La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2011 | FRANCE | N°10LY00105

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 mai 2011, 10LY00105


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 janvier 2010, présentée pour le GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE (GIE) LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE , dont le siège est 999 rue des Sablières, au Fayet (74190) ;

Le GIE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406436 en date du 17 novembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce la commune de Passy soit condamnée à lui verser une somme de 18 293 882 euros en réparation du préjudice résultant pour lui

de ce qu'elle n'a pas satisfait aux obligations qui lui incombaient en ver...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 janvier 2010, présentée pour le GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE (GIE) LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE , dont le siège est 999 rue des Sablières, au Fayet (74190) ;

Le GIE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0406436 en date du 17 novembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce la commune de Passy soit condamnée à lui verser une somme de 18 293 882 euros en réparation du préjudice résultant pour lui de ce qu'elle n'a pas satisfait aux obligations qui lui incombaient en vertu de la convention qu'ils ont passée le 8 juillet 1981 ;

2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire au tribunal des conflits, à titre subsidiaire de condamner la commune de Passy à lui verser, en réparation de son préjudice, une somme de 5 213 756,30 euros sauf meilleure évaluation à dire d'expert, avec les intérêts à compter du 28 août 2000 et capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Passy une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le GIE soutient que le tribunal administratif n'a pas respecté l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de l'incompétence de la juridiction administrative, qui est d'ordre public ; que le jugement ne comporte aucune motivation sur la compétence du Tribunal ; que son mémoire en réplique du 23 octobre 2009 n'a pas été communiqué ; que la juridiction administrative est incompétente, le contrat étant de droit privé ; qu'en n'exécutant pas ses obligations contractuelles la commune a commis une faute ; que sa responsabilité contractuelle est également engagée sans faute, le fait du prince devant être sanctionné à ce titre ; que son préjudice peut être évalué à 1 859 878 euros pour les surcoûts engendrés par l'obligation de se procurer des matériaux sur d'autres sites, à 1 067 143,10 euros pour l'immobilisation du matériel et à 2 286 735,20 euros pour la perte des bénéfices escomptés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 18 juin 2010, le mémoire en défense présenté pour la commune de Passy, qui conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre une somme de 2 500 euros à la charge du GIE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la procédure de 1ère instance a été régulière ; qu'en l'absence d'élément nouveau le mémoire du 23 octobre 2009 n'avait pas à être communiqué ; que le jugement est suffisamment motivé ; que le contrat, qui devait l'amener à user de prérogatives de puissance publique est un contrat administratif ; qu'elle n'a pas contracté l'obligation de modifier son plan d'occupation des sols ; qu'elle ne pouvait d'ailleurs pas prendre un tel engagement ; qu'elle a accompli toutes les démarches nécessaires ; que ce sont les contraintes du schéma global d'aménagement qui rendent les activités de carrières difficilement compatibles avec les activités touristiques ; que le GIE n'a pas intérêt pour agir si bien que sa demande n'était pas recevable ; que le préjudice invoqué n'est pas justifié ;

Vu, enregistré le 1er avril 2011, le nouveau mémoire présenté pour le GIE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE , qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et en outre par le moyen qu'il a intérêt à agir, dès lors qu'il a la personnalité morale, qu'il est signataire de la convention et qu'il a subi directement le préjudice résultant du non-respect du contrat ; qu'il y a eu en l'espèce fait du prince dès lors que c'est de manière totalement imprévisible par rapport au terme du contrat qu'il n'a pu exploiter la zone 3 ; que la commune de Passy a méconnu son droit patrimonial en méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il bénéficie d'une action en responsabilité quasi-délictuelle, dans la mesure où son consentement a été vicié dès lors qu'il lui a été fait croire qu'il aurait un droit ininterrompu et exclusif pour extraire le gravier de la zone 3 ;

Vu, enregistré le 7 avril 2011, le nouveau mémoire présenté pour la commune de Passy, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et en outre par le moyen qu'elle n'avait concédé au GIE aucun bien protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le GIE requérant ne peut se prévaloir utilement de la théorie du fait du prince ; que son consentement n'a pu être vicié ;

Vu, enregistré le 8 avril 2011, le nouveau mémoire présenté pour le GIE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE , qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n° 1 ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 2011 :

- le rapport de M. du Besset, président de chambre ;

- les observations de Me Boucherie, représentant le GIE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE , et de Me Cortes, représentant la commune de Passy ;

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Boucherie et à Me Cortes ;

Considérant que le GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE (ci-après le GIE ) et la commune de Passy ont conclu le 8 juillet 1981 un contrat relatif à l'exploitation de gravières sur le territoire communal ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande du GIE tendant à ce que la commune soit condamnée à lui verser une somme de 18 293 882 euros en réparation du préjudice résultant pour lui de ce qu'elle n'a pas satisfait aux obligations qui lui incombaient en vertu de ce contrat ;

Sur l'exception d'incompétence :

Considérant que si le GIE demande la condamnation de la commune de Passy à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'inexécution par celle-ci de ses obligations contractuelles, l'unique faute qu'il impute à la commune est de n'avoir pas procédé à la modification ou à la révision de son plan d'occupation des sols ; qu'ainsi, sans égard à la nature du contrat, le litige porte en fait sur les conséquences préjudiciables de décisions administratives ; qu'il ressortit dès lors à la juridiction administrative ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les premiers juges n'ont pas examiné le moyen, invoqué par le GIE et tiré de ce que, contrairement à ce qu'avaient estimé le Tribunal de grande instance de Bonneville et la Cour d'appel de Chambéry, la juridiction administrative était incompétente pour connaître de sa demande ; qu'ainsi le jugement du 17 novembre 2009 est irrégulier et doit être annulé pour ce motif ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le GIE devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que le juge administratif est compétent pour examiner la demande du GIE ;

Considérant que le GIE soutient qu'en ne procédant pas à la révision ou à la modification de son plan d'occupation des sols, la commune de Passy a commis une faute au regard des obligations que lui imposaient les articles 1 et 6 du contrat du 8 juillet 1981, lesquels prévoient respectivement que : la commune de Passy fera son affaire personnelle et prendra à sa charge la mise à disposition des terrains devant faire l'objet d'une exploitation par le GIE, terrains qui devront être dans un état permettant une extraction immédiate du gravier... et que la présente convention est conclue sous la condition suspensive de l'autorisation d'exploitation accordée par la Préfecture de Haute-Savoie, la commune s'engageant à faire tout ce qui est possible et nécessaire pour l'obtenir... ; que toutefois il résulte clairement de ces stipulations que, compte tenu notamment de la rédaction des articles L. 123-3 et L. 123-4 du code de l'urbanisme à la date de signature du contrat, elles ne sauraient être regardées comme ayant eu pour objet ou pour effet d'obliger la commune à réviser ou modifier son plan d'occupation des sols ;

Considérant, que, contrairement à ce que soutient le GIE, il ne résulte de l'instruction ni que la commune de Passy lui aurait promis de quelque manière que ce fût qu'elle pourrait obtenir une modification des dispositions d'urbanisme de nature à permettre de lever la condition suspensive prévue par l'article 6 du contrat du 8 juillet 1981, ni qu'elle lui aurait donné des informations inexactes sur ce point ;

Considérant que le GIE ne saurait soutenir utilement que la commune de Passy aurait porté atteinte à des droits protégés par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'elle ne disposait d'aucun droit à voir modifier le plan d'occupation des sols de la commune ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le GIE, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de modification du plan d'occupation des sols pourrait engager à son égard la responsabilité de la commune de Passy alors même que celle-ci n'aurait commis aucune faute ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par le GIE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE devant le Tribunal administratif de Grenoble doit être rejetée ;

Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :

Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune de Passy, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge du GIE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Passy et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0406436 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 17 novembre 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble par le GIE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le GIE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE versera à la commune de Passy une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE LES SABLIERES DE LA HAUTE VALLEE DE L'ARVE , à la commune de Passy et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2011, où siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 mai 2011.

''

''

''

''

2

N° 10LY00105


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00105
Date de la décision : 05/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : ETUDE DE ME BALLALOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-05-05;10ly00105 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award