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14/04/2011 | FRANCE | N°10LY01433

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 14 avril 2011, 10LY01433


Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2010 au greffe de la Cour, présentée pour Mlle Aïcha A, domiciliée ..., par Me Grenier, avocat au barreau de Dijon ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000618 du Tribunal administratif de Dijon du 20 mai 2010 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 février 2010 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination vers lequel elle pourra être éloignée ; r>
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3°) d'enjoindre a...

Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2010 au greffe de la Cour, présentée pour Mlle Aïcha A, domiciliée ..., par Me Grenier, avocat au barreau de Dijon ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000618 du Tribunal administratif de Dijon du 20 mai 2010 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 février 2010 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination vers lequel elle pourra être éloignée ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 février 2010 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", à défaut de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à Me Grenier, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir le montant de l'aide juridictionnelle ;

Mlle A soutient :

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour :

- que la décision lui refusant un titre de séjour viole les articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ; qu'elle n'a plus aucune attache dans son pays d'origine, ni d'ailleurs avec sa mère ; qu'elle a tout mis en oeuvre pour s'intégrer à la société française ;

- que, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, elle est recevable et fondée à se voir délivrer un titre sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que c'est " à titre humanitaire " qu'elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour et que la décision préfectorale vise l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français :

- que la décision est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ; qu'elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et constitue une erreur manifeste d'appréciation à raison de son passé douloureux, de sa grande fragilité, et de son isolement en Arménie ; qu'elle vit en France depuis 6 ans ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi :

- que si elle a déclaré qu'elle était née en Arménie et y avait résidé avant d'entrer en France, elle a en revanche expressément déclaré qu'elle n'avait jamais été reconnue par cet Etat ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle ait la nationalité arménienne ;

- que si l'on retient sa nationalité arménienne, elle se prévaut de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- que le préfet ne peut se retrancher derrière " le pays où elle serait admissible " parce qu'en ne le désignant pas, il ne permet pas au juge de vérifier l'absence de non-conformité avec l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de Saône-et-Loire, qui n'a pas produit d'observations ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, section Cour administrative d'appel, en date du 10 septembre 2010, accordant à Mlle A l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2011 :

- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que Mlle A, née en Arménie en 1988 d'une mère d'origine kurde musulmane et d'un père arménien, déclare être entrée irrégulièrement en France le 5 novembre 2003, accompagnée de sa mère et de son frère ; que la qualité de réfugiée lui a été refusée par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la juridiction de recours ; qu'elle a vainement contesté devant le Tribunal administratif de Dijon l'arrêté en date du 9 février 2010 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire, et a fixé le pays à destination vers lequel elle pourra être reconduite ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ; et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Considérant que si Mlle A soutient que la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour violerait les dispositions susrappelées, il ressort de ses écritures mêmes que, depuis 2007, elle a cessé d'entretenir toute relation avec sa mère et son frère, lesquels s'ils sont encore en France, y séjournent irrégulièrement ; que, pour soutenir qu'elle est intégrée en France, elle se contente de faire valoir qu'elle a travaillé à la Communauté Emmaüs de Norges-la-Ville (Côte d'Or) et qu'elle a suivi des cours de français à destination des étrangers arrivants ; qu'en outre, elle est célibataire et sans enfant ; que par suite, l'ensemble de son argumentation sur ce point doit être écartée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; que si Mlle A soutient que sa demande de titre relevait de ces dispositions, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui des ses allégations selon lesquelles elle ne faisait en Arménie l'objet d'aucune considération et n'avait pu y bénéficier que très partiellement d'un accès à l'éducation et à d'autres services élémentaires tels que la santé ; que le moyen doit être écarté ;

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire :

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, Mlle A n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui refusant l'octroi d'un titre de séjour ; que l'absence déjà évoquée, de tous d'éléments probants quant à son vécu dans son pays d'origine, ainsi que son défaut d'intégration véritable à la société française, ne permettent pas de considérer que l'obligation qui lui est faite de quitter la France relève d'une erreur manifeste d'appréciation, quand bien même elle y séjournerait depuis 2003 ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que si la requérante soutient qu'un retour en Arménie l'exposerait à de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle ne l'établit pas ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mlle A soutient que sa nationalité arménienne n'est pas établie ; qu'il n'est toutefois pas contesté qu'elle a déclaré devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile être née et avoir vécu en Arménie ; qu'à défaut d'éléments contraires, tels qu'un refus de reconnaissance explicite par les autorités du pays en question, le préfet était en droit de considérer que l'intéressée avait la nationalité arménienne ;

Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision attaquée désigne expressément le pays de destination vers lequel la requérante sera renvoyée ; que, si elle précise également que ce pays pourra être, en outre, " tout pays pour lequel elle établirait être légalement admissible ", une telle mention, qui a pour seul objet, dans son intérêt, d'autoriser l'étranger obligé de quitter le territoire à demander à ce que son renvoi soit effectué non pas vers le pays dont il n'a pas la nationalité, mais vers celui où il est admissible, ne peut être regardée comme préjudiciant aux droits de l'intéressée ; que, par suite, son argumentation sur ce point doit être écartée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon, a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence doivent être rejetées tant ses conclusions aux fins d'injonction que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Aïcha A et au ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2011 à laquelle siégeaient :

M., Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 avril 2011.

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N° 10LY01433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01433
Date de la décision : 14/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Denis RAISSON
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-04-14;10ly01433 ?
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