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03/03/2011 | FRANCE | N°10LY01107

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 mars 2011, 10LY01107


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 mai 2010, présentée par le PREFET DE l'ISERE ;

Le PREFET DE l'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000210, du 26 avril 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de M. Rachid A, d'une part, annulé son arrêté du 23 décembre 2009 qui a refusé à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire à destination de son pays d'origine et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention " vie pr

ivée et familiale ", dans un délai de deux mois ;

2°) de rejeter la demande présen...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 mai 2010, présentée par le PREFET DE l'ISERE ;

Le PREFET DE l'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000210, du 26 avril 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de M. Rachid A, d'une part, annulé son arrêté du 23 décembre 2009 qui a refusé à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire à destination de son pays d'origine et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Le PREFET DE l'ISERE soutient qu'il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la demande de regroupement familial présentée par l'épouse de M. A a été rejetée au motif qu'il séjournait en France ; que rien ne présage de l'issue d'une nouvelle demande ; que l'arrêté litigieux n'est intervenu que cinq mois après le début de leur vie commune ; que M. A a résidé deux ans en Italie et conserve des attaches familiales en Algérie où sa femme peut le suivre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 28 juillet 2010, le mémoire en défense présenté pour M. Rachid A qui conclut au rejet de la requête et demande que la somme mise par le Tribunal à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, soit portée à 1 200 euros ; il soutient que l'arrêté litigieux portant refus de titre est insuffisamment motivé ; que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; que l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît, ainsi que l'a jugé le Tribunal, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'eu égard à la situation financière de son épouse, il ne peut prétendre au bénéfice du regroupement familial ; qu'il est en droit d'obtenir un titre sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il justifie de l'attribution de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'il ne peut, en conséquence, faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Vu la décision, en date du 15 septembre 2010, du bureau d'aide juridictionnelle, accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2011 :

- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que le PREFET DE L'ISERE relève appel du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 26 avril 2010 qui, d'une part, a annulé son arrêté du 23 décembre 2009 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire à destination de son pays d'origine et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant algérien, né le 14 mars 1972, qui résidait en Italie depuis 2007, sous couvert d'un titre de séjour " salarié ", est entré en France, selon ses déclarations, le 13 juillet 2009 pour y rejoindre sa conjointe de même nationalité, entrée sur le territoire en 2003 et qu'il a épousée le 17 août 2007 ; qu'alors que les intéressés ont tous deux passé la majeure partie de leur vie en Algérie, que M. A n'y est pas dépourvu d'attaches familiales et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les problèmes de santé allégués ne pourraient pas être pris en charge en Algérie ni, qu'à la date de la décision litigieuse, le couple suivait un traitement contre la stérilité, rien ne fait obstacle, alors qu'il n'est pas justifié d'une intégration quelconque des intéressés en France, notamment professionnelle, à ce que M. A poursuive, avec son épouse, sa vie privée et familiale dans son pays d'origine ; qu'il s'ensuit qu'en refusant la délivrance d'un certificat de résidence à M. A, le PREFET DE L'ISERE n'a pas porté au droit de ce dernier au respect d'une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 23 décembre 2009 du PREFET DE L'ISERE qui a refusé à M. A la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire à destination de son pays d'origine ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant devant le Tribunal administratif de Grenoble, que devant la Cour ;

Sur la légalité de l'arrêté du PREFET DE L'ISERE du 23 décembre 2009 en tant qu'il porte refus de titre de séjour :

Considérant que, par un arrêté du 17 juillet 2009 régulièrement publié le 20 du même mois au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, le PREFET DE L'ISERE a donné délégation à M. Lobit, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses, sous réserve d'exceptions dont ne relève pas l'arrêté litigieux ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit ainsi être écarté ;

Considérant que l'arrêté litigieux comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des motifs mêmes de l'arrêté litigieux que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de M. A, nonobstant la circonstance qu'il lui aurait à tort opposé la possibilité de recourir à la procédure de regroupement familial ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment dans le cadre de l'examen du respect des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le PREFET DE L'ISERE n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d' autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. A résidait en France depuis plus d'un an et était, à la date de l'arrêté litigieux, titulaire d'un certificat de résidence d'un an ; que M. A se trouvait ainsi dans l'une des catégories d'étrangers dont la situation permettait la mise en oeuvre de la procédure de regroupement familial prévue par les stipulations de l'accord franco-algérien susvisé et ce, nonobstant les circonstances que son épouse ne disposait pas de ressources suffisantes et que, par une décision du 3 juillet 2009, le PREFET DE L'ISERE a rejeté la demande de regroupement familial formée par cette dernière le 15 juin 2009, au motif que son époux résidait en France sans être titulaire d'un titre de séjour, dès lors que ce refus ne saurait avoir pour effet de le priver définitivement de toute possibilité de bénéficier de cette procédure ; que, par suite, M. A ne peut pas invoquer utilement les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

Sur la légalité de l'arrêté du PREFET DE L'ISERE du 23 décembre 2009 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire :

Considérant que, pour les mêmes motifs énoncés ci-avant dans le cadre de l'examen de la légalité externe de l'arrêté portant refus de titre de séjour, l'arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français n'est pas entaché d'incompétence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité du refus de titre doit être écartée ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que précédemment, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant que M. A n'ayant aucun droit au séjour ni au regard des dispositions du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni au regard des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'est pas fondé à soutenir qu'il entrait dans la catégorie des étrangers ne pouvant pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 121-1 ou des stipulations d'un accord international, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France doit, après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée en France, être muni d'une carte de séjour. " et qu'aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I.-L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. " ;

Considérant que M. A est, selon ses propres déclarations, entré en France le 13 juillet 2009 ; que la circonstance qu'il était alors titulaire d'un passeport en cours de validité et d'un titre de séjour délivré par un Etat membre de l'Union européenne ne lui donnait aucun droit au séjour au-delà d'un délai de trois mois suivant son entrée sur le territoire ; que, par suite, le PREFET DE L'ISERE a pu, le 23 décembre 2009, après lui avoir refusé la délivrance d'un titre de séjour, assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 23 décembre 2009 et lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour " vie privée et familiale " ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A, qui est la partie perdante, obtienne quelque somme que ce soit au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 26 avril 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble et les conclusions qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à M. Rachid A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 3 février 2011 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mars 2011.

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N° 10 LY01107

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01107
Date de la décision : 03/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : KUMMER FREDERIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-03-03;10ly01107 ?
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