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21/04/2011 | FRANCE | N°10LY01630

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 21 avril 2011, 10LY01630


Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2010, présentée pour Mme Sylvie A, agissant en qualité de représentant légal de sa fille, Pauline B, domiciliée ...;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601973, en date du 12 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Dijon, d'une part a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de Macon soit condamné à lui verser une somme provisionnelle de 20 000 euros, au titre des séquelles consécutives à l'hospitalisation de Pauline B, montant à parfaire au vu des conclusions d'une expertis

e, d'autre part a mis les dépens à sa charge ;

2°) de prononcer la condamnati...

Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2010, présentée pour Mme Sylvie A, agissant en qualité de représentant légal de sa fille, Pauline B, domiciliée ...;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601973, en date du 12 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Dijon, d'une part a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de Macon soit condamné à lui verser une somme provisionnelle de 20 000 euros, au titre des séquelles consécutives à l'hospitalisation de Pauline B, montant à parfaire au vu des conclusions d'une expertise, d'autre part a mis les dépens à sa charge ;

2°) de prononcer la condamnation provisionnelle demandée, montant à parfaire au vu des conclusions d'une nouvelle expertise à décider ;

3°) de mettre les dépens à la charge du centre hospitalier de Macon ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Macon une somme totale de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant pour la première instance que pour l'appel ;

Elle soutient que :

- l'hôpital a commis plusieurs fautes, sous la forme d'un retard à la venue du médecin, d'un mauvais choix de la technique d'accouchement, d'une mauvaise information de la patiente en cours d'accouchement, d'une utilisation inadéquate et maladroite des forceps, d'une répétition dangereuse des forceps, du défaut de recours à une césarienne, enfin d'un suivi insuffisant de l'enfant après sa naissance ;

- ces fautes ont provoqué un déficit neurologique et des effets induits post-commotionnels, à l'origine des troubles dont Pauline est aujourd'hui atteinte ;

- l'expertise est partisane ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2010, présenté pour le centre hospitalier de Macon ; il conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- comme l'a relevé le Tribunal, les dispositions de l'article L. 1142-8 du code de la santé publique, issues de la loi du 4 mars 2002, ne sont pas applicables rationae temporis ;

- il n'a pas commis de fautes dans le choix et la mise en oeuvre des techniques d'accouchement, pas davantage que dans le suivi de l'enfant, ainsi que l'a fait apparaître l'expertise et ainsi que l'a constaté le Tribunal ;

- en tout état de cause, il n'y a pas de lien de causalité entre les séquelles dont la réparation est demandée et les conditions de l'accouchement ;

Vu le courrier, enregistré le 3 novembre 2010, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Saône-et-Loire ; elle déclare s'en remettre à la sagesse de la Cour sur la reconnaissance de la responsabilité du centre hospitalier de Macon ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 novembre 2010, présenté pour Mme A ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que l'expert n'a pas examiné l'incidence cérébrale et neurologique du stress du nourrisson du fait de la naissance, puis de la séparation avec sa mère après qu'elle ait été transférée au CHU de Dijon ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2010, présenté pour Mme A ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 mars 2011, présenté pour Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2011 :

- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;

- les observations de Me Cuinat, avocat du centre hospitalier de Macon ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Considérant que, le 14 juin 1996, Mme A a été admise au centre hospitalier de Macon pour y accoucher ; qu'elle soutient que les conditions de cet accouchement et du suivi post-natal de sa fille Pauline ont provoqué chez celle-ci des lésions cérébrales et neurologiques, à l'origine des troubles dont elle est aujourd'hui atteinte ; que, par un premier jugement avant-dire droit en date du 27 septembre 2007, le Tribunal administratif de Dijon a décidé une expertise afin d'éclairer les circonstances de l'accouchement et de déterminer l'état de l'enfant ; que l'expertise a été réalisée par un neurochirurgien, qui s'est adjoint comme sapiteurs un gynécologue-obstétricien et un neuropédiatre ; qu'au vu du rapport d'expertise, le même Tribunal, par le jugement attaqué en date du 12 mai 2010, a rejeté la demande de Mme A, agissant en tant que représentant légal de sa fille Pauline, et a mis les dépens à sa charge ;

Sur la régularité de l'expertise :

Considérant, en premier lieu, que Mme A ne fournit aucun élément susceptible de corroborer son affirmation selon laquelle l'expertise décidée par le Tribunal serait partisane ;

Considérant, en second lieu, que l'expert n'avait pas pour mission d'examiner le suivi de l'enfant après son transfert dans un autre hôpital et a donc pu ne pas rechercher les éventuelles conséquences cérébrales et neurologiques d'un stress du nourrisson du fait de la séparation avec sa mère après son transfert au CHU de Dijon ; qu'il a par ailleurs examiné, comme il en avait la mission, la nature et l'origine des séquelles constatées, et a pu sans irrégularité ne pas retenir l'hypothèse de séquelles liées à un stress lors de l'accouchement ; qu'enfin, l'expert a pu ne pas tenir compte de critiques qui n'ont été développées que dans une note postérieure à son rapport ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise décidée par les premiers juges, que Mme A a été admise au centre hospitalier de Macon le 14 juin 1996 à 23 h 40, après une rupture spontanée des membranes ; que son état permettait l'accouchement par les voies naturelles, sans qu'il y ait eu lieu d'envisager le recours à une césarienne ; que le travail a été normal jusqu'à 11 h 30, où une présentation occipito-iliaque a été constatée ; que l'expertise souligne que cette situation n'était pas, à ce stade, pathologique, et qu'une attitude d'expectative peut même être recommandée en l'absence de souffrance foetale ; que des anomalies du rythme cardiaque foetal (RCF), constatées vers 12 h, ont en revanche justifié que la sage-femme informe le médecin de garde, même si l'expertise relève que la situation n'était pas encore inquiétante ; que le médecin de garde est arrivé dès 12 h 15, après avoir achevé une opération qu'il avait dû par ailleurs réaliser ; qu'après avoir constaté des ralentissements variables du RCF, il a décidé de recourir aux forceps ; que l'expertise expose que le recours immédiat aux forceps se justifiait, d'une part par l'état de l'enfant qui appelait une accélération de l'accouchement, d'autre part par le dossier médical de Mme A, dont ressortait la nécessité de limiter pour elle les efforts expulsifs ; que le recours à une césarienne ne pouvait être envisagé à ce stade, compte tenu des délais inhérents à la préparation et à la réalisation de cette intervention ; que, compte tenu de la présentation de l'enfant, les forceps s'avéraient toutefois très difficiles, avec une quasi-impossibilité de réaliser une prise symétrique ; que, dans ces conditions, l'échec de la première tentative de forceps ne peut être regardé comme fautif ; que la réalisation d'une seconde tentative de forceps se justifiait dès lors qu'un début de bradycardie nécessitait impérativement une naissance à bref délai ; qu'elle a au demeurant permis une extraction immédiate à 12 h 25, évitant ainsi l'apparition des séquelles sévères qu'aurait entrainées une anoxie prolongée ; que, si le score d'apgar à la naissance était correct, la première tentative de forceps a toutefois provoqué une embarrure temporale droite, qui a compliqué la période néonatale ; que cette embarrure a pu ne pas être diagnostiquée immédiatement, compte tenu de son caractère minime et en l'absence de symptômes nets ; que l'enfant a, dès sa naissance, reçu des soins adaptés et fait l'objet d'une surveillance appropriée ; que dès qu'une aggravation de l'état de l'enfant a été constatée, celle-ci a fait l'objet d'un suivi pédiatrique et neurologique, avant d'être transférée au centre hospitalier de Dijon le 15 juin ; que le relevage de l'embarrure ne constituait pas une situation d'urgence et n'a d'ailleurs été réalisée au centre hospitalier de Dijon que le 20 juin ; que l'expertise constate enfin que l'enfant est aujourd'hui atteinte de dysphasie phonologique ; que l'analyse détaillée de son état, appuyée notamment sur de nombreux examens d'imagerie, permet d'établir que cette dysphasie phonologique est sans lien avec l'embarrure provoquée par les forceps ; qu'en effet, le diagnostic est celui d'un facteur purement congénital, sans exclure la possibilité de lésions post-anoxiques, que l'extraction rapide aux forceps a au demeurant permis de limiter ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les troubles dont la jeune Pauline B est atteinte ne peuvent être imputés à une faute du centre hospitalier de Macon ;

Considérant, en second lieu, que si le patient doit être informé, dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé, des risques connus de décès ou d'invalidité que comporte un acte médical dont la réalisation est envisagée, la décision, en cas de grossesse, de la laisser se poursuivre naturellement jusqu'à son terme, ne saurait être considérée comme constituant en elle-même un acte médical dont les risques devraient être portés à la connaissance de la femme enceinte ; que, compte tenu des conditions de déroulement de l'accouchement, l'urgence justifiait par ailleurs que le médecin ne débatte pas au fur et à mesure avec la patiente du choix de la technique obstétricale et ne lui en expose pas les risques éventuels ;

Sur les dépens :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de maintenir les frais d'expertise à la charge de Mme A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Macon, qui n'est pas tenu aux dépens dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Macon et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Mme A versera au centre hospitalier de Macon une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sylvie A, à la CPAM de Saône-et-Loire et au centre hospitalier de Macon. Copie en sera adressée au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2011 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2011.

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