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07/06/2011 | FRANCE | N°10LY01968

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 07 juin 2011, 10LY01968


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2010, présentée pour Mlle Rachida A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001036 en date du 20 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 1er février 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle

d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2010, présentée pour Mlle Rachida A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001036 en date du 20 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 1er février 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour vie privée et familiale , assortie d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, enjoindre à cette même autorité d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- dès lors qu'elle ne pourra bénéficier d'une prise en charge effective de son état de santé en Algérie et qu'en tout état de cause, ses troubles trouvent leur origine directe dans son pays d'origine, le refus de titre méconnait les stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien ;

- dès lors qu'une partie de sa famille réside en France, qu'elle s'est reconstruite à leur côté et qu'elle n'a plus d'attache en Algérie, le refus de titre méconnait les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- le refus de titre est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle au regard notamment des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;

- l'obligation de quitter le territoire n'est pas motivée ;

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de refus de titre ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

- dès lors qu'elle craint d'être maltraitée par son père et ses frères, la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- cette décision est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2011, présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet demande à la Cour de se reporter à son mémoire produit en première instance ;

Vu le mémoire enregistré 16 mai 2011, présenté pour Mme A ;

Vu la décision, en date du 1er juillet 2010, admettant Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mai 2011 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, de nationalité algérienne, a sollicité le 2 octobre 2009, un titre de séjour en invoquant son état de santé ; qu'elle relève appel du jugement en date du 20 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 1er février 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour en litige, qui contient l'exposé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée au regard des dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 susvisée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7. au ressortissant algérien résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux produits par l'intéressée, que Mlle A souffre d'un syndrome dépressif et d'un état de stress post-traumatique pour lesquels elle bénéficie d'un suivi et d'une prise en charge médicale en France ; que si les deux avis du médecin inspecteur de santé publique, du 6 octobre 2009 et du 14 décembre 2009 indiquent que l'état de santé de Mlle A nécessite une prise en charge médicale et un suivi régulier dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le second de ces avis indique, contrairement au premier, que l'intéressée ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que toutefois, le préfet produit une fiche-pays établie par le ministère des affaires étrangères ainsi qu'un courrier du 4 juin 2007 émanant du chef de service d'un établissement hospitalo-universitaire algérien spécialisé en psychiatrie indiquant que l'état dépressif sévère dont souffre l'intéressée peut être soigné en Algérie au même titre que l'ensemble des pathologies psychiatriques et psychologiques ; qu'en se bornant à produire un extrait du journal Le Soir d'Algérie relatant un entretien avec ce même chef de service algérien spécialisé en psychiatrie dans lequel ce dernier affirme qu' il n'existe pas de politique de santé mentale en Algérie , Mlle A n'établit pas qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si elle affirme que le lien existant entre la pathologie dont elle souffre et les événements traumatisants qu'elle a vécus en Algérie ne permet pas d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays, et si elle produit un certificat médical du 25 mars 2010 qui l'affirme également, Mlle A ne démontre pas, par des documents probants, que les événements dont elle prétend avoir été la victime seraient intervenus en Algérie, ni, par suite, le lien entre le lieu de ces événements et les troubles dont elle se plaint ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient Mlle A, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien en refusant à la requérante le titre de séjour demandé en raison de son état de santé ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que Mlle A fait valoir qu'elle a reconstruit sa vie en France, qu'elle a trouvé un équilibre auprès des membres de sa famille qui y résident depuis plusieurs années et qu'elle n'a plus de contacts avec ses proches en Algérie ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France à l'âge de trente-quatre ans, qu'elle est célibataire et qu'elle n'établit pas, par son récit, les faits de maltraitance qu'elle allègue avoir endurés de la part de ses proches et notamment de son père et de ses frères, ni que ces derniers refuseraient désormais tout contact avec elle, ni encore que sa présence auprès de ses cousins présents en France serait indispensable à ceux-ci ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce, le refus de délivrance de titre de séjour attaqué n'a pas porté au droit de Mlle A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs pour lesquels il a été pris ; qu'il en résulte que le préfet de l'Isère n'a méconnu ni les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, ni celles l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant cette décision ; que le refus de titre attaqué n'est pas plus entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à être motivée ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette mesure d'éloignement est inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que Mlle A ne peut utilement invoquer les éventuels risques qu'elle encourrait pour sa liberté et son intégrité physique en cas de retour en Algérie, à l'encontre de la décision lui fait obligation de quitter le territoire français, qui ne désigne pas, par elle-même, le pays de destination ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont est entachée cette mesure d'éloignement quant aux conséquences d'un retour en Algérie sur sa situation personnelle est inopérant ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde, doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que Mlle A fait valoir qu'elle a été maltraitée, depuis son adolescence, par son père et ses frères, qui la séquestraient, qui n'ont pas accepté sa volonté d'émancipation et qui l'ont rejetée après une tentative de suicide ; qu'elle n'établit toutefois pas la réalité des faits allégués et des risques actuels et personnels auxquels elle serait exposée en cas de retour en Algérie ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant ce pays comme destination de la mesure d'éloignement a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Rachida A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2011, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président,

M. Seillet et Mme Dèche, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 juin 2011.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01968
Date de la décision : 07/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-06-07;10ly01968 ?
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