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18/01/2011 | FRANCE | N°10LY00851

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 18 janvier 2011, 10LY00851


Vu le recours, enregistré à la Cour, le 19 avril 2010, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905797, en date du 23 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté en date du 30 novembre 2009 par lequel il a refusé à M. Abdeljamel la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé ;

2°) de rejeter la demande présentée

par M. devant le Tribunal ;

Il soutient que dès lors que l'intéressé ne peut se préva...

Vu le recours, enregistré à la Cour, le 19 avril 2010, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905797, en date du 23 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté en date du 30 novembre 2009 par lequel il a refusé à M. Abdeljamel la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. devant le Tribunal ;

Il soutient que dès lors que l'intéressé ne peut se prévaloir de la majorité de son séjour en France qui s'est déroulée irrégulièrement, qu'il n'établit sa présence qu'entre avril 2004 et février 2007, qu'il a vécu pendant vingt-quatre ans en Algérie où il a conservé toutes ses attaches familiales et qu'il n'établit pas qu'il aurait tissé des liens personnels en France tels que les décisions contestées porteraient une atteinte disproportionnée à sa vie privée, les premiers juges ne pouvaient annuler ses décisions au motif de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 19 août 2010, présenté pour M. , qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la confirmation de la décision de première instance et, en conséquence, à l'annulation de l'arrêté en date du 30 novembre 2009 par lequel le PREFET DE L'ISERE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE L'ISERE de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'appel du PREFET qui repose sur des motifs identiques à ceux opposés dans le cadre des décisions attaquées et en défense est irrecevable ;

- dès lors qu'il vit en France depuis neuf ans, dont trois ans en situation régulière, qu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée, qu'il n'est pas divorcé mais séparé, qu'il est très bien inséré dans la société française, qu'il n'a pas d'attaches équivalentes en Algérie, le refus de titre porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Considérant que, par décisions du 30 novembre 2009, le PREFET DE L'ISERE a refusé de renouveler le certificat de résidence d'un an en qualité de conjoint de français, dont M. , de nationalité algérienne avait bénéficié pour la période du 25 avril 2007 au 24 avril 2008 et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois en fixant le pays à destination duquel il serait renvoyé ; que le PREFET DE L'ISERE relève appel du jugement, en date du 23 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale , dans un délai d'un mois ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des actions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que pour annuler les décisions du 30 novembre 2009, par lesquelles le PREFET DE L'ISERE a refusé de renouveler le certificat de résidence algérien de M. , le Tribunal administratif de Grenoble a retenu la violation, par ces décisions, des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard notamment à la durée de son séjour en France, au fait qu'il dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'agent de sécurité depuis le 3 décembre 2007, et à sa bonne intégration au sein de la société française ; que toutefois M. qui est entré en France en 2001 a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, le 27 avril 2004 et ne justifie pas s'être maintenu en France entre cette date et le mois de février 2007, date à laquelle il a épousé une ressortissante française, alors que le PREFET conteste sa présence sur le territoire français au cours de cette période ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. qui est séparé de son épouse française, n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où résident ses parents ainsi que ses soeurs ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce, et nonobstant l'insertion sociale, culturelle et professionnelle du requérant en France, le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 30 novembre 2009, pour violation des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. , tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;

Sur la légalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision portant refus de renouvellement de titre énonce les motifs de droit sur lesquels elle se fonde ainsi que les considérations de fait au regard de la situation personnelle de M. ; que, dès lors, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ;

Considérant que, pour les motifs énoncés ci-avant dans le cadre de l'examen du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le refus de titre contesté ne méconnait pas les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, équivalentes à celles de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les ressortissants algériens qui se prévalent de ces dispositions ; que M. ne remplissant pas ces conditions et, en particulier, celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le PREFET DE L'ISERE n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de prendre à son encontre la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ( ...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) ; que par suite, M. ne peut utilement invoquer le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français pris à leur encontre ;

Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-avant dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que, pour les motifs énoncés ci-avant dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que la décision fixant le pays de renvoi de M. est suffisamment motivée en droit par le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que la décision portant obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire ; que cette décision est, par ailleurs, suffisamment motivée en fait par l'indication de ce que l'intéressé est de nationalité algérienne et qu'il pourra être reconduit d'office à la frontière du pays dont il a la nationalité ou de tout pays dans lequel il établirait être légalement admissible ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-avant, les décisions refusant à M. un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité ; que, dès lors, M. n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité desdites décisions à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

Considérant, en dernier lieu, que si M. fait état de menaces dont il aurait fait l'objet en Algérie, il ne produit pas d'élément probant de nature à établir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il pourrait être effectivement exposé à un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE, qui a suffisamment motivé son recours, est fondé à demander l'annulation du jugement du 23 mars 2010 du Tribunal administratif de Grenoble ; que les conclusions de M. aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0905797, en date du 23 mars 2010, du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. devant le Tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à M. Abdeljamel et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2011, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président,

M. Seillet et Mme Dèche, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 18 janvier 2011.

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N° 10LY00851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00851
Date de la décision : 18/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : FRANCES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-01-18;10ly00851 ?
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