Vu le recours, enregistré le 23 juin 2009, du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ;
Le MINISTRE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702559 du 14 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser à Mme A la somme de 20 000 euros ;
2°) de rejeter la demande présentée au Tribunal par Mme A ;
Il soutient que la demande de première instance était irrecevable dès lors que, par jugement devenu définitif du 24 avril 2007, le Tribunal administratif de Dijon avait rejeté la demande de Mme A tendant à l'annulation de la décision fixant le montant de sa pension ; que l'administration n'a pas commis de faute dès lors que la lettre du 4 février 1971 ne comportait pas d'information erronée, que l'intéressée ne pouvait ignorer l'erreur que comportait son dossier d'examen de ses droits à pension établi le 6 septembre 2001 ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu la mise en demeure adressée le 1er décembre 2009 à Mme A, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2009, présenté pour Mme A qui conclut au rejet de la requête et demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que sa demande de première instance n'était pas irrecevable dès lors qu'elle demandait la réparation du préjudice résultant des informations inexactes données par l'administration de l'éducation nationale et non du préjudice résultant de la décision liquidant sa pension de retraite ; que l'administration a commis une faute en lui délivrant le 4 février 1971 et le 6 septembre 2001 une information inexacte sur ses droits à pension ; que cette faute est la cause directe du préjudice qu'elle subit ; que ce préjudice doit être évalué au montant de la perte de ses droits à pension de retraite ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 février 2010, présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE qui persiste dans ses conclusions et moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 26 avril 2010 fixant la clôture d'instruction au 12 mai 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la lettre, en date du 29 novembre 2010, informant les parties que la Cour était susceptible de fonder sa décision sur un moyen relevé d'office ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 décembre 2010, présenté pour Mme A en réponse à l'information donnée par la Cour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu l'ordonnance n° 82-297 du 31 mars 1982 ;
Vu la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 décembre 2010 :
- le rapport de M. Givord, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
Considérant que par la présente requête, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE demande à la Cour d'annuler le jugement du 14 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser à Mme A la somme de 20 000 euros, en réparation du préjudice financier résultant d'une information inexacte délivrée par l'administration et de rejeter la demande présentée par l'intéressée devant le Tribunal ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que Mme A, professeur certifié, a été placée en cessation progressive d'activité le 1er septembre 2001 ; qu'au vu d'un dossier d'examen de ses droits à pension, établi le 6 septembre 2001 par le service des pensions du MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE et faisant apparaître qu'elle bénéficierait d'une pension à taux plein le 1er septembre 2004, elle a demandé à bénéficier, à cette date, d'un congé de fin d'activité ; que cependant, par une décision du 21 mars 2006, il lui a été accordé une pension civile de retraite au taux de 73,55 pour-cent, inférieur au taux plein ; que par un jugement devenu définitif du 24 avril 2007, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision ;
Considérant que la demande présentée au Tribunal administratif de Dijon le 23 novembre 2007 tendait non à la réparation du préjudice résultant de la décision du 21 mars 2006 mais à celle de celui causé par les informations inexactes délivrées à Mme A par les services de l'éducation nationale ; que dès lors, le MINISTRE n'est pas fondé à soutenir qu'elle avait le même objet que les conclusions définitivement rejetées par le Tribunal par son jugement du 24 avril 2007 ; que dès lors, la fin de non-recevoir présentée par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE et tirée du règlement définitif du litige doit être écartée ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant que le dossier d'examen des droits à pension établi par le service des pensions du MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE et transmis à Mme A le 6 septembre 2001 mentionnait une durée de service de l'intéressée, en qualité de stagiaire, de quatre ans onze mois et neuf jours du 1er octobre 1965 au 9 septembre 1970 alors que du 1er octobre 1967 au 30 septembre 1968, elle avait bénéficié d'un congé sans solde pour occuper un poste de lecteur dans une université anglaise ; qu'ainsi, ce document a fait apparaître une majoration inexacte de quatre trimestres de la durée des services qui pouvaient légalement être retenus pour l'ouverture du droit à pension de Mme A ; que cette erreur, alors même que le document mentionnait que les renseignements étaient communiqués à titre d'information et devaient être confirmés par le ministre de l'économie et des finances, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant que, compte-tenu notamment de l'imprécision de la lettre du 4 février 1971 par laquelle le responsable du bureau des pensions de l'éducation nationale informait Mme A que les services de stage qu'elle avait accomplis du 1er octobre 1965 au 10 septembre 1970 et pour lesquels elle avait versé les retenues pour pension civile étaient valables de plein droit pour la retraite sans autre formalité, la circonstance que Mme A n'a pas relevé l'erreur commise par l'administration, le 6 septembre 2001, n'est pas de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A a demandé à bénéficier d'un congé de fin d'activité le 1er septembre 2004 parce qu'elle pensait, au vu du document délivré le 6 septembre 2001, bénéficier à cette date d'une pension à taux plein ; que dès lors, la faute commise par l'administration est la cause directe du préjudice résultant de la perte de droits à pension dont Mme A demande la réparation ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance susvisée du 31 mars 1982, les fonctionnaires qui ont été admis à bénéficier de la cessation progressive d'activité sont mis à la retraite au plus tard à la fin du mois au cours duquel ils réunissent les conditions requises pour obtenir une pension à jouissance immédiate ; que Mme A, née le 4 avril 1946 et qui réunissait le 30 avril 2006 les conditions requises pour obtenir une pension à jouissance immédiate, devait être mise à la retraite au plus tard à cette date ; qu'il résulte de l'instruction qu'à cette date, le total des services et bonifications qui pouvaient être retenus pour l'ouverture des droits à pension était de 156 trimestres ; qu'ainsi, Mme A ne pouvait bénéficier d'une pension de retraite excédant 75 pour-cent de son traitement d'activité ; qu'en deuxième lieu, le préjudice résultant d'une perte de revenus doit être évalué non sur le montant brut de la perte mais sur le montant net de celle-ci, déduction faite des retenues obligatoires ; que dans ces conditions, le préjudice financier subi par Mme A et résultant de la faute commise par l'administration doit être évalué à la somme de 14 975 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est seulement fondé à demander que le montant de la somme que l'Etat a été condamné à verser à Mme A soit ramené à la somme de 14 975 euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er mai 2006 et jusqu'au 12 novembre 2009, date à laquelle le MINISTRE a versé à l'intéressée la somme fixée par le Tribunal ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme A la somme de 14 975 euros outre intérêts au taux légal du 1er mai 2006 au 12 novembre 2009. Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 14 avril 2009 est annulé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE et à Mme Isabelle A.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2010, à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Givord, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 janvier 2011.
''
''
''
''
2
N° 09LY01408