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03/02/2011 | FRANCE | N°10LY00532

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 février 2011, 10LY00532


Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2010 au greffe de la Cour, présentée pour l'EURL CHEBEL dont le siège social est 320 Avenue Berthelot à Lyon (69008), par la société d'avocats Fiscavoc inscrite au barreau de Lyon ;

L'EURL CHEBEL doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement nos 0707190-0707191 du Tribunal administratif de Lyon du 29 décembre 2009 en tant qu'il a rejeté ses demandes en décharge, d'une part, des rappels d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2003 et 2004,

d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont ell...

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2010 au greffe de la Cour, présentée pour l'EURL CHEBEL dont le siège social est 320 Avenue Berthelot à Lyon (69008), par la société d'avocats Fiscavoc inscrite au barreau de Lyon ;

L'EURL CHEBEL doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement nos 0707190-0707191 du Tribunal administratif de Lyon du 29 décembre 2009 en tant qu'il a rejeté ses demandes en décharge, d'une part, des rappels d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2003 et 2004, d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er novembre 2002 au 31 octobre 2005 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à son profit, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que c'est à tort que la comptabilité a été déclarée non probante ; que le seul grief qui lui a été fait est de ne pas avoir enregistré le détail des recettes, alors que la documentation administrative DB 4-J-334 paragraphe 6 du 25 juin 1998 admet l'enregistrement global des recettes en fin de journée lorsque la multiplicité et le rythme élevé des ventes de faible montant font pratiquement obstacle à la tenue d'une main courante, à condition toutefois que la comptabilité soit bien tenue et que les résultats soient en rapport avec l'importance et la production apparente de l'entreprise ;

- que la proposition de rectification est fondée sur les éléments des données informatiques de l'ensemble de l'année 2005 alors que l'avis de vérification limitait la période contrôlée à la date du 30 octobre 2005 ;

- que le défaut de description des traitements informatiques mis en oeuvre par le vérificateur spécialisé en informatique, en infraction avec les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ne lui a pas permis de formuler des observations pertinentes ;

- que les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas motivées ; qu'une méthode de reconstitution invalide ne peut justifier des minorations alléguées du chiffre d'affaires, que la proposition de rectification du 4 juillet 2006 vise l'impôt sur le revenu et non l'impôt sur les sociétés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que le document retraçant le montant global par jour des espèces encaissées pour la période du 1er novembre 2002 au 31 octobre 2004 ne permettait ni de justifier de la consistance exacte des recettes ni de réaliser un rapprochement entre les achats de téléphonie auprès des opérateurs et les recettes réalisées ; que l'autorisation d'enregistrement comptable global des recettes en fin de journée n'interdit de rejeter la comptabilité que si le commerçant peut justifier le détail des ventes par des fiches de caisse ou par une main courante ;

- que, compte tenu des carences constatées, la réalisation d'un traitement informatique s'est avérée nécessaire pour appréhender la consistance des recettes liées aux appels téléphoniques de la clientèle ; que le traitement informatique réalisé le 13 avril 2006 a révélé que les données conservées sur support informatique étaient limitées à la période du 30 septembre 2004 au 31 octobre 2005, et que les données antérieures avaient été perdues à la suite d'une panne et n'avaient pas été reprises lors de l'installation d'un nouveau système informatique ; que la comptabilité n'avait donc aucune valeur probante ;

- que la reconstitution a été opérée à partir des factures des fournisseurs de téléphonie recueillies par exercice du droit de communication à partir desquelles il a été possible de connaître le temps de communication par pays et de trois listings utilisables fournis par l'entreprise et comportant le montant des ventes et des recettes, ce qui a permis de connaître le prix de vente par pays et par seconde, données auxquelles ont été appliquées les durées de communication ;

- que la société a disposé de tous les éléments pour présenter ses observations ; que les calculs de prix de vente par seconde et par pays ont été établis à partir des listings remis par l'entreprise ; que les investigations du vérificateur ont été limitées aux opérations clôturées au 31 octobre 2005 ainsi qu'en attestent les tableaux produits ;

- que les huit fichiers de résultat du traitement informatique réalisé sur le matériel de l'entreprise ont été mis à la disposition de l'exploitant ;

- qu'il a paru possible au niveau des réclamations de procéder à de nouvelles estimations du chiffre d'affaires ;

- que la bonne foi a été écartée à raison des irrégularités comptables de la comptabilité présentée, à la non conservation sur support informatique des données comptables antérieures à 2004, des minorations importantes du chiffre d'affaires imposable à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée ; que si, par une erreur de plume, l'impôt sur le revenu a été mentionné dans le texte de la proposition de rectification, le titre du paragraphe indiquait bien l'impôt sur les sociétés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2011 :

- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que l'EURL CHEBEL, dont le siège social est 320 avenue Berthelot à Lyon, exploite, d'une part, une activité de plâtrerie-peinture, d'autre part, une activité de call box dans deux magasins situés à Vienne et à Givors, dans lesquels elle propose des communications téléphoniques à destination de la France ou de l'étranger, ainsi que divers autres services tels que la réalisation de photocopies ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er novembre 2002 au 31 octobre 2005 ; que, si son activité d'entreprise en bâtiment n'a fait l'objet d'aucun redressement, le vérificateur a écarté comme ni sincère ni probante la comptabilité de la branche d'activité de mise à disposition de prestations téléphoniques et a reconstitué son chiffre d'affaires ; que les rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à la suite de ce contrôle ont été réduits en réponse à la réclamation contentieuse ; que la société fait appel du jugement du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'après avoir prononcé, pour un motif lié à la régularité de la procédure, la décharge du rappel d'impôt sur les sociétés relatif à l'année 2005, il a rejeté le surplus de ses conclusions en décharge des impositions restant en litige ;

Sur le moyen tiré du caractère probant de la comptabilité :

Considérant qu'il n'est pas contesté que le gérant de l'EURL n'a produit au vérificateur qu'un journal de caisse retraçant le montant global des espèces perçues quotidiennement, mais aucun document permettant de retracer en corrélation la destination des appels, le nombre des communications, leur durée, le prix d'achat et de vente des appareils ou le nombre des cartes téléphoniques vendues ; que, malgré l'usage d'un logiciel permettant de recueillir de telles données, il a indiqué lors du contrôle que les données informatiques antérieures à 2004 avaient été perdues et qu'il n'était pas possible d'éditer le détail des communications et recettes ; que, par ailleurs, le vérificateur a été obligé de faire usage du droit de communication de l'administration auprès des fournisseurs d'accès au réseaux téléphoniques pour obtenir les conditions de facturation de ceux-ci ; que de tels manquements interdisaient au vérificateur d'effectuer les recoupements nécessaires pour effectuer le contrôle de la cohérence entre les recettes déclarées et les autres données de l'exploitation ; que, si la société se réfère au paragraphe 6 de la documentation administrative 4-G-3334, selon lequel Toutefois pour tenir compte des conditions d'exercice du commerce de détail lorsque la multiplicité et le rythme élevé des ventes de faible montant font pratiquement obstacle à la tenue d'une main courante, il est admis que l'enregistrement global des recettes en fin de journée ne suffise pas à lui seul à faire écarter la comptabilité présentée à condition que celle-ci soit, par ailleurs, bien tenue et que les résultats - et notamment le bénéfice brut - qu'elle accuse soient en rapport avec l'importance et la production apparente de l'entreprise. ... , elle ne peut utilement l'invoquer dès lors qu'il ressort du procès-verbal de carence de pièces comptables établi le 9 février 2006, qu'outre le brouillard de caisse, elle n'a pas été en mesure de présenter de livre journal ; que le vérificateur invoque également l'absence de tarifs d'achat hors taxe et de vente toutes taxes comprises par pays ; qu'ainsi la société ne remplissait pas la condition fixée par la doctrine citée selon laquelle la comptabilité devait être par ailleurs, bien tenue ;

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : Un examen contradictoire de la situation personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix. (...) ; que l'article L. 47 A de ce même livre dispose : Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l'administration fiscale peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 57 : L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / En cas d'application des dispositions de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. (...) ;

Considérant, en premier lieu, que la proposition de rectification adressée à l'EURL CHEBEL expose que le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise selon une première méthode fondée sur le coefficient de marge retiré du logiciel de l'entreprise par extraction informatique des données concernant l'exercice allant du mois de novembre 2004 au mois d'octobre 2005, seul disponible, et étendu aux exercices clos les 31 octobre 2003 et 31 octobre 2004, puis selon une seconde méthode consistant, par exercice du droit de communication, à obtenir des fournisseurs d'accès aux réseaux l'ensemble des factures d'achat de la période et le détail des communications par mois, par pays de destination et par durée en secondes et que dans un souci d'exhaustivité et d'équité, il a été retenu la deuxième méthode pour l'ensemble de la période vérifiée ; que l'annexe 1 de la proposition de rectification donne le détail des données extraites dans le cadre de la première méthode et l'annexe 2 le détail des données obtenues par l'exercice du droit de communication lesquelles sont accompagnées de tableaux récapitulatifs permettant de déterminer notamment pour chaque destination et chaque année le prix de vente par seconde, hors taxe et toutes taxes comprises ; que, par suite, l'EURL CHEBEL n'est pas fondée à soutenir que ladite proposition était insuffisamment motivée au sens du 1er alinéa de l'article L. 57 précité ;

Considérant, en second lieu, que l'EURL CHEBEL soutient que l'administration a méconnu les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 57 précité dès lors qu'elle n'a pas exposé, dans la proposition de rectification, la nature des traitements qu'elle avait effectués en application des dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que la proposition de rectification précise, en sa page 4, qu'une demande de traitements informatiques a été remise au contribuable ayant pour objet d'étudier les recettes perçues toutes taxes comprises en raison des appels téléphoniques réalisés par les clients dans les établissements de Saint-Chamond et de Vienne pour l'ensemble des exercices vérifiés, que le contribuable a confié aux agents de l'administration le soin de réaliser ces traitements, que ceux-ci ont été réalisés le 13 mars 2006 sur les micro-ordinateurs présents dans lesdits établissements et qu'une copie de chacun de ces fichiers a été enregistrée sur vos micro-ordinateurs et laissée à votre disposition , d'autre part, que l'absence de conservation des données sur support informatique rendant impossible la réalisation intégrale des traitements demandés , le vérificateur a renoncé à utiliser lesdits traitements pour asseoir les redressements et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires selon une seconde méthode ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les données obtenues par l'extraction informatique partielle, bien que non utilisées, ont été détaillées en annexe 1, pages 1 à 6, de la proposition de rectification ; que, dans ces conditions, l'EURL CHEBEL n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales ;

Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la reconstitution du chiffre d'affaires :

Considérant que si la société soutient que l'administration s'est fondée sur des données des mois de novembre et décembre 2005, non soumis à contrôle, pour asseoir les redressements, il résulte de l'instruction que les documents remis par la société requérante ont servi à établir le prix de vente par pays et par seconde et qu'à supposer que des données portant sur les deux derniers mois de l'année 2005 aient été prises en considération, il est constant que le tarif ainsi obtenu n'a été appliqué qu'en fonction des consommations effectives des seuls mois inclus dans la période vérifiée ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

Sur les pénalités :

Considérant, en premier lieu, que les irrégularités comptables, les manquements aux obligations fiscales de conservation des données et les minorations de chiffre d'affaires réitérées sur toute la période vérifiée révèlent l'intention d'éluder l'impôt et suffisent à justifier les pénalités de mauvaise foi ;

Considérant, en second lieu, qu'est sans incidence sur leur motivation la circonstance que, par une erreur de plume, le vérificateur a, dans le corps de la proposition de rectification, fait état de l'impôt sur le revenu au lieu de l'impôt sur les sociétés alors que le titre du paragraphe en cause mentionnait à juste titre l'impôt sur les sociétés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon, par le jugement attaqué, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes ;

Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par l'EURL CHEBEL et non compris dans les dépens ; qu'au surplus les frais en cause ne sont pas chiffrés ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL CHEBEL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL CHEBEL et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2011 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2011.

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N°10LY00532


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00532
Date de la décision : 03/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Denis RAISSON
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : SOCIETE FISCAVOC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-03;10ly00532 ?
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