que M. et Mme A ne peuvent invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les termes de l'instruction administrative 4 J-1212 n° 22 du 1er novembre 1995, qui fait du versement effectif des intérêts préalablement au contrôle la condition du renversement de la présomption de distribution instituée par l'article 111 a précité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Gérard A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2011 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président,

M. Raisson et Mme Besson-Ledey, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 23 juin 2011.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01837
Date de la décision : 23/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: M. Denis RAISSON
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-06-23;10ly01837 ?
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