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09/06/2011 | FRANCE | N°09LY02169

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 juin 2011, 09LY02169


Vu I°), sous le n° 09LY02169, la requête, enregistrée le 14 septembre 2009, présentée pour Mme Juliette A, domiciliée au ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 080143, en date du 3 février 2009, en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, statuant avant-dire droit sur sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les préjudices résultant d'un accident de voiture dont elle a été victime le 10 février 2006, a jugé qu'elle avait commis une faute exonératoire à hauteur de 50 % ;

2°) de retenir l'enti

ère responsabilité de l'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 eur...

Vu I°), sous le n° 09LY02169, la requête, enregistrée le 14 septembre 2009, présentée pour Mme Juliette A, domiciliée au ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 080143, en date du 3 février 2009, en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, statuant avant-dire droit sur sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les préjudices résultant d'un accident de voiture dont elle a été victime le 10 février 2006, a jugé qu'elle avait commis une faute exonératoire à hauteur de 50 % ;

2°) de retenir l'entière responsabilité de l'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- sa requête d'appel n'est pas tardive ;

- elle n'a pas commis de faute partiellement exonératoire, la responsabilité de l'Etat au titre du défaut d'entretien normal de la route nationale étant entière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que la requérante a commis une faute partiellement exonératoire à hauteur de 50 % ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 février 2010, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Loire ; elle conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que c'est à bon droit que le Tribunal a retenu une faute exonératoire à hauteur de 50 % ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2010, présenté pour Mme A ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 avril 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ; il conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 août 2010, présenté pour Mme A ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu II°), sous le n° 10LY02051, la requête, enregistrée le 23 août 2010, présentée pour Mme Juliette A, domiciliée au ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800143, en date du 11 juin 2010, en tant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, statuant définitivement sur sa demande, a limité la somme que l'Etat a été condamné à lui verser au titre de ses préjudices corporels à un montant de 50 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions restant en litige de sa demande ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 3 315 917,82 euros, outre intérêts au taux légal à compter du dépôt de la présente requête et capitalisation des intérêts ;

3°) de décider une expertise pour évaluer les frais d'adaptation de son logement aux contraintes de son handicap ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le Tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en statuant sans l'avoir invité à chiffrer définitivement ses conclusions indemnitaires, alors qu'elle n'avait indiqué qu'un chiffrage provisionnel ;

- elle est recevable à indiquer le chiffrage définitif de son préjudice devant la Cour ;

- c'est à tort que le Tribunal lui a opposé l'autorité de la chose jugée avant-dire droit pour lui refuser l'expertise architecturale qu'elle sollicitait ;

- elle a gardé à sa charge des dépenses de santé et dû supporter des frais divers et des pertes de revenus professionnels ;

- elle devra supporter des dépenses de santé, des frais liés au handicap et des pertes de revenus professionnels ; une expertise permettra d'évaluer les frais de logement adapté ;

- elle a subi et continuera à subir des préjudices personnels.

Vu le jugement attaqué ;

Vu le courrier, en date du 4 avril 2011, invitant Mme A à régulariser sa requête en chiffrant définitivement son préjudice ;

Vu les mémoires, enregistré le 5 avril 2011, présentés pour Mme A ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute qu'elle a procédé au chiffrage de son préjudice et qu'elle ne peut fixer en l'état le coût définitif d'aménagement de son logement, au-delà des montants déjà indiqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2011, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le Tribunal n'était pas tenu de surseoir à statuer en attendant que la Cour se soit prononcée sur le jugement avant-dire droit ;

- l'expertise médicale demandée ayant été décidée, le Tribunal n'était pas tenu d'inviter la requérante à chiffrer son préjudice ;

- le Tribunal avait déjà statué sur la demande d'expertise architecturale dans le jugement avant-dire droit ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables comme nouvelles en appel ;

- subsidiairement, les sommes demandées sont excessives et non justifiées.

Vu le mémoire, enregistré le 13 mai 2011, présenté pour Mme A ; elle conclut :

- à ce que la somme qui lui sera allouée soit portée au montant total de 3 761 310,90 euros ;

- pour le surplus, aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les pièces dont il résulte que la CPAM de la Haute-Loire, qui n'a pas produit d'observations dans cette affaire, a été régulièrement mise en cause ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'arrêté du 10 novembre 2010, relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2011 :

- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;

- les observations de Me Rey, avocat de Mme A ;

- les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

- et les nouvelles observations de Me Rey, avocat de Mme A ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que Mme A a été victime d'un accident de voiture sur la RN 88 le 10 février 2006 ; que, par le premier jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a jugé que l'Etat avait engagé sa responsabilité à son égard au titre du défaut d'entretien normal de la voie, mais que Mme A avait elle-même commis une faute exonératoire à hauteur de 50% ; que, par le même jugement, il a condamné l'Etat à verser à Mme A une somme de 5 061,50 euros au titre d'une partie de ses préjudices matériels et a désigné un expert pour évaluer son préjudice corporel, en lui allouant une provision de 50 000 euros ; que, par le second jugement attaqué, rendu au vu notamment du rapport de l'expert, le même Tribunal a condamné l'Etat à verser, d'une part à Mme A la somme de 50 000 euros, d'autre part à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Loire la somme de 397 733,35 euros ;

Considérant que les deux requêtes de Mme A sont dirigées contre chacun des deux jugements susmentionnés ; qu'elles présentent à juger des questions liées entre elles ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 09LY02169 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de gendarmerie en date du 10 février 2006, que Mme A, qui circulait sur la RN 88, a perdu le contrôle de son véhicule sur une plaque de neige et de verglas vers 19h, au lieu dit Bois de la Caroune, avant de percuter un arbre et de s'arrêter au milieu d'un champ ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que l'Etat a engagé sa responsabilité au titre du défaut d'entretien normal de la route ; que le litige d'appel porte uniquement sur l'existence d'une faute partiellement exonératoire de la victime ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour les motifs retenus par les premiers juges, compte tenu notamment du fait, relevé par les gendarmes, que Mme A conduisait son véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances, le Tribunal n'a pas fait une évaluation excessive de la part prise par cette faute de la victime dans la survenue de l'accident en l'évaluant à 50 % ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le premier jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu à son encontre l'existence d'une faute exonératoire à hauteur de 50% ;

Sur la requête n° 10LY02051 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du dossier de première instance que, dans sa demande enregistrée le 26 janvier 2008, Mme A a demandé au Tribunal de décider, d'une part une expertise médicale afin d'évaluer son préjudice corporel, d'autre part une expertise architecturale afin d'évaluer les frais d'adaptation de son logement rendus nécessaires par son handicap ; que Mme A demandait également que lui soit allouée une provision, dans l'attente des éléments d'information résultant de ces expertises qui lui permettraient de procéder au chiffrage définitif de ses prétentions ; que, par le jugement du 3 février 2009, le Tribunal a décidé une expertise médicale, accordé une provision mais rejeté les conclusions tendant à ce que soit décidée une expertise architecturale ; que, par mémoire enregistré le 12 février 2010, Mme A a pris acte des constatations de l'expert médical sur la nature et l'étendue de ses préjudices corporels, mais a réitéré ses conclusions tendant à ce que soit décidée une expertise architecturale afin d'évaluer les frais d'aménagement de son logement rendus nécessaires par son handicap, et s'est bornée, dans l'attente des conclusions de cette expertise, à demander une nouvelle provision de 50 000 euros, à valoir sur l'indemnisation définitive de l'ensemble de ses préjudices ; que le Tribunal, qui a refusé de recourir à cette nouvelle expertise, ne pouvait statuer au seul vu du montant provisionnel demandé sans inviter au préalable Mme A à chiffrer définitivement le montant de ses prétentions ; qu'il a ainsi entaché le jugement en date du 11 juin 2010 d'irrégularité ; que ce jugement doit, dès lors, être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions encore en litige de la demande de Mme A et sur les conclusions de la CPAM de Haute-Loire ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale pour 2007, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne les frais liés au handicap :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise décidée en première instance, que Mme A demeure atteinte, des suites de l'accident de voiture susmentionné, d'une tétraplégie presque complète, l'expert évaluant, après la consolidation survenue le 28 avril 2009, son incapacité partielle permanente à 90 % ;

Considérant, en premier lieu, que la caisse justifie avoir pris en charge à la date du présent arrêt des frais d'appareillage à hauteur d'un montant total de 4 133,55 euros ; qu'il n'est pas contesté que Mme A a elle-même, à la même date, conservé à sa charge un montant de 1 104,33 euros au titre des mêmes frais ; qu'en revanche, elle ne justifie pas du lien de causalité entre les séquelles dont elle reste atteinte et l'achat d'un téléphone et d'un ordinateur dont elle demande également le remboursement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord ; que la caisse justifie avoir à engager des dépenses futures d'appareillage, pour un montant annuel de 1 326,68 euros ; qu'elle peut obtenir le remboursement de ces sommes pour chaque échéance annuelle dans la limite de la responsabilité de l'Etat ; qu'en revanche, à défaut d'accord de l'Etat, la CPAM de Haute-Loire ne peut prétendre obtenir le remboursement de ces frais futurs d'appareillage sous la forme d'un capital représentatif ; que, par ailleurs, compte tenu notamment des montants susmentionnés restés à la charge de Mme A à la date du présent arrêt, celle-ci ne justifie pas par ses seules affirmations de ce que des frais d'appareillage futurs resteront également à sa charge de façon certaine à hauteur d'un montant annuel de 15 323,94 euros ; que, compte tenu de la part des dépenses analogues échues restées effectivement à sa charge, Mme A doit être regardée comme susceptible de conserver uniquement à sa charge, au même titre, la somme annuelle de 354 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que compte tenu des justificatifs produits par Mme A devant la Cour, et notamment du rapport d'un ergothérapeute ainsi que de factures de travaux, le coût d'adaptation de son logement doit être évalué à la somme de 50 528,30 euros ; que le rapport de bilan situationnel que Mme A produit également souligne que, après réalisation de ces travaux, la maison aménagée où elle réside est globalement bien adaptée à son handicap ; que Mme A ne justifie pas, pour le reste, du caractère insuffisant des travaux ainsi déjà réalisés, sans qu'il soit utile de décider d'une expertise sur ce point ;

Considérant, en quatrième lieu, que Mme A demande le remboursement des frais d'adaptation de son véhicule à son handicap, outre les frais futurs de renouvellement de cette dépense ; que la facture qu'elle produit justifie de ce qu'elle a engagé des frais d'aménagement spécifique d'un véhicule pour un montant total de 3 900 euros ; qu'elle doit être regardée comme conduite à renouveler cette dépense avec une périodicité de cinq ans ; qu'il y a lieu d'indemniser ce préjudice futur sous forme d'une rente annuelle ;

Considérant, en cinquième lieu, que l'expert relève la nécessité, compte tenu de l'état de Mme A, qu'elle bénéficie d'une aide ménagère, d'une assistance de vie ainsi que de soins infirmiers réguliers ; que la présence d'une tierce personne devra en outre être constante, pour des raisons de surveillance et de sécurité ; que, s'agissant des frais d'assistance tierce personne échus à la date du présent arrêt, il résulte de l'instruction que Mme A a été hospitalisée dans les suites de son accident, puis admise dans un centre de rééducation jusqu'en septembre 2007, avant d'être hospitalisée à nouveau entre février et octobre 2008 ; qu'elle n'a exposé aucun frais d'assistance resté à sa charge durant ces périodes ; que compte tenu de ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des frais d'assistance tierce personne à domicile échus en les évaluant, compte tenu notamment du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales ainsi que de la convention collective des aides à domicile, à laquelle renvoie notamment le référentiel de l'ONIAM, à un montant de 250 000 euros pour la période allant de la survenue de l'accident jusqu'à la date du présent arrêt ; que, les frais d'assistance permanente étant ainsi couverts, les frais de télé-assistance dont le remboursement est également demandé font double emploi ;

Considérant, enfin, que si le juge n'est pas en mesure de déterminer lorsqu'il se prononce si la personne atteinte d'un handicap ira dans une institution spécialisée ou si elle demeurera à domicile, il lui appartient d'accorder à cette personne une rente couvrant les frais de son maintien à domicile, en fixant un taux quotidien et en précisant que la rente sera versée au prorata du nombre de nuits passées à domicile au cours du trimestre considéré ; que les autres chefs de préjudice demeurés à la charge de la victime doivent être indemnisés par ailleurs, sous la forme soit d'un capital, soit d'une rente distincte ; que le juge doit condamner le responsable du dommage à rembourser, le cas échéant, à l'organisme de sécurité sociale qui aurait assumé tout ou partie de la charge du placement dans une institution spécialisée, sur justificatifs, les frais qu'il justifiera avoir exposés de ce fait ;

Considérant, s'agissant des frais futurs d'assistance tierce personne, qu'il en sera fait une juste appréciation en les évaluant, compte tenu notamment du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales ainsi que de la convention collective des aides à domicile, à un taux quotidien de 240 euros, revalorisé par application des coefficients prévus par l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ; qu'à chaque trimestre échu, compte tenu de l'étendue susmentionnée de sa responsabilité, l'Etat versera à Mme A la moitié de la somme correspondant à l'application de ce taux quotidien d'assistance tierce personne ; que, toutefois, la caisse indique que Mme A sera accueillie en centre de rééducation fonctionnelle au moins trois semaines par an ; qu'en outre, compte tenu de l'importance du handicap de Mme A, la possibilité de sa prise en charge plus durable dans une institution spécialisée doit être envisagée ; que, si Mme A est accueillie dans un centre de rééducation fonctionnelle ou dans une institution spécialisée, la rente susmentionnée ne sera alors due que dans la limite du nombre de nuits durant lesquelles Mme A sera effectivement demeurée dans son domicile ; que, dans cette dernière hypothèse, l'Etat deviendra en revanche également redevable des frais de prise en charge dans un centre ou une institution ; que l'Etat remboursera alors à Mme A, d'une part les frais journaliers de maintien à domicile éventuellement dus, d'autre part les frais d'accueil dans un centre ou une institution éventuellement demeurés à la charge de Mme A, dans la limite de 50 % du total des frais de maintien à domicile et d'accueil à l'extérieur ; que l'Etat deviendra alors également redevable à l'égard de la caisse pour les frais de prise en charge que celle-ci aurait le cas échéant supportés, dans la double limite, d'une part du solde éventuel encore dû au titre de la responsabilité de l'Etat une fois indemnisée Mme A, d'autre part du montant des seuls débours au titre de l'accueil en centre de rééducation fonctionnelle, auxquels se limite la demande de la caisse dans la présente instance au titre de ses frais futurs de séjour viager ; qu'il appartiendra à la caisse de justifier, le cas échéant, du nombre de nuits durant lesquelles Mme A aura séjourné en centre de rééducation fonctionnelle ou en institution spécialisée, ainsi que des frais éventuellement demeurés à sa charge et à la charge de Mme A à ce titre ;

En ce qui concerne les dépenses de santé :

Considérant, en premier lieu, qu'outre le montant de 387 728,55 euros de frais de santé, hors frais d'appareillage, pris en charge par la caisse, Mme A justifie avoir conservé à sa charge des frais de santé pour un montant de 781,43 euros ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, elle justifie également du caractère nécessaire des frais de télévision et de téléphone engagés durant son hospitalisation, restés à sa charge à hauteur d'un montant de 1 553,52 euros ;

Considérant, en second lieu, qu'eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord ; qu'à défaut d'accord de l'Etat, la CPAM de Haute-Loire ne peut dès lors prétendre obtenir le remboursement d'un capital représentatif des dépenses futures de santé qu'elle estime avoir à engager pour Mme A ; qu'en revanche, elle justifie avoir à engager des dépenses de santé futures, regroupant des frais de soins, d'examens, de pharmacie et d'actes divers, ainsi que des frais de petits matériels médicaux, pour un montant annuel total de 30 402,44 euros, qu'il y a lieu de lui allouer à chaque échéance annuelle à compter du présent arrêt, dans la limite de 50% ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que des frais futurs de santé devraient demeurer à la charge de Mme A ;

En ce qui concerne les pertes de revenus :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des bulletins de salaire produits par Mme A, qu'à la date de l'accident elle exerçait l'activité de responsable salariée d'un magasin, pour un salaire mensuel de 1 177,95 euros ; que l'accident a provoqué une incapacité temporaire totale jusqu'au 28 avril 2009 ; qu'entre l'accident et cette dernière date, Mme A n'a perçu de son employeur que, d'une part un montant total de 1 367,42 euros, d'autre part une indemnité de 3 701,22 euros à l'occasion de son licenciement le 30 juin 2007 ; que la perte de salaires qu'elle a subie durant cette période doit ainsi être évaluée à 39 693,76 euros ; que cette perte de revenus a été prise en charge par la caisse à hauteur d'un montant total d'indemnités journalières de 28 020,93 euros ; que la perte de revenus restée à la charge de Mme A durant cette période s'élève ainsi à 11 672,53 euros ;

Considérant, en second lieu, que compte tenu de son état Mme A est demeurée après consolidation dans l'incapacité définitive d'exercer une activité professionnelle ; qu'elle a été placée en retraite en décembre 2009, à l'âge de 65 ans ; qu'elle a ainsi supporté, entre la date précitée du 28 avril 2009 et sa mise en retraite une perte de revenus qui doit être évaluée à 8 245,65 euros ;

En ce qui concerne les frais divers :

Considérant qu'il n'est pas contesté que, pour se rendre à l'expertise, Mme A a exposé des frais de transport d'un montant total de 738,60 euros ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Considérant qu'il résulte de l'expertise susmentionnée que Mme A, née en décembre 1944 et âgée de 61 ans à la date de l'accident, a subi une période d'incapacité temporaire totale de 3 ans et 2 mois, jusqu'au 28 avril 2009, date de consolidation ; qu'elle demeure atteinte d'une incapacité permanente partielle de 90 %, correspondant à la perte de fonctionnalité sévère résultant de la tétraplégie dont elle demeure atteinte ; qu'elle a subi des souffrances évaluées à 6/7 ; que son préjudice esthétique est évalué à 4/7 ; qu'enfin, elle subit un préjudice d'agrément, son handicap lui interdisant en particulier la pratique de toutes les activités sportives qu'elle exerçait auparavant ; que, compte tenu de tous ces éléments et de ce qui a été précédemment dit sur son état, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ses préjudices personnels en les évaluant à la somme globale de 250 000 euros ;

En ce qui concerne les droits respectifs de Mme A et de la CPAM de Haute-Loire :

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, compte tenu de la part de responsabilité de l'Etat dans la survenue de l'accident ainsi que de la partie de chaque chef de préjudice restée à la charge de Mme A, qui ne peut être indemnisée que dans la limite des sommes dues par l'Etat, les droits de Mme A s'élèvent au montant total de 302 455,52 euros, sous déduction des sommes qui lui ont déjà été allouées à titre provisionnel ; qu'elle doit également bénéficier du remboursement des frais futurs d'assistance tierce personne, dans les conditions qui ont été définies, ainsi que du versement annuel d'une somme de 1 134 euros au titre des frais futurs d'appareillage et d'aménagement de son véhicule ; que les droits de la CPAM de Haute-Loire s'élèvent pour leur part au montant total de 196 748,32 euros, outre, d'une part un montant annuel de 15 297,56 euros au titre des dépenses futures de santé et d'appareillage, d'autre part le montant éventuellement dû au titre des frais d'accueil de Mme A en centre de rééducation fonctionnelle ou en institution spécialisée ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant, en premier lieu, que Mme A a demandé que la somme de 302 455,52 qui lui est allouée soit assortie d'intérêts au taux légal à compter du 23 août 2010, date d'enregistrement de sa requête d'appel ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions ;

Considérant, en second lieu, que Mme A a demandé la capitalisation des intérêts pour la première fois dans sa requête d'appel susmentionnée ; qu'à cette date, pas davantage qu'à la date du présent arrêt, les intérêts n'étaient dus pour au moins une année entière ; qu'en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, il ne peut dès lors être fait droit à sa demande de capitalisation ;

Sur l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, ensemble celles de l'arrêté susvisé du 10 novembre 2010 pris pour leur application, que la CPAM de Haute-Loire est fondée à demander que la somme de 980 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais engagés pour obtenir le remboursement de ses débours ;

Sur les dépens :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise décidée par le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 3 février 2009 à la charge de l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la CPAM de Haute-Loire au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 0800143, en date du 11 juin 2010, est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A la somme totale de 302 455,52 euros, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 23 août 2010, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Mme A, d'une part les sommes correspondant aux frais futurs d'assistance d'une tierce personne ou de prise en charge dans un centre de rééducation fonctionnelle ou une institution spécialisée, dans les conditions prévues dans les motifs du présent arrêt, d'autre part une somme annuelle de 1 134 euros au titre des frais futurs d'appareillage et de véhicule, payable à chaque échéance annuelle à compter du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser à la CPAM de Haute-Loire la somme totale de 196 748,32 euros.

Article 5 : L'Etat est condamné à verser à la CPAM de Haute-Loire, d'une part un montant annuel de 15 297,56 euros au titre des dépenses futures de santé et d'appareillage, d'autre part les frais futurs de prise en charge de Mme A dans un centre de rééducation fonctionnelle ou une institution spécialisée, dans les conditions prévues dans les motifs du présent arrêt.

Article 6 : Les frais de l'expertise décidée par le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 3 février 2009 sont mis à la charge de l'Etat.

Article 7 : L'Etat versera à la CPAM de Haute-Loire la somme de 980 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 8 : L'Etat versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le surplus des conclusions des requêtes et de la demande de Mme A est rejeté.

Article 10 : Le surplus des conclusions de la CPAM de Haute-Loire est rejeté.

Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Juliette A, au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et à la CPAM de la Haute-Loire. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2011 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juin 2011.

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