Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juillet 2009, présentée pour M. René A, dont le domicile est Les Moulins à Hauteluce (73620) ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500012 du 18 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 87 524 euros constaté au titre de l'année 2003 ;
2°) de prononcer le remboursement demandé ainsi que le versement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 209 du livre des procédures fiscales ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, il peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'interprétation donnée du 2° de l'alinéa 2 de l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts par l'instruction du 29 janvier 1990 3 D-90 en ce qu'elle précise en particulier que le salarié concerné puisse être également affecté à d'autres tâches de l'entreprise que les missions de surveillance et de sécurité dès lors que cet article du code général des impôts vient compléter celles du 2° de l'article 260 du code général des impôts et que ces deux dispositions font état de la même condition relative à l'exercice de fonctions permanentes de surveillance et de sécurité ;
- les locaux donnés à bail étaient utilisés à la fois dans un but professionnel et dans un but privé et avaient, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, un caractère mixte ;
- c'est à tort que le Tribunal a jugé que les conditions fixées par l'article 260 du code général des impôts n'étaient pas remplies dès lors que :
o il ne pouvait faire état dans ses motifs de ce que B n'avait pas la qualification d'un technicien alors que cette condition n'est pas prévue par la loi,
o ces dispositions du code général des impôts ne prévoient pas une condition d'exclusivité des fonctions de surveillance et de sécurité exercées par le personnel,
o les missions de gardiennage et surveillance confiées à cette salariée présentent un caractère de permanence imposant qu'elle réside de manière permanente sur son lieu de travail,
o l'administration n'a jamais contesté que les locaux en litige fussent nécessaires aux besoins de l'activité de la société,
- l'administration n'établit pas que le garage n'était pas utilisé pour les besoins de la société et qu'il était utilisé à titre d'accessoire à un logement qui aurait été lui-même exclu de l'exercice du droit à déduction ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- les missions de surveillance et de gardiennage confiées à B ne constituaient pas la fonction principale exercée par cette salariée et ne nécessitaient pas une résidence permanente sur les lieux de travail ;
- l'administration n'a pas contesté l'affectation professionnelle prévue par le bail d'une partie du logement et n'a fait que considérer que la partie du logement affectée à l'habitation ne pouvait être retenue dès lors que C n'exerçait pas de fonctions impliquant par nature une résidence permanente sur les lieux mêmes de son travail ;
- les locaux en cause ne relevaient pas du régime des locaux mixtes dès lors que les locaux à usage professionnel étaient dissociables de ceux à usage d'habitation ;
- le garage était affecté aux seuls besoins de l'occupant du logement ;
- le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'instruction 3-D-2-90 commentant les dispositions de l'article 236 de l'annexe II dès lors que seules les dispositions de l'article 260 du code général des impôts sont en litige ;
- le requérant est irrecevable à demander le versement d'intérêts moratoires en l'absence de litige né et actuel avec le comptable ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er juillet 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que la salariée était contrainte de résider en permanence sur son lieu de travail pour assurer ses fonctions de gardiennage qui impliquaient la surveillance des installations fonctionnant en continu ; que le chiffrage de la TVA déductible par l'administration est dénué de fondement dès lors qu'une partie des locaux était utilisée pour les fonctions de gardiennage et que le logement n'était pas divisible ; que le garage ne peut être détaché du logement dont il est une annexe, la salariée ayant besoin de son véhicule pour aller sur son lieu de travail et il sert à entreposer des engins de la société ; à titre subsidiaire, il peut se prévaloir de la doctrine 3 D-2-90 dès lors qu'il est le dirigeant de la SA Etablissements Guiguet et est l'employeur de C ;
Vu l'ordonnance en date du 16 juillet 2010 fixant la clôture d'instruction au 20 août 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2011 :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
Considérant que M. René A, qui exerçait une activité de location de locaux nus sur le territoire de la commune de Hauteluce (Savoie), a fait construire, avec notamment son fils Didier, un immeuble dit Le Tavaillon II situé aux Saisies, à proximité d'un autre immeuble où était implantée la fromagerie de la SA Etablissements Guiguet dont il était le président directeur général ; que, par un bail en date du 28 avril 2003, il a donné en location dans cet immeuble, à compter du 1er mai 2003, un logement de 165 m² et un garage à la SA Etablissements Guiguet ; qu'il a formulé une option d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée concernant les biens immobiliers visés par ce bail et a déposé une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2003, pour un montant de 97 800 euros, correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée déductible liée à ces biens immobiliers ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité dont il a fait l'objet, l'administration fiscale a remis partiellement en cause, à hauteur de 87 524 euros, le caractère déductible de cette taxe se rapportant à ce logement et ce garage, au motif que les locaux à usage d'habitation, à l'exception des pièces à usage de bureau et d'archives qui étaient affectées à l'activité de la fromagerie, ne pouvaient faire l'objet d'une option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 2° de l'article 260 du code général des impôts ; qu'elle a ainsi refusé de rembourser le crédit de taxe sur la valeur ajoutée constaté par le contribuable au titre de l'année 2003 à hauteur de ce montant de 87 524 euros ; que M. A relève appel du jugement du 18 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 260 du code général des impôts : Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins de l'activité d'un preneur non assujetti. / L'option ne peut pas être exercée : / a. Si les locaux nus donnés en location sont destinés à l'habitation (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le bailleur de locaux peut opter pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée non au seul titre des constructions destinées à abriter les marchandises, l'outillage, le matériel et le personnel qui concourent directement à l'activité d'une entreprise, mais de l'ensemble des bâtiments nécessaires à l'exercice de cette activité ; que doivent être regardés comme tels les locaux affectés aux fins d'hébergement de ceux des membres du personnel chargés de fonctions impliquant par nature et au regard de l'activité exercée par le preneur une résidence permanente sur les lieux mêmes de leur travail ;
Considérant que selon le bail conclu le 28 avril 2003, les locaux en litige devaient servir au logement d'un technicien de la SA Etablissements Guiguet chargé de la surveillance au quotidien des caves d'affinage et de la fromagerie situées et exploitées dans l'ensemble immobilier voisin appartenant à cette société ; qu'à la suite de l'avenant au contrat de travail signé le 30 avril 2003 précisant qu'elle occuperait à compter du 1er mai 2003 les fonctions de gardien concierge et serait logée en contrepartie à titre gratuit dans la fromagerie, l'appartement a été affecté à compter du 1er mai 2003 à C, qui était par ailleurs employée à plein temps, depuis le 1er juillet 1996, en qualité de responsable du magasin de la fromagerie ; qu'il est constant qu'elle a occupé ledit logement à compter de cette date avec D, fils du requérant et alors directeur général de la SA Etablissements Guiguet, et leurs deux enfants ; que le requérant fait valoir que C, dans le cadre de ses fonctions de concierge-gardienne, avait comme mission, outre d'assurer une présence pour dissuader les intentions malveillantes particulièrement pendant les intersaisons et d'ouvrir les caves aux livreurs ou transporteurs dont les horaires pouvaient être aléatoires du fait de l'enneigement, de surveiller le fonctionnement du robot programmable qui avait en charge de tourner, saler, et frotter les fromages tous les deux jours pour les fromages frais et deux fois par semaine pour les autres, dans la cave d'affinage située au sous-sol de l'immeuble qui abritait aussi le logement de cette salariée ;
Considérant, toutefois, qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces activités, notamment celle de surveillance du robot, impliquaient nécessairement une résidence permanente sur les lieux de travail pour C alors qu'elle n'avait pas les qualifications d'un technicien de maintenance en robotique et devait avertir les personnes compétentes en cas de difficultés, qu'elle occupait aussi un emploi à temps plein en qualité de responsable du magasin dans l'immeuble voisin affecté à la fromagerie et que, comme l'expose l'administration, aucun élément produit, notamment l'avenant au contrat de travail qui ne comporte aucune mention quant aux conditions et modalités de réalisation de ces fonctions, ne fait état de ce que cette salariée était astreinte, à raison de l'exercice de ces missions, à une présence permanente sur les lieux de travail ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que le logement occupé par C ne pouvait être regardé comme nécessaire, en raison des missions dévolues à cette salariée, à l'activité de la société et qu'ainsi le requérant ne pouvait bénéficier, à ce titre, d'une option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au regard des dispositions précitées de l'article 260 du code général des impôts ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. A fait valoir que les locaux revêtaient un caractère mixte ; que, d'une part, alors que les pièces de l'appartement à usage de bureau et d'archives exclusivement affectées à l'exploitation de la société, pour lesquelles l'administration a reconnu le droit d'option, étaient dissociables des pièces affectées au logement de C, il ne résulte pas de l'instruction que ce logement était affecté à la fois à un usage professionnel et à un usage d'habitation ; que, d'autre part, si le requérant a entendu se prévaloir d'une doctrine sur ce point, il n'assortit pas ses prétentions des précisions suffisantes pour mettre la Cour en mesure de se prononcer ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment d'un constat d'huissier, établi postérieurement aux redressements litigieux, qui ne revêt pas un caractère probant quant à la nature de l'affectation du garage en 2003, que ce local, situé au second sous-sol de l'immeuble et qui a été loué avec le logement affecté à l'habitation de C, aurait été utilisé pour recevoir les véhicules et engins appartenant à la fromagerie ou que le véhicule personnel de cette salariée était nécessaire à l'accomplissement des missions de gardiennage et de surveillance ; que la circonstance, alléguée par le requérant, que cette salariée avait besoin d'une voiture compte tenu de la situation excentrée de son lieu de travail , à la supposer même établie, ne saurait permettre de regarder le garage comme étant utilisé à des fins professionnelles ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que ledit garage n'était pas affecté à un usage professionnel ;
Considérant, en dernier lieu, que M. A ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction administrative 3 D-2-90 du 9 janvier 1990 qui commente le 2. de l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts dès lors que ces dernières dispositions, qui sont relatives à l'exclusion du droit de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, sont étrangères au présent litige et que ladite instruction ne contient aucune interprétation formelle concernant l'option d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions du 2. de l'article 260 du même code qui trouvent à s'appliquer ;
Sur le versement par l'Etat des intérêts moratoires :
Considérant que les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par un tribunal ou par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ; qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et le requérant concernant lesdits intérêts ; que, dès lors, les conclusions sus-analysées ne sont pas recevables et doivent être, en tout état de cause, rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. René A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2011, à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 26 avril 2011.
''
''
''
''
2
N° 09LY01872