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22/02/2011 | FRANCE | N°10LY02421

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 22 février 2011, 10LY02421


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 octobre 2010, présentée pour la SOCIETE TOUPARGEL, dont le siège est 13 Chemin des Prés Secs à Civrieux d'Azergues (69380) ;

La SOCIETE TOUPARGEL demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0908180 du 17 août 2010 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittés au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;

2°) d'ordonner, outre intérêts

moratoires, le remboursement ou, à défaut, la restitution de la somme de 2 324 792 eur...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 octobre 2010, présentée pour la SOCIETE TOUPARGEL, dont le siège est 13 Chemin des Prés Secs à Civrieux d'Azergues (69380) ;

La SOCIETE TOUPARGEL demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0908180 du 17 août 2010 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittés au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;

2°) d'ordonner, outre intérêts moratoires, le remboursement ou, à défaut, la restitution de la somme de 2 324 792 euros ;

3°) de lui allouer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la remise en cause des dégrèvements accordés à la société Agrigel, aux droits de laquelle elle vient, viole le droit au respect des biens protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'administration ne pouvait revenir sur ses décisions de dégrèvement sans exercer son droit de reprise dans le délai prévu par l'article L. 176 du livre des procédures fiscales et suivre une nouvelle procédure de rectification interrompant la prescription ; que la procédure de redressement contradictoire aurait dû être respectée, l'administration s'étant fondée pour retirer le dégrèvement, sur une erreur dans les bases de liquidation et n'ayant donc pas rétabli l'impôt sur les mêmes bases et dans les mêmes conditions que celles qui avaient été déclarées ; que la taxe litigieuse, après le 1er janvier 2001, n'est pas une nouvelle taxe dépourvue de tout lien avec le service public de l'équarrissage, qu'elle continue de financer, nonobstant le changement d'affectation de son produit ; que sa base juridique et ses modalités de déclaration et de recouvrement sont identiques ; qu'il n'y a pas eu notification à la Commission européenne comme exigé par l'article 88 paragraphe 3 du traité instituant la Communauté européenne ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu la lettre en date du 6 janvier 2011 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour est susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;

Vu les observations enregistrées le 19 janvier 2011, présentées pour la SOCIETE TOUPARGEL acquiesçant audit moyen ;

Vu le mémoire enregistré le 20 janvier 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; le ministre conclut au rejet de la requête ou, à défaut, au rejet de la demande de restitution ; il soutient que l'administration peut toujours établir une nouvelle imposition à condition d'informer le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer, comme cela a été le cas en l'espèce ; que la remise en cause du dégrèvement qui avait été accordé n'a pas violé le droit au respect des biens protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'à compter du 1er janvier 2001 le produit de la taxe abondait le budget général de l'Etat ; que les circonstances de fait soumises à la Cour de justice des Communautés européennes étaient différentes dès lors que l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2000 a supprimé l'affectation du produit de la taxe sur les achats de viande à un fonds spécifique et a affecté ce montant au budget général de l'Etat ; que la Commission a constaté, dans sa décision du 14 décembre 2004, l'absence de lien entre la taxe et le financement du service public de l'équarrissage ; qu'ainsi, ne faisant pas partie intégrante d'une mesure d'aide à compter du 1er janvier 2001, le dispositif de la taxe sur les achats de viande n'avait pas être notifié au préalable à la Commission, comme l'a jugé d'ailleurs le Conseil d'Etat à deux reprises ; que la demande s'agissant des intérêts moratoires est irrecevable en absence de litige né et actuel ;

Vu le mémoire enregistré le 25 janvier 2011, présenté pour la SOCIETE TOUPARGEL ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment ; elle soutient en outre que l'administration ne pouvait remettre en cause la décision de dégrèvement au motif que son interprétation de la loi fiscale avait évolué ; que la nouvelle imposition ne permet pas à l'administration de réclamer la restitution des intérêts moratoires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code rural ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2011 :

- le rapport de M. Chanel, président ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant que la société Agrigel, aux droits de laquelle vient la SOCIETE TOUPARGEL, s'est vu restituer, outre intérêts moratoires, les droits de taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittés au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ; qu'après avoir repris la procédure, l'administration a remis en recouvrement ces impositions, ainsi que les intérêts moratoires susmentionnés, par deux avis de mise en recouvrement du 22 octobre 2007 au nom de la SOCIETE TOUPARGEL ; que cette dernière interjette appel de l'ordonnance du 17 août 2010 par laquelle le président de la quatrième chambre du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, en droits et pénalités, à la décharge des sommes ainsi réclamées ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du Tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : / (...) 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'Etat en application de l'article L. 113-1. (...) ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 742-2 du même code : Dans le cas prévu au 6° des articles R. 122-12 et R. 222-1, l'ordonnance vise la décision ou l'avis par lequel ont été tranchées ou examinées les questions identiques à celles que la requête présente à juger. ;

Considérant que l'ordonnance attaquée se fonde sur les décisions nos 312098 et 313502 du 27 juillet 2009 et n° 337538 du 23 juillet 2010 du Conseil d'Etat ainsi que sur l'avis n° 334465 rendu le 1er avril 2010, dont aucun ne tranchait l'ensemble des questions de droit ou de qualification de faits qui étaient soumises aux premiers juges ; qu'ainsi le président de la quatrième chambre du Tribunal administratif de Lyon ne pouvait faire usage des pouvoirs qu'il tire du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de la SOCIETE TOUPARGEL ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE TOUPARGEL devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts applicables à la période en litige, la taxe sur les achats de viande est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures que la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : Pour les taxes sur le chiffre d 'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. ; que l'article L. 168 du même livre dispose que : Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts. ; qu'il résulte de ces dispositions que la circonstance qu'une imposition a été dégrevée à tort ne fait pas obstacle à ce que l'administration, qui ne peut renoncer au bénéfice de la loi fiscale, établisse une nouvelle imposition au titre de la même période, tant que le délai de reprise dont elle dispose n'est pas expiré, soit, en l'espèce, jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible ; qu'il appartient seulement à l'administration, dans ce cas, d'informer préalablement le contribuable de la persistance de son intention d'imposer ;

Considérant que par décisions des 22 et 28 septembre 2004, l'administration a prononcé, à la demande de la société Agrigel, le dégrèvement de la taxe sur les achats de viande versée par elle au titre des périodes correspondant, respectivement, aux années 2002 et 2003, lui a restitué les sommes perçues, puis, dans ses lettres en date des 12 et 15 novembre 2004, l'a informée de son intention de retirer ces décisions ; qu'en décembre 2004, l'administration lui a notifié deux propositions de rectification en précisant qu'il s'agissait ainsi de corriger l'erreur commise lors des dégrèvements et qu'elle envisageait de lui demander de restituer les sommes indûment versées ;

Considérant que l'administration, qui, sur le fondement des dispositions précitées du livre des procédures fiscales dispose du pouvoir de réparer les erreurs d'imposition en matière de taxe sur les achats de viande, a pu régulièrement utiliser la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales pour faire connaître au redevable la nature et le motif du redressement envisagé, alors même qu'il n'était reproché à la société aucune insuffisance, inexactitude, omission ou dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de la taxe et que l'objet était de corriger une erreur d'imposition ; que les deux propositions de rectification en date du 20 décembre 2004, qui exposent les raisons de l'erreur commise quant à la légalité de la taxe et en tirent pour conséquence que le remboursement dont le redevable a bénéficié à tort pour chaque période concernée devra faire l'objet d'une restitution à l'Etat, ont été motivées de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation conformément à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi doit être écarté le moyen tiré de ce que l'administration n'a ni mis en oeuvre la procédure de rectification contradictoire ni respecté les articles L. 55 et L. 57 du livre des procédures fiscales et, par suite, ne pouvait remettre l'imposition à la charge du redevable ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...)/2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (..,)/ 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure et, d'autre part, que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : II est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que l'intention du gouvernement et du législateur exprimée à l'occasion de débats parlementaires de ne pas obérer le budget général de l'Etat des dépenses autrefois supportées par le fonds spécial géré par le CNASEA et la corrélation constatée entre le produit de la taxe et les dépenses à couvrir ne suffisent pas, à elles seules, à établir un tel lien ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant plus, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de lien d'affectation contraignant entre elle et le service public de l'équarrissage, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant que compte tenu de l'absence susmentionnée de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, sont inopérants, au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande en litige, le moyen tiré de ce que le régime d'aide constitué par le service public de l'équarrissage aurait dû être notifié à l'origine à la Commission européenne et le moyen tiré de ce que le service public de l'équarrissage méconnaîtrait le principe pollueur-payeur ;

Considérant qu'aux termes de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne : Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (...) ; que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane interdite par l'article 25 du traité, ou d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ; que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant qu'en fixant un seuil de chiffre d'affaires annuel en deçà duquel les entreprises sont exonérées de la taxe sur les achats de viande, l'article 302 bis ZD du code général des impôts poursuit un objectif d'intérêt public et se fonde sur un critère rationnel en rapport avec les objectifs du prélèvement qu'il institue ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions de cet article introduiraient une discrimination contraire au principe d'égalité doit, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant que le principe de sécurité juridique ne faisait pas obstacle, d'une part, à ce qu'un changement de législation intervînt à compter du 1er janvier 2001 afin de rendre le système de prélèvement de la taxe sur les achats de viande compatible avec le droit communautaire et, d'autre part, à ce que l'administration, qui avait compétence liée pour établir et mettre en recouvrement les impositions prévues par la loi, pût rétablir les impositions dont il s'agit sur le fondement du régime légal applicable à partir de l'année 2001 dans le respect des règles de la procédure fiscale contentieuse ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ; qu'en notifiant en décembre 2004 au redevable des propositions de rectification suffisamment motivées pour l'ensemble de la période litigieuse, l'administration a interrompu la prescription ; que, par suite, les avis de mise en recouvrement émis en octobre 2007 ont été notifiés dans le délai de reprise de trois ans fixé par les dispositions précitées de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales ;

Considérant que les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne font pas obstacle à ce qu'après avoir prononcé un dégrèvement et restitué au contribuable les sommes qu'il avait versées, l'administration rétablisse l'imposition qui était due et réclame le reversement desdites sommes, dès lors que, comme en l'espèce, elle respecte les règles applicables ;

Considérant que la note du 6 janvier 2004 émanant du service juridique de la direction générale des impôts présente le caractère d'un document interne à l'administration qui n'a pas fait l'objet de la part de celle-ci d'une diffusion destinée aux contribuables ; que, dès lors, la société requérante ne saurait utilement l'invoquer sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ; qu'elle ne peut pas davantage se prévaloir des dégrèvements non motivés obtenus ;

Sur le reversement des intérêts moratoires :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...) ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient à l'administration de payer d'office les intérêts en même temps que les sommes remboursées en raison des dégrèvements prononcés, un tel paiement ne procédant pas d'une décision administrative créatrice de droits ; qu'il résulte nécessairement des mêmes dispositions que, lorsqu'une procédure de rectification ou une instance juridictionnelle aboutit au rétablissement de l'imposition dégrevée, les intérêts perçus doivent selon les mêmes principes être reversés par le contribuable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la SOCIETE TOUPARGEL n'est pas fondée à demander la décharge des impositions en litige, ni, outre intérêts moratoires, le remboursement ou la restitution de la somme de 2 324 792 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat au profit de la SOCIETE TOUPARGEL une somme quelconque en application de cet article ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal administratif de Lyon du 17 août 2010 est annulée.

Article 2 : La demande de la SOCIETE TOUPARGEL, ainsi que le surplus de sa requête, est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE TOUPARGEL et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 1er février 2011 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président,

MM. Pourny et Levy Ben Cheton, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 22 février 2011.

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N° 10LY02421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02421
Date de la décision : 22/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-22;10ly02421 ?
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