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05/05/2011 | FRANCE | N°10LY02582

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 mai 2011, 10LY02582


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 novembre 2010, présentée pour Mme A, domiciliée ...;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001212 en date du 27 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2009 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel elle pouvait être reconduite ;

2°) d'annuler la décision

du 26 novembre 2009 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de s...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 novembre 2010, présentée pour Mme A, domiciliée ...;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001212 en date du 27 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2009 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel elle pouvait être reconduite ;

2°) d'annuler la décision du 26 novembre 2009 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire mention vie privée et familiale d'une durée d'un an renouvelable, dans un délai de quinze jours à compter du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 300 euros hors taxe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge, pour elle de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que la décision de refus de titre méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de la gravité de son état de santé et de l'impossibilité pour elle de bénéficier effectivement de la prise en charge médicale qui lui est indispensable dans son pays d'origine ; que la situation sanitaire sur place est déplorable et que l'accès au système de soins privé suppose des moyens considérables ; qu'elle n'aurait pas un accès effectif aux soins en raison de son départ de ce pays depuis plus de 20 ans, de son âge avancé, de son absence de ressources et de soutien et alors qu'il n'existe aucun système d'assurance maladie ; qu'en outre la décision de refus de titre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où elle a vécu hors de son pays depuis près de 20 ans, a tissé d'importants liens personnels en France où elle est bien intégrée dans la société ; que la décision litigieuse est en outre entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour, qu'elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme compte tenu de son état de santé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 21 février 2011, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Vu l'ordonnance du 24 février 2011 portant clôture de l'instruction au 28 mars 2011 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 2011 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, ressortissante camerounaise, née en 1944, est entrée régulièrement en France en décembre 2001 ; qu'elle y a séjourné à compter du 28 avril 2004 sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour puis de cartes de séjour délivrées en raison de son état de santé qui ont été régulièrement renouvelées ; que, par décisions du 26 novembre 2009, le préfet du Rhône, après nouvel avis du médecin inspecteur de la santé publique, a refusé de renouveler à nouveau son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A dirigée contre ces décisions ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d' asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé(e) ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont elles sont issues, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur leur fondement, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il est constant que l'état de santé de Mme A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, le médecin inspecteur de santé publique a estimé, dans son avis en date du 19 octobre 2009, dont se prévaut le préfet du Rhône, qu'elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Cameroun, où notamment sont disponibles les médicaments que son état requiert ;

Considérant qu'à l'appui de sa requête Mme A soutient, que, dépourvue de toutes ressources, elle serait dans l'impossibilité de suivre ses traitements et soins au Cameroun ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, âgée de 65 ans à la date de la décision litigieuse, a quitté le Cameroun depuis plus de 20 ans et, célibataire sans enfant, déclare ne pas y avoir d'attaches familiales ; qu'elle fait valoir, sans être contestée sur ce point, qu'elle ne pourrait bénéficier du système de couverture maladie qui existe dans son pays d'origine mais est réservé aux personnes ayant eu la qualité de salarié ; que, dans ces conditions, compte tenu du coût global du traitement et de son indigence, Mme A n'est pas en mesure d'avoir effectivement accès dans son pays d'origine au traitement que requiert son état de santé ; que, par suite, la décision du 26 novembre 2009 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, cette décision doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour faisant obligation à Mme A de quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel elle serait renvoyée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'eu égard au motif d'annulation énoncé ci-dessus et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'administration oppose une nouvelle décision de refus à Mme A, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet délivre à celle-ci un titre de séjour ; qu'y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative :

Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros à payer à Me Catherine Robin, avocat de Mme A, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1001212 du Tribunal administratif de Lyon en date du 27 mai 2010 et les décisions du préfet du Rhône en date du 26 novembre 2009 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Catherine Robin, avocat de Mme A, une somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2011, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

- M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mai 2011.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02582
Date de la décision : 05/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : ROBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-05-05;10ly02582 ?
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