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29/03/2011 | FRANCE | N°09LY02304

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 29 mars 2011, 09LY02304


Vu, I, sous le n° 09LY02304, la requête, enregistrée le 2 octobre 2009, présentée pour M. Jean-Paul A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707564 du 28 juillet 2009 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité à la somme de 5 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour du jugement, le montant de la somme mise à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat en réparation du préjudice qu'il a subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ;

2°) de condamner La Poste et l'Etat à lui

verser solidairement la somme globale de 80 000 euros au titre des différents préjud...

Vu, I, sous le n° 09LY02304, la requête, enregistrée le 2 octobre 2009, présentée pour M. Jean-Paul A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707564 du 28 juillet 2009 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité à la somme de 5 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour du jugement, le montant de la somme mise à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat en réparation du préjudice qu'il a subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ;

2°) de condamner La Poste et l'Etat à lui verser solidairement la somme globale de 80 000 euros au titre des différents préjudices subis, avec intérêt au taux légal à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités, en raison, en premier lieu, d'une méconnaissance des dispositions de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, eu égard au montant de la demande indemnitaire présentée devant le Tribunal, qui faisait obstacle à ce qu'elle soit examinée dans une formation de juge unique, en deuxième lieu, d'un défaut de motivation, dès lors que le Tribunal n'a pas répondu à l'ensemble de l'argumentation développée en première instance, et, en troisième lieu, d'une violation des stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit à un procès équitable, dès lors que le Tribunal a mis, de manière inéquitable, à sa charge la preuve malgré l'absence de procédures permettant aux agents reclassés de bénéficier d'une promotion de grade ;

- La Poste et l'Etat ont commis des fautes, la première pour avoir refusé de mettre en place des voies de promotion en se fondant sur des dispositions illégales et le second pour ne pas avoir pris les dispositions réglementaires permettant aux agents reclassés de bénéficier de voies de promotion internes ;

- l'Etat a également commis une faute lourde dans l'exercice de sa tutelle sur la personne morale La Poste créée par la loi du 2 juillet 1990, dont les dispositions de l'article 34 n'excluent pas l'intervention du ministre de tutelle dans les questions relatives au personnel de La Poste, dès lors qu'il est resté inactif nonobstant les nombreuses alertes sur la situation des agents reclassés ;

- les fautes commises par La Poste et l'Etat ont contribué à lui faire perdre une chance d'obtenir un déroulement de carrière normal, et doivent engager leur responsabilité solidaire ;

- il a subi un préjudice professionnel, à raison du blocage de sa carrière, dont la progression était normale et continue jusqu'en 1993 ; en considérant qu'il n'apportait pas la preuve de ses compétences professionnelles démontrant une perte de chance sérieuse d'obtenir une promotion, le Tribunal a fait peser sur lui l'intégralité de la charge de la preuve sans prendre en considération l'ensemble des circonstances de l'affaire alors qu'il se trouvait en présence de présomptions établies en sa faveur ; il a bénéficié d'un déroulement de carrière normal avant son reclassement et a fait l'objet de propositions d'avancement au choix, il a toujours fait l'objet de bonnes notations, et a produit des pièces montrant son aptitude à exercer des fonctions supérieures, eu égard à sa compétence, son implication et la maîtrise de ses fonctions ; il n'a pu obtenir une promotion, alors qu'il remplissait les conditions pour être promu au grade des agents d'exploitation distribution acheminement ;

- le préjudice qu'il a subi doit être chiffré à la somme de 80 000 euros, en raison de son préjudice matériel et financier, résultant du blocage de sa carrière, qui doit être évalué à 30 000 euros, d'un préjudice professionnel, eu égard à sa marginalisation, devant être évalué à 30 000 euros, des troubles dans ses conditions d'existence, à hauteur de 5 000 euros, et d'un préjudice moral, évalué à 15 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 septembre 2010, présenté pour La Poste, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande préalable indemnitaire, faute d'avoir été personnalisée pour prendre en considération le cas individuel de chaque agent compte tenu de ses fonctions et de sa carrière, était irrégulière, ce qui entache d'irrecevabilité le recours ;

- elle est fondée à opposer aux prescriptions indemnitaires de la requête la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil, dont le point de départ remonte à l'origine du blocage statutaire allégué, lors des réformes statutaires de 1993 ;

- les premiers juges ont suffisamment motivé le jugement attaqué ;

- le principe de l'égalité des armes a été respecté par les juges du fond, dès lors que La Poste n'a jamais détenu, au détriment de son agent, des éléments sur la carrière de celui-ci de nature à pouvoir justifier la perte de chance sérieuse d'une promotion ;

- il ne peut être imputé à La Poste une quelconque décision fautive d'avoir arrêté le recrutement dans les corps des agents reclassés ou de n'avoir pas repris alors que cette décision s'imposait à elle du fait même de la réforme statutaire opérée ; le fait générateur du préjudice de carrière allégué par l'agent est parfaitement étranger à La Poste ;

- sa responsabilité ne pouvait être retenue en l'absence de toute imputabilité du dommage à une faute de sa part, la faute exclusive de La Poste dans le blocage de carrière des agents reclassés reposant sur une illégalité, par voie d'exception, des décrets statutaires des corps de reclassement, qui constitue une cause étrangère, le président du conseil d'administration n'ayant aucune compétence à édicter des dispositions statutaires concernant la situation des personnels fonctionnaires ;

- l'agent n'établit pas l'existence d'un préjudice certain, en ne démontrant pas en quoi il aurait rempli toutes les chances pour être promu au grade d'agent d'exploitation, alors qu'un fonctionnaire n'a aucun droit acquis à l'avancement de grade ou à l'accès à un corps hiérarchiquement supérieur, l'administration n'étant pas tenue de prononcer les promotions que l'existence de vacances d'emploi, lorsqu'elles existent, pourrait lui permettre d'accorder ; en outre, l'agent a refusé toutes les propositions de promotion proposées par La Poste dans les corps de reclassification ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 mars 2011, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que :

- contrairement à ce que soutient La Poste, sa demande préalable, qui n'était ni stéréotypée ni impersonnelle, était de nature à lier le contentieux et sa demande était, dès lors, recevable, nonobstant la circonstance qu'un nombre important d'agents placés dans la même situation professionnelle ont sollicité la réparation de leur préjudice propre en se fondant sur les mêmes arguments juridiques ;

- dès lors que sa demande tend à obtenir une indemnité au titre de préjudices subis du fait du blocage de sa carrière, et non le paiement de salaires, La Poste n'est pas fondée à opposer la prescription prévue par les dispositions de l'article 2277 du code civil ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 mars 2011, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête, tout en chiffrant à 256 196,20 euros l'indemnité réclamée en réparation des préjudices subis ;

Vu II, sous le n° 09LY02305, la requête, enregistrée le 6 octobre 2009, présentée pour LA POSTE, dont le siège est 44 boulevard de Vaugirard à Paris (75757 Cedex 15) ;

LA POSTE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707564 du 28 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, à la demande de M. Jean-Paul A, mis à la charge solidaire de LA POSTE et de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

2°) de rejeter la demande de M. A;

3°) de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble des moyens et notamment à celui tiré de ce que la demande indemnitaire n'était pas recevable, faute d'avoir été personnalisée pour prendre en considération le cas individuel de chaque agent compte tenu de ses fonctions et de sa carrière, ce qui entachait d'irrecevabilité le recours ;

- il ne peut être imputé à LA POSTE une quelconque décision fautive d'avoir arrêté le recrutement dans les corps des agents reclassés ou de n'avoir pas repris alors que cette décision s'imposait à elle du fait même de la réforme statutaire opérée ; le fait générateur du préjudice de carrière allégué par l'agent est parfaitement étranger à LA POSTE ;

- sa responsabilité ne pouvait être retenue en l'absence de toute imputabilité du dommage à une faute de sa part, la faute exclusive de LA POSTE dans le blocage de carrière des agents reclassés reposant sur une illégalité, par voie d'exception, des décrets statutaires des corps de reclassement, qui constitue une cause étrangère, le président du conseil d'administration n'ayant aucune compétence à édicter des dispositions statutaires concernant la situation des personnels fonctionnaires ;

- c'est à tort que les premiers juges ont admis l'existence d'un préjudice moral généralisé pour l'ensemble des agents reclassés, reposant sur une illégalité statutaire, alors même que l'agent ne justifierait pas d'une perte de chance sérieuse d'être promu, en méconnaissance des principes de réparation intégrale, de la personnalisation de l'indemnisation dans la détermination du préjudice subi et dans son évaluation, ainsi que du principe général du droit selon lequel une personne publique ne saurait être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas ;

Vu, III, sous le n° 09LY02306, le recours, enregistré le 1er octobre 2009, par lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707564 du 28 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, à la demande de M. Jean-Paul A, mis à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

2°) de rejeter la demande de M. A ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges, après avoir admis à juste titre que l'agent n'établissait pas une perte de chance sérieuse de promotion et donc un blocage de sa carrière, ont néanmoins considéré que l'Etat devait indemniser les préjudices de cet agent ;

- il n'est pas établi que l'Etat serait responsable à l'égard de l'agent d'un dommage résultant de son absence de promotion ;

- l'agent n'ayant subi aucun préjudice de carrière, rien ne justifie l'indemnisation par l'Etat du préjudice moral allégué, dont l'effectivité n'est pas établie, et alors que le jugement ne donne aucune précision ni la période d'indemnisation retenue et sa justification, ni sur le montant de la somme allouée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 mars 2011, présentée pour M. A ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Vu le décret n° 57-1319 du 21 décembre 1957 ;

Vu le décret n° 72-500 du 23 juin 1972 ;

Vu le décret n° 88-213 du 3 mars 1988 ;

Vu le décret n° 92-930 du 7 septembre 1992 ;

Vu le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2011 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- les observations de Me Menceur, pour M. A ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Menceur ;

Considérant, d'une part, que LA POSTE et le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI font appel du jugement du 28 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a mis solidairement à leur charge une somme de 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral de M. A, agent de LA POSTE titulaire du grade de préposé, résultant de l'absence d'organisation de mesures de promotion interne des corps de reclassement ; que, d'autre part, M. A fait appel dudit jugement en tant qu'il a limité à la somme de 5 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour du jugement, le montant de la somme mise à la charge solidaire de LA POSTE et de l'Etat en réparation du préjudice qu'il a subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ;

Considérant que les appels formés par LA POSTE, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI et M. A sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens touchant à la régularité du jugement attaqué ;

Considérant que, dans ses productions en défense devant le tribunal administratif, LA POSTE opposait notamment à la demande de M. A une fin de non recevoir tirée de ce que la réclamation indemnitaire préalable de l'intéressé n'était pas de nature à lier le contentieux, en raison d'une motivation insuffisante ; qu'en faisant droit à une partie des conclusions de la demande indemnitaire de M. A sans statuer sur cette fin de non recevoir, le tribunal administratif a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation ; que par suite le jugement du 28 juillet 2009 est entaché d'une irrégularité et doit être, en conséquence, annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Sur la recevabilité de la demande de M. A :

Considérant que, par une lettre de son conseil en date du 29 mai 2007, adressée tant au président de LA POSTE qu'au MINISTRE DE L'ECONOMIE, M. A a demandé le versement d'une indemnité de 80 000 euros, en réparation des différents préjudices qu'il estimait avoir subis en raison d'un traitement discriminatoire portant atteinte au déroulement normal de sa carrière, du fait de son appartenance à un corps de reclassement ; que ladite réclamation exposait les fautes commises, selon M. A, tant par LA POSTE que par l'Etat, et comportait, au surplus, l'indication des indemnités réclamées pour chaque chef de préjudice ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient LA POSTE, ladite réclamation était de nature à lier le contentieux, nonobstant la circonstance que des lettres similaires, comportant les mêmes demandes indemnitaires, avaient été adressées par d'autres agents, et que la même lettre a été adressée tant à LA POSTE qu'au MINISTRE DE L'ECONOMIE ;

Sur le fond :

En ce qui concerne la prescription quinquennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 2227 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 : L'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers et peuvent également les opposer ; qu'aux termes de l'article 2262 du même code, dans sa rédaction antérieure à la même loi : Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ; que selon l'article 2277, dans la rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 : Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : / Des salaires (...) et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ;

Considérant que l'action de M. A tendant à la réparation des préjudices résultant d'un blocage de sa carrière dans un corps de reclassement , en raison des fautes commises tant par LA POSTE que par l'Etat, ainsi que d'une discrimination, n'est pas soumise au délai de prescription fixé par les dispositions précitées de l'article 2277 du code civil, qui ne s'applique qu'aux actions relatives aux rémunérations, des agents publics notamment, et non à celles tendant à la réparation de préjudices de la nature de ceux dont M. A demande l'indemnisation à raison des fautes qu'il invoque ; que, dès lors, LA POSTE ne peut utilement opposer à ladite action la prescription quinquennale prévue par les dispositions de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ;

En ce qui concerne la responsabilité de LA POSTE et de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; que l'article 31 de la même loi a permis à La Poste d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ; qu'en vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions réglementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de LA POSTE de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification , ne dispensait pas le président de LA POSTE de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par LA POSTE de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à LA POSTE de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement , en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président de LA POSTE a, de même, commis une illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que LA POSTE, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires reclassés , a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans pouvoir utilement se prévaloir, pour s'exonérer de cette responsabilité, ni de la circonstance que les décrets statutaires des corps de reclassement auraient interdit ces promotions, ni de la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que l'Etat a, de même, commis une faute en ne prenant pas, avant le 14 décembre 2009, le décret organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement de cet établissement ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A, fonctionnaire de l'administration des postes et télécommunications au grade de préposé, dont il ressort des pièces relatives à sa manière de servir au cours des années 2005 à 2009 qu'il produits qu'il a toujours fait l'objet, au cours des années en cause, d'une appréciation globale dans la catégorie B , impliquant une valeur professionnelle correspondant parfaitement aux exigences du poste occupé, sans que ladite valeur professionnelle n'ait jamais été regardée comme largement supérieure aux exigences du poste , et relevant de la catégorie supérieure E , et dont l'aptitude à exercer des fonctions supérieures n'a pas été appréciée, qu'il aurait eu, alors même qu'il remplissait les conditions statutaires pour être promu, une chance sérieuse d'accéder au grade de préposé chef ou au corps des agents d'exploitation distribution acheminement, eu égard à la nature des fonctions susceptibles d'être confiées aux membres de ce corps, si des promotions dans ce corps avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 et jusqu'à la date d'entrée en vigueur du décret du 14 décembre 2009 ;

Considérant que M. A est, en revanche, fondé à se prévaloir du préjudice moral subi à raison des fautes relevées, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, alors même qu'au cas particulier il n'aurait pas eu de chances sérieuses d'obtenir une promotion ; qu'il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce, du préjudice subi par M. A au titre de son préjudice moral en l'évaluant à la somme de 1 500 euros ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction que ces fautes auraient causé à M. A des troubles dans ses conditions d'existence ni un préjudice professionnel distinct du préjudice de carrière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander la condamnation solidaire de LA POSTE et de l'Etat à lui verser une indemnité de 1 500 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. A a droit aux intérêts au taux légal sur cette somme à compter de la réception de ces demandes préalables, le 30 mai 2007, par le ministre de l'économie et par LA POSTE ;

Sur les conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par LA POSTE et M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0707564 du 28 juillet 2009 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : LA POSTE et l'Etat sont condamnés solidairement à verser à M. A une somme de 1 500 euros au titre des préjudices subis. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2007.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A et les conclusions de LA POSTE tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Paul A, à LA POSTE et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2011 à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Givord, président-assesseur,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mars 2011.

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N° 09LY02304, ...

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02304
Date de la décision : 29/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SELARL HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-03-29;09ly02304 ?
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