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26/04/2011 | FRANCE | N°09LY00928

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 26 avril 2011, 09LY00928


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 30 avril 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0502634 du 8 janvier 2009 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a accordé à la société Berlidis la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a versée au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2003 pour un montant de 35 468 euros ;

2°) de remettre à la ch

arge de la société Berlidis les cotisations de taxe sur les achats de viande liti...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 30 avril 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0502634 du 8 janvier 2009 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a accordé à la société Berlidis la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a versée au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2003 pour un montant de 35 468 euros ;

2°) de remettre à la charge de la société Berlidis les cotisations de taxe sur les achats de viande litigieuses ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que le Tribunal a répondu succinctement aux moyens en défense ou n'a pas répondu aux moyens soulevés et notamment à la possibilité pour l'administration de retirer la décision de dégrèvement, qui ne constitue pas une prise de position formelle, sans avoir recours à une procédure de rectification ;

- les premiers juges ont estimé à tort que l'administration pouvait présenter des conclusions reconventionnelles sur le fondement de l'article R.* 200-15 du livre des procédures fiscales alors que le litige portait sur le rejet d'une réclamation, qu'elle avait déjà rapporté la décision de dégrèvement et qu'au surplus le délai de prescription était écoulé ;

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, l'administration a légalement rapporté sa décision de dégrèvement dès lors que cette décision de dégrèvement, qui n'était pas motivée, ne constituait pas une prise de position formelle, qu'elle a informé la société des raisons pour lesquelles elle rapportait ce dégrèvement, que l'imposition n'avait pas disparu suite au dégrèvement et n'avait pas à faire l'objet d'un nouvel avis de mise en recouvrement compte tenu de ce que l'exécution comptable n'était pas intervenue, que le dégrèvement n'a pas créé de droits acquis, que l'administration n'était pas tenue de suivre la procédure de reprise prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales dans le délai fixé par l'article L. 176, qu'elle a respecté le parallélisme des formes en procédant à ce retrait et que la société n'a pas été privée de garanties procédurales ;

- concernant le bien-fondé de l'imposition, les circonstances de fait soumises à la Cour de justice des Communautés européennes étaient différentes dès lors que l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2000 a supprimé l'affectation du produit de la taxe sur les achats de viande à un fonds spécifique et a affecté ce montant au budget général de l'Etat ; que la Commission a constaté l'absence de lien entre la taxe et le financement du service public de l'équarrissage ; qu'ainsi, ne faisant pas partie intégrante d'une mesure d'aide à compter du 1er janvier 2001, le dispositif de la taxe sur les achats de viande n'avait pas être notifié au préalable à la Commission, comme l'a jugé d'ailleurs le Conseil d'Etat ; que cette taxe est compatible avec les articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne ; que la taxe sur les achats de viande ne saurait être qualifiée de taxe équivalent à un droit de douane ni au regard de son régime, ni au regard de son affectation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 1er mars 2010 présenté pour la société Berlidis, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Berlidis soutient que :

- le recours du ministre est irrecevable pour tardiveté dès lors qu'il a été introduit après l'expiration du délai de deux mois imparti, que les dispositions de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales dérogeant à ce délai sont incompatibles avec les stipulations des article 6-1 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 1er de son protocole additionnel n° 12, que le défaut de mention du délai d'appel de l'administration porte atteinte au principe de sécurité juridique au motif que l'administré n'a pas connaissance du délai plus long accordé à l'administration ;

- le jugement est suffisamment motivé ;

- l'administration se devait de procéder à l'émission d'un titre exécutoire et se devait de respecter la procédure de redressement contradictoire ;

- la décision de retrait est insuffisamment motivée et est illégale, entachant d'irrégularité la procédure d'imposition, dès lors que le dégrèvement est une mesure créatrice de droits et que la procédure de rectification contradictoire aurait dû être mise en oeuvre avant cette décision de retrait ;

- l'administration a méconnu le principe de sécurité juridique et ne pouvait retirer le dégrèvement précédemment accordé sans méconnaître le régime d'abrogation des actes créateurs de droits ;

- la taxe sur les achats de viande a un lien contraignant avec le régime d'aide en faveur des entreprises d'équarrissage, des éleveurs et des abattoirs et l'absence de notification à la commission de la taxe rendait sa perception illégale pour la période antérieure à la décision rendue par la Commission du 14 décembre 2004 ;

- la restitution de la taxe prélevée en violation de l'article 88-3 du Traité CE est acquise conformément à l'arrêt de la CJCE du 18 décembre 2008 C-384/07 ;

Vu le mémoire enregistré le 19 mai 2010, présenté pour le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que son recours est recevable dès lors qu'il n'est pas tardif au regard des dispositions de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales, que cet article ne constitue pas un privilège incompatible avec les principes consacrés par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 14 de ladite convention et de l'article 1er de son protocole additionnel n° 12 ; que la remise en cause du dégrèvement par l'administration n'a pas méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors que sa créance n'était ni certaine, ni exigible, ni liquide, la taxe collectée au titre de la période litigieuse étant conforme au droit communautaire, et qu'elle ne peut être regardée ainsi comme un bien au sens et pour l'application de ces stipulations ;

Vu le mémoire enregistré le 31 mars 2011, présenté pour la société Berlidis, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens en se prévalant d'une décision du Conseil d'Etat du 16 mars 2011, sauf à ce que l'Etat soit désormais condamné à lui verser la somme de 3 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2011 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant que la société Berlidis, après avoir déclaré conformément aux dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts alors en vigueur la valeur de ses achats et payé la taxe sur les achats de viande qu'elle estimait en conséquence devoir au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2003, en a demandé la restitution par une réclamation du 21 mars 2004 ; que l'administration lui a accordé le dégrèvement des impositions en litige par une décision du 30 septembre 2004 ; qu'elle a adressé à la société le 12 novembre 2004 une lettre l'informant qu'elle envisageait d'annuler ce dégrèvement et que les taxes ne seraient pas remboursées, avant de rapporter la décision de dégrèvement et de rejeter la réclamation de la société par une décision du 14 mars 2005 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève appel du jugement du 8 janvier 2009 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a accordé à la société Berlidis la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a versée au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2003 ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Berlidis ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le Tribunal a prononcé la restitution des impositions litigieuses au motif que, si l'administration s'y croyait fondée, il lui appartenait de réviser elle-même la décision de dégrèvement prise à tort en remettant à la charge du contribuable la somme dégrevée ou de demander au juge de l'impôt de rétablir la taxe sur le fondement de l'article R.* 200-15 du livre des procédures fiscales qui l'autorisait à présenter, en cours d'instance, des conclusions reconventionnelles tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision prise sur la réclamation primitive ; qu'il a ensuite précisé que, d'une part, il ne résultait pas de l'instruction que la somme versée par la société requérante, et dont le dégrèvement avait été prononcé le 30 septembre 2004, avait été remise à sa charge en cours d'instance devant le Tribunal et que, d'autre part, le directeur des services fiscaux se bornait à conclure au rejet de la requête sans présenter de conclusions reconventionnelles devant le Tribunal ; qu'il en a conclu que la société était fondée à demander la restitution de la somme acquittée en règlement de cette imposition ; que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments en défense qui leur étaient soumis, ont ainsi suffisamment répondu aux moyens et arguments principaux en défense soulevés devant eux par l'administration tirés de ce que le dégrèvement avait été légalement retiré ; qu'ainsi, le jugement attaqué doit être regardé comme suffisamment motivé au regard des prescriptions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'en vertu du VI de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, alors en vigueur, la taxe sur les achats de viande est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée ; que selon l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions ont ainsi été rendues applicables à cette taxe : Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ; que, lorsqu'une taxe a été déclarée et payée spontanément par le redevable, puis a fait l'objet d'un dégrèvement, cette décision implique, alors même que le paiement a été effectué à la date d'exigibilité, que l'administration émette un avis de mise en recouvrement si elle entend rétablir l'imposition ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que faute d'avoir, après prononcé du dégrèvement des taxes payées par la société au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2003, émis un avis de mise en recouvrement correspondant au montant dégrevé, l'administration ne pouvait lui refuser la restitution de ces taxes ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé du second motif du jugement attaqué tiré de l'absence d'une demande reconventionnelle présentée sur le fondement de l'article R.* 200-15 du livre des procédures fiscales, que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a prononcé la restitution de la taxe litigieuse ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Berlidis, au titre de la présente instance, de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Berlidis une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la société Berlidis.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2011, à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

M. Pourny et Segado, premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 26 avril 2011.

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N° 09LY00928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00928
Date de la décision : 26/04/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Autres taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : FIDAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-04-26;09ly00928 ?
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