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15/03/2011 | FRANCE | N°09LY01966

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 15 mars 2011, 09LY01966


Vu la requête sommaire adressée par télécopie le 7 août 2009, confirmée par mémoire le 11 août 2009, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE MACON, dont le siège social est situé boulevard Louis Escande (71018) Mâcon cedex, représenté par son directeur ;

Le CENTRE HOSPITALIER DE MACON demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0700924 du 4 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser à M. et Mme A, chacun la somme de 13 200 euros en réparation de leur préjudice moral résultant de la perte de chance d'éviter le décès d

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Vu la requête sommaire adressée par télécopie le 7 août 2009, confirmée par mémoire le 11 août 2009, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE MACON, dont le siège social est situé boulevard Louis Escande (71018) Mâcon cedex, représenté par son directeur ;

Le CENTRE HOSPITALIER DE MACON demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0700924 du 4 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser à M. et Mme A, chacun la somme de 13 200 euros en réparation de leur préjudice moral résultant de la perte de chance d'éviter le décès de leur enfant, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007, a mis à sa charge les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros ainsi que la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ; que c'est à tort que le Tribunal a jugé fautif le fait pour la sage-femme de ne pas avoir prévenu l'obstétricien de garde, et que l'antibiothérapie préventive administrée à Mme A n'avait pas eu une efficacité totale ; c'est encore à tort que le Tribunal a jugé que les bonnes pratiques n'ont pas été suivies et qu'il n'existait pas de protocole sur la prise en charge des termes dépassés ; c'est à la suite d'une contradiction de motifs que le Tribunal a jugé que la rupture des membranes était prématurée ; pour l'évaluation de la chance perdue, le Tribunal n'a pas pris en compte l'existence de l'infection anténatale dont souffrait l'enfant ;

Vu, enregistré le 28 décembre 2009, un mémoire complémentaire présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE MACON tendant aux mêmes fins que la requête selon les mêmes moyens en les précisant sur certains points ; il soutient, en outre, que lors de l'admission de la parturiente au centre hospitalier, aucun élément du dossier ne permet de soutenir qu'il aurait été utile de prévenir le médecin de garde ; le motif de l'admission est celui d'une rupture spontanée des membranes ; pour un accouchement réalisé en 2006, l'expert a retenu à tort une recommandation de la Haute-Autorité de Santé datant de 2008 ainsi qu'un manquement résultant de l'absence de mise en place d'un protocole sur a prise en charge des termes dépassés alors que les soins prodigués étaient déjà en accord avec les recommandations qui seront préconisées en 2008 ; qu'il n'y avait pas de salle de travail disponible avant 5 h 20 ; il est impossible de démontrer de façon certaine que le médecin aurait pris la décision de diriger le travail sous péridurale dès l'admission de Mme A ; c'est en raison d'une erreur sur l'horaire du début du travail que l'expert a relevé une mauvaise adaptation du rythme d'injection d'antibiotique; il n'est pas non plus prouvé que le médecin de garde aurait réalisé, dès 4 h 30 l'extraction de l'enfant en urgence ; le lien de causalité entre les fautes reprochées au centre hospitalier et le décès de l'enfant fait défaut ; selon l'anatomo-pathologiste qui a réalisé l'examen du foetus, l'infection remontait à plus de 48 h ; l'infection néonatale à streptocoque B est associée à une mortalité comprise entre 5 à 20 % des cas ; à titre subsidiaire, le Tribunal a surévalué la réparation de l'éventuelle perte de chance évoquée par l'expert ; ce préjudice peut tout au plus être évalué à 17 000 euros ; une expertise complémentaire serait utile ;

Vu, enregistré le 12 avril 2010, un mémoire en défense présenté pour M. et Mme A tendant au rejet de la requête et, à titre incident, au relèvement de l'indemnité allouée, ainsi qu'à la condamnation du centre hospitalier à leur verser la somme de 3 000 euros tant en première instance qu'en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la sage-femme a l'obligation de prévenir le médecin dès que les soins débordent de sa compétence ; le rapport d'expertise est précis lorsqu'il indique que le médecin aurait dû être prévenu à l'admission et surtout à 4 h 30 devant l'apparition de signes anormaux ; la prise en charge du streptocoque dont Mme A était porteuse n'était pas conforme aux recommandations de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé ; la souffrance foetale à l'accouchement et le décès de l'enfant sont la conséquence d'une infection due au streptocoque porté par la mère ; les fautes relevées par l'expert sont nombreuses et répétées ; la perte de chance est de 100 % eu égard aux fautes commises avant 4 h 10 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2011 :

- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Marginean- Faure, rapporteur public ;

Considérant que Mme A a été admise au CENTRE HOSPITALIER DE MACON le 19 août 2006 à 20 h 20, après rupture spontanée des membranes et prise en charge par une sage-femme ; que le médecin de garde, appelé le 20 août vers 8 h 30, pratiqua l'accouchement ; que Mme A donna naissance à un enfant en état de mort apparente qui ne pourra être réanimé ; qu'après autopsie, le décès a été imputé à une pneumonie aigue bilatérale avec inondation massive de liquide amniotique et infarcissement étendu du tissu pulmonaire ; que par jugement du 4 juin 2009, le Tribunal administratif de Dijon a reconnu la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE MACON du fait de défaillances dans la prise en charge de la parturiente et le fonctionnement du service d'obstétrique et l'a condamné à verser à M. et Mme A la somme de 13 200 euros chacun, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007 ; que par les voies de l'appel principal et de l'appel incident le CENTRE HOSPITALIER DE MACON, d'une part, et M. et Mme A, d'autre part, contestent ce jugement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A, qui était porteuse d'un streptocoque B, a été admise au CENTRE HOSPITALIER DE MACON le 29 août 2006 à 20 h 20, après une rupture spontanée des membranes ; que les recommandations des autorités médicales émises dès l'année 2001 préconisaient, en cas de rupture des membranes à terme, le déclenchement du travail, un différé de 48 h étant possible, sauf en cas de portage de bactéries à haut risque infectieux auquel cas le déclenchement devait être immédiat ; que la décision de déclenchement du travail est d'ordre médical, ce qui impliquait nécessairement, dans le cas de Mme A présentant des facteurs de haut risque infectieux, de prévenir le médecin de garde dès son admission ; que conformément aux recommandations des autorités médicales alors en vigueur, l'hôpital aurait dû ensuite lui appliquer le protocole accouchement pour l'antibiothérapie , c'est-à-dire procéder à une injection d'une dose d'antibiotique non seulement à l'admission mais également toutes les 4 heures et non pas toutes les 8 heures ; que le centre hospitalier ne saurait utilement invoquer l'absence de salle de travail disponible ;

Considérant, en outre, qu'il résulte de l'expertise prescrite par le Tribunal qu'à partir de 4 h 30 la découverte de certains indicateurs de gravité, comme la présence d'un liquide amniotique méconial et de troubles du rythme cardiaque foetal, auraient dû conduire la sage-femme à prévenir le médecin ; qu'ainsi les défaillances dans la prise en charge de Mme A et le fonctionnement du service d'obstétrique constituent une faute de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE MACON ; que, dès lors, le CENTRE HOSPITALIER DE MACON n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à réparer les préjudices directement causés par cette faute, sans qu'il soit utile pour la solution du litige de prescrire une expertise complémentaire ;

Sur le préjudice moral subi par M. et Mme A :

Considérant, toutefois, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise qui n'est entaché d'aucune contradiction, que la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER DE MACON est à l'origine de façon certaine et directe, non pas du décès de l'enfant, mais d'une perte de chance de survie d'un enfant en bonne santé ; que, compte tenu des risques d'échec d'une antibiothérapie même conduite dans des conditions adéquates, qui sont estimés par l'expert à plus de 30 % des cas, le tribunal administratif a fait une juste appréciation de la perte de chance de survie en bonne santé de l'enfant en l'évaluant à 60 % ;

Considérant, toutefois, que la somme de 22 000 euros servant de base à chacun des époux A au titre de leur préjudice moral est excessive ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 17 000 euros ; que compte tenu de la fraction de 60 % retenue ci-dessus, il y a lieu d'accorder à M. et Mme A une somme de 10 200 euros chacun, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007 ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dépens de première instance doivent être maintenus à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE MACON ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE MACON a été condamné à payer à M. et Mme A chacun par l'article 1er du jugement susvisé du Tribunal administratif de Dijon est ramenée à 10 200 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007.

Article 2 : Le jugement susvisé est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE MACON et les conclusions de M. et Mme A présentées devant la Cour sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE MACON, à M. et Mme A et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 10 février 2011 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2011.

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N° 09LY01966

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01966
Date de la décision : 15/03/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: Mme Frédérique STECK-ANDREZ
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SAINT-MARTIN CRAYTON DANIELE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-03-15;09ly01966 ?
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