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26/04/2011 | FRANCE | N°09LY02932

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 26 avril 2011, 09LY02932


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 18 décembre 2009, régularisée par courrier au greffe de la Cour le 22 décembre 2009, présentée pour M. Alain A, domicilié 24 allée des Colverts-Beaurepaire à Dolus d'Oléron (17550) ;

M. Alain A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0801400 du 20 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2003 à raison de l'impositio

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 18 décembre 2009, régularisée par courrier au greffe de la Cour le 22 décembre 2009, présentée pour M. Alain A, domicilié 24 allée des Colverts-Beaurepaire à Dolus d'Oléron (17550) ;

M. Alain A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0801400 du 20 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2003 à raison de l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers d'une somme de 150 000 euros ;

2°) de la décharger des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- s'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

o que les rectifications contestées, qui reposent sur la remise en cause de la sincérité de la convention du 23 décembre 2003 qu'il avait conclue avec la société Laurand, sont implicitement fondées sur le terrain de l'abus de droit ; qu'il a ainsi été privé des garanties de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, et notamment de la possibilité de saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit ;

- s'agissant du bien-fondé des impositions :

o que l'acte anormal de gestion retenu par l'administration fiscale n'est pas établi ; qu'ainsi, l'extension, par la convention susévoquée, de son engagement de non concurrence à l'ensemble des territoires des Etats membres de l'Union européenne confère à ce contrat un objet non hypothétique et a trouvé une contrepartie normale dans la somme de 150 000 euros, dès lors que l'engagement de même nature, initialement souscrit par la convention du 27 juillet 2000 conclue entre les mêmes parties, était limité à la France et aux DOM-TOM ; que cet engagement avait une véritable portée pour la société Laurand, dès lors que M. A était personnellement destinataire de multiples demandes de partenariat dans plusieurs pays européens ; que si à la date de la proposition de rectification la société Laurand n'avait ouvert qu'un centre en Belgique, elle compte depuis lors des centres au Luxembourg, en Allemagne, et projette de franchiser un centre en Espagne ; que ce potentiel d'extension en Europe justifiait le prix de cette protection, au demeurant nécessaire en cas de cession de son fonds ; qu'en 2000, seul a été cédé le droit d'exploiter la méthode Laurand en France, les droits d'exploitation pour l'Europe n'ayant été cédés qu'en 2003 ; qu'à cet égard, les termes sans aucune réserve stipulés dans la convention de 2000 ne trouvaient à s'appliquer que pour un champ de cession limité à la France ; que compte tenu de ces éléments, et des revenus patrimoniaux que procurent à la société les redevances perçues de ses centres étrangers, le prix de 150 000 euros payé en exécution de cette protection n'est pas anormal ;

o qu'en outre, en application des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, les revenus distribués ne sont présumés mis à la disposition des associés qu'à la date de clôture de l'exercice au cours duquel a été constatée leur existence, sauf lorsqu'il est établi que la date de la distribution a été antérieure ou postérieure à cet exercice ; que la convention du 23 décembre 2003 est née au cours de l'exercice ouvert le 1er avril 2003 et clos le 1er mars 2004 ; qu'elle prévoit en l'espèce un versement fractionné d'une somme de 101 216 euros en 2004 et 2005, et ne précise pas la date de versement du solde de 48 744 euros ; qu'ainsi, les impositions contestées ne pouvaient être établies au titre de l'année 2003 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2010, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- s'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

o que dès lors que l'administration est fondée à constater l'anormalité d'un acte de gestion, elle ne saurait être regardée comme invoquant implicitement un abus de droit, quand bien même ce second terrain était envisageable ; qu'au cas d'espèce, l'administration fiscale s'est bornée à constater que le versement de 150 000 euros convenu entre les parties ne comportait aucune contrepartie effective pour la SA Laurand ; que le vice de procédure allégué ne peut ainsi qu'être écarté ;

- s'agissant du bien-fondé des impositions :

o qu'une convention entre M. A et la SA Laurand en date du 27 juillet 2000 avait opéré la cession et le transfert sans réserve des droits d'exploitation du savoir-faire de la méthode Laurand ; que par ce même contrat, M. A s'engageait à faire bénéficier son cessionnaire de toute amélioration postérieure de cette méthode, même si son engagement de non concurrence se limitait alors formellement au territoire français ; que dans ces conditions, la convention du 23 décembre 2003 visant à étendre le champ de ce dernier engagement aux 15 pays membres de l'Union européenne, contre la somme de 150 000 euros, constitue un acte anormal de gestion pour la société, dès lors qu'elle n'avait aucun intérêt à verser une telle somme, hors de proportion avec l'effectivité de l'engagement consenti par M. A, dès lors que la société est propriétaire desdites marques et du savoir-faire, que M. A en est le PDG, qu'il en détient, avec ses enfants, 58% du capital, qu'à cette époque un seul centre était ouvert en Belgique, et qu'il n'est pas soutenu que B était en mesure de commercialiser une méthode concurrente au détriment de la SA Laurand ; qu'ainsi, celle-ci n'avait aucun intérêt à s'appauvrir de 150 000 euros au profit de M. A ;

o qu'en vertu de l'article 156 du CGI, l'impôt porte sur les revenus dont le contribuable a eu la disposition au cours d'une année donnée, même s'il ne les a pas effectivement perçus ; que notamment, les sommes versées au crédit du compte courant d'associé entraînent une présomption de disponibilité ; qu'en l'espèce, le compte courant du requérant dans cette société a été crédité de 150 000 euros en exécution de cette convention, le 18 décembre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 8 juin 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2010, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 novembre 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 3 décembre 2010 fixant la clôture d'instruction au 24 décembre 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée au greffe le 13 avril 2011, présentée pour M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2011 :

- le rapport de M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant que la SA Laurand, qui avait pour président et principal associé M. A, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, à l'issue de laquelle le vérificateur a estimé qu'en allouant, par une convention du 23 décembre 2003, une somme de 150 000 euros à M. A en contrepartie d'une extension du champ géographique d'un engagement de non concurrence déjà consenti par ce dernier, cette société avait, faute de contrepartie réelle, commis un acte anormal de gestion ; que l'administration, pour imposer en conséquence entre les mains de M. A ces revenus qu'elle regardait comme distribués et non déclarés, a, au terme d'une procédure contradictoire, portant sur les années 2002 et 2003, assigné à ce dernier des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que M. A relève appel du jugement du 20 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge desdites impositions ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...). / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. (...) ; qu'en vertu de ces dispositions, l'administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables les actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé de tels actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; que toutefois ces dispositions ne sont pas applicables, alors même qu'une de ces conditions serait remplie, lorsque le redressement est justifié par l'existence d'un acte anormal de gestion ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Laurand exploite, auprès d'un réseau de franchisés, une méthode d'amincissement dite Méthode Laurand , dont elle a acquis de son principal associé, M. A, en 2000, la marque commerciale et le savoir-faire ; que la convention conclue à cette occasion, en contrepartie d'une rémunération de 1 350 000 francs (205 806 euros), comportait également l'obligation pour ce dernier de faire bénéficier le cessionnaire de toute amélioration de la méthode qu'il mettrait ultérieurement au point, ainsi qu'un engagement de non concurrence pour le territoire français et les DOM-TOM ; que par un avenant en date du 23 décembre 2003, cet engagement a été étendu à l'ensemble des quinze Etats alors membres de l'Union européenne en contrepartie du versement d'une somme de 150 000 euros ; que le service a considéré que cette charge présentait pour l'entreprise un caractère anormal, faute de contrepartie effective, et l'a imposée dans les mains de M. A dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2003 ; qu'à supposer même qu'elle puisse être regardée comme ayant implicitement fondé les redressements en litige sur le caractère fictif, faute de réalité économique, de cette convention, l'administration, qui n'a pas entendu se placer sur le terrain de l'abus de droit, mais sur la seule absence de contrepartie réelle de cette dépense étrangère à l'intérêt de l'entreprise, a pu régulièrement, sans mettre en oeuvre la procédure spéciale de l'abus de droit, établir les impositions contestées selon la procédure contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie prévue par ces dispositions, aux termes desquelles figure notamment celle de la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure de redressement serait irrégulière doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme revenus distribués : 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ;

Considérant, en premier lieu, que, par la convention susévoquée du 27 juillet 2000, M. A avait consenti à la SA Laurand, moyennant 205 806 euros, la cession et le transport sans aucune réserve des droits d'exploitation du savoir-faire de la méthode Laurand , et des deux marques Méthode Laurand et Centre du Vernet , qui en sont le support commercial ; que par ce même contrat, M. A s'engageait à faire bénéficier son cessionnaire de toute amélioration postérieure de cette méthode, et s'interdisait de créer, développer, commercialiser, directement ou indirectement, une méthode concurrente sur le territoire français et les DOM-TOM ; qu'au regard de la teneur des stipulations initialement consenties entre les parties, l'avenant du 23 décembre 2003 n'a visé qu'à étendre de façon purement théorique le champ de la clause de non-concurrence aux quinze Etats alors membres de l'Union européenne, dès lors que M. A ne soutient ni avoir été en mesure, ni même avoir envisagé, de concurrencer, par l'exploitation de méthodes semblables, l'essor européen de cette société, qu'il dirigeait et dont il détenait l'essentiel du capital ; qu'en conséquence, la contrepartie de 150 000 euros de cette obligation a appauvri sans cause la société Laurand qui, déjà propriétaire desdites marques et du savoir-faire de M. A, n'avait ainsi aucun intérêt à verser une telle somme, hors de proportion avec l'effectivité de l'engagement théorique consenti par ce dernier ; qu'en faisant état de ces éléments, sans être sérieusement contredite, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'une libéralité de 150 000 euros consentie à M. A, imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13, 109 et 156 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus distribués sont celles qui, au cours de ladite année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre ;

Considérant que si la convention du 23 décembre 2003 susanalysée prévoyait, au bénéfice de M. A, un versement de la somme de 150 000 euros fractionné, sur les années 2003, 2004 et 2005, il résulte toutefois de l'instruction que la totalité de cette somme avait été créditée, dès le 18 décembre 2003, au compte courant d'associé de ce dernier ; que dès lors qu'eu égard à ses fonctions de dirigeant, M. A n'avait pu que participer de façon déterminante à la décision ayant conduit à retenir le choix d'un tel paiement fractionné, il ne saurait ainsi être regardé comme ayant été dans l'incapacité juridique de prélever dans sa totalité cette somme de 150 000 euros avant le 31 décembre 2003 ; qu'en outre, il n'établit ni même n'allègue que la situation de trésorerie de la société Laurand aurait rendu financièrement impossible le prélèvement total de cette somme en 2003 ; que dans ces conditions, M. A est réputé avoir eu la disposition de la totalité de la somme à compter du 18 décembre 2003, quand bien même elle n'aurait été pour partie débitée de ce compte qu'au cours des années suivantes ; qu'ainsi, le service était fondé à imposer ladite somme au titre de l'année 2003 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Alain A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2011 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 26 avril 2011.

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N° 09LY02932

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02932
Date de la décision : 26/04/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Laurent LEVY BEN CHETON
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : CABINET CEJF- R. LABONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-04-26;09ly02932 ?
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