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06/01/2011 | FRANCE | N°09LY02829

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 06 janvier 2011, 09LY02829


Vu, enregistrée le 14 décembre 2009, la requête présentée pour Mme Catherine A, domiciliée ... ;

Elle demande à la Cour :

1°) la réformation du jugement n° 0700764 du 15 octobre 2009 du Tribunal administratif de Dijon en ce qu'il ne retient pas la responsabilité du centre hospitalier de Tonnerre pour les suites de la gastrectomie dont elle a fait l'objet le 11 mars 2003 ;

2°) de faire droit à sa demande en condamnant le centre hospitalier de Tonnerre à lui verser une somme de 16 000 euros et en réparation du préjudice subi et, subsidiairement, ordonner une

expertise ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 000 ...

Vu, enregistrée le 14 décembre 2009, la requête présentée pour Mme Catherine A, domiciliée ... ;

Elle demande à la Cour :

1°) la réformation du jugement n° 0700764 du 15 octobre 2009 du Tribunal administratif de Dijon en ce qu'il ne retient pas la responsabilité du centre hospitalier de Tonnerre pour les suites de la gastrectomie dont elle a fait l'objet le 11 mars 2003 ;

2°) de faire droit à sa demande en condamnant le centre hospitalier de Tonnerre à lui verser une somme de 16 000 euros et en réparation du préjudice subi et, subsidiairement, ordonner une expertise ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les éléments retenus pas le Tribunal pour écarter tout lien entre la gastrectomie et l'infection initiale ne sont pas convaincants ;

- le rapport d'expertise est équivoque ;

- il existe un lien direct certain entre gastrectomie et maladie nosocomiale ;

- l'ablation de l'estomac a entraîné de nombreuses séquelles, préjudices corporel et d'agrément ;

- les documents produits mettent en cause les conclusions de l'expert et une nouvelle expertise serait le cas échéant nécessaire.

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 7 octobre 2010, le mémoire présenté pour la caisse de coordination aux assurances sociales de la régie autonome des transports parisiens (CCAS de la RATP) et pour la mutuelle du personnel du groupe de la RATP , dont les sièges sont respectivement 30 rue Championnet et 62 quai de la Rapée à Paris 18ème et 12ème, représentées par leurs présidents, qui concluent à la réformation du jugement attaqué en ce que le Tribunal n'a pas retenu la responsabilité du centre hospitalier de Tonnerre pour les suites de la gastrectomie dont Mme A a fait l'objet le 11 mars 2003, à la réalisation d'une expertise et à ce que les frais de l'expertise soient consignés auprès de cette dernière et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Tonnerre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles exposent que l'ablation de l'estomac était justifiée, le risque de laisser en place le foyer du sepsis étant supérieur aux séquelles de la gastrectomie ;

Vu, enregistré le 22 octobre 2010, le mémoire présenté pour le centre hospitalier de Tonnerre qui conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la requête de Mme A ainsi que des conclusions de la CCAS de la RATP et de la mutuelle du personnel du groupe de la RATP ;

Il fait valoir que :

- c'est à tort que le Tribunal a retenu la responsabilité du centre sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dès lors que l'intéressée ne rapporte pas la preuve du caractère exogène de l'infection contractée ;

- le Tribunal aurait également du reconnaître l'existence d'une cause étrangère ;

- l'infection constatée à staphylocoque doré découverte le 12 septembre 2002 n'est pas la cause de la gastrectomie réalisée 6 mois plus tard ;

- en l'absence de staphylocoque doré trouvé lors de cette intervention, la preuve n'est pas rapportée que l'infection détectée le 12 septembre 2003 serait à l'origine de la gastrectomie ;

- il prévoyait seulement de réopérer Mme A en vue de retirer le boîtier de l'anneau gastrique, indication opératoire jugée légitime par l'expert, la décision prise plus de 5 mois plus tard par un autre établissement de santé étant sans lien direct avec l'infection par staphylocoque ;

- la gastrectomie aurait pu être évitée ;

- c'est l'option retenue par le chirurgien de l'autre établissement de faire une laparotomie qui a débouché sur la gastrectomie.

- la mesure d'expertise sollicitée ne serait pas utile dès lors qu'aucun des documents produits ne prend parti sur la question de savoir si la gastrectomie était nécessitée par la survenance de l'infection superficielle décelée le 12 septembre 2002 ;

- les prétentions indemnitaires sont injustifiées ou excessives.

Vu, enregistré le 10 décembre 2010, le mémoire présenté pour la CCAS de la RATP et pour la mutuelle du personnel du groupe de la RATP, qui persistent dans leurs précédents moyens et conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2010 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Southammavong, avocat de Mme A et de Me Demailly, avocat du centre hospitalier de Tonnerre ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que Mme A, née en 1959, qui souffrait depuis plusieurs années d'une obésité morbide, a été opérée le 11 juillet 2001 au centre hospitalier de Tonnerre pour la pose d'un anneau gastrique ajustable ; qu'elle est sortie de l'hôpital le 19 juillet 2001 ; qu'elle y est revenue le 24 juillet suivant pour une suppuration au niveau du boîtier dont l'analyse a montré la présence de staphylocoques dorés ; qu'un traitement antibiotique a été prescrit et que les contrôles bactériologiques effectués entre les 9 août 2001 et 25 mars 2002 se sont révélés stériles ; que la présence de staphylocoques dorés a de nouveau été décelée le 12 septembre 2002 alors que Mme A faisait notamment l'objet de soins nécessitant la pose de pansements et avait été réopérée le 23 août précédant pour mieux fixer la chambre d'implantation de l'anneau ; que l'indication opératoire de procéder à l'ablation de la chambre implantable et de l'anneau gastrique a alors été posée mais que le centre hospitalier, compte tenu des antécédents allergiques de la patiente et de l'insuffisance de son plateau anesthésique, a décidé de l'adresser à l'hôpital européen Georges Pompidou à Paris auquel il a transmis le 21 novembre 2002 son dossier médical ; que Mme A a cependant fait le choix d'un autre établissement où elle a subi le 11 mars 2003 une gastrectomie totale ; qu'elle a demandé au Tribunal administratif de Dijon la condamnation du centre hospitalier de Tonnerre à réparer l'ensemble des préjudices d'ordre matériel et personnel qu'elle estime avoir subi du fait de sa prise en charge dans cet établissement ; que l'expert désigné par le Tribunal a remis son rapport le 23 avril 2005 ; qu'estimant que Mme A avait été victime d'une infection nosocomiale, le Tribunal, par un jugement du 15 octobre 2009, lui a alloué une indemnité de 1 200 euros à ce titre mais a écarté toute responsabilité du centre hospitalier dans l'ablation de son estomac ; qu'elle relève appel de ce jugement en tant que le Tribunal a refusé de condamner le centre hospitalier à réparer le préjudice qu'elle a pu subir du fait de la gastrectomie et demandant, qu'à ce titre, le centre hospitalier soit condamné à lui verser une somme de 16 000 euros ; que le centre hospitalier fait appel de ce jugement en tant que le Tribunal l'a jugé responsable de l'infection nosocomiale contractée par la requérante ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne l'infection nosocomiale :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, dans la rédaction que lui a donnée l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 : Les dispositions du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre Ier, de l'article L. 1142-2 et de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée ; qu'il résulte de ces dispositions, qui sont intervenues pour préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002, que le nouveau régime de responsabilité au titre de la solidarité nationale institué par les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique s'applique aux accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001 ; qu'il ressort de l'instruction que les infections à staphylocoques dorés diagnostiquées en juillet 2001 et en septembre 2002 sont apparues à la suite de la pose de l'anneau gastrique ou d'actes de soins rendus nécessaires par la présence de ce corps étranger dans l'organisme de Mme A ; qu'elles ont ainsi pour même origine l'intervention initiale du 11 juillet 2001 ; que, dès lors, les dispositions du paragraphe I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, qui prévoient que les établissements hospitalier sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère , ne sont pas applicables ;

Considérant que la situation de Mme A demeure régie par le principe selon lequel, sauf en cas d'infection causée par des germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation, l'introduction accidentelle, lors d'une intervention chirurgicale, d'un germe microbien dans l'organisme révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier de nature à engager sa responsabilité à l'égard du patient ; qu'en l'espèce le centre hospitalier de Tonnerre soutient que les deux infections à staphylocoques dorés contractées par Mme A présentaient un caractère endogène et ne pouvaient dès lors engager sa responsabilité ; qu'il ressort du rapport d'expertise que si ces infections ont pu être favorisées par le terrain diabétique de la requérante et si le germe a été sensible à de très nombreux antibiotiques sans que l'on puisse affirmer s'il était déjà présent dans l'organisme de la patiente ou s'il avait été introduit par l'hôpital, le centre hospitalier n'a effectué aucun prélèvement pré opératoire de telle sorte, qu'en l'absence d'autres éléments matériels apportés par ce dernier, rien ne permet d'exclure que Mme A a acquis le germe à partir de l'environnement hospitalier ; que le fait que l'intéressée a pu être infectée à deux reprises par ce germe révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement des services du centre hospitalier de Tonnerre ; que par suite, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Tonnerre, qui ne démontre pas que les infections dont a été victime Mme A ne lui seraient pas imputables, sa responsabilité est engagée à ce titre ;

En ce qui concerne la gastrectomie totale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de l'apparition de la seconde infection en septembre 2002, le centre hospitalier de Tonnerre a seulement posé l'indication opératoire de retirer les matériels étrangers qui, selon l'expert, dont les conclusions ne sont pas sérieusement contestées sur ce point, était légitime et aurait suffi ; que malgré les contacts pris avec l'hôpital Georges Pompidou afin que la prise en charge se fasse au plus vite et aux meilleures conditions techniques et sanitaires, Mme A n'a consulté qu'en février 2003 auprès d'un autre établissement où la gastrectomie a été pratiquée en mars suivant ; qu'ainsi le choix fait par l'intéressée de s'adresser tardivement à un autre praticien a privé la gastrectomie et le préjudice qui est résulté pour la requérante de tout lien direct avéré avec les infections à staphylocoque doré contractées au centre hospitalier de Tonnerre ; qu'au demeurant, selon les prélèvement bactériologiques effectués le 11 mars 2003 lors de la gastrectomie, la gangue autour de l'estomac de l'intéressée ne comportait aucun staphylocoque doré ; qu'il s'en suit que la responsabilité du centre hospitalier de Tonnerre à l'égard de Mme A ne saurait être engagée du fait de la gastrectomie qu'elle a subie ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas démontré qu'en accordant une indemnité de 1 200 euros en réparation des préjudices d'ordre personnel subis par Mme A du fait de l'infection dont elle a été victime au centre hospitalier, le Tribunal en aurait insuffisamment apprécié le montant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise, que ni Mme A ni la CCAS de la RATP et la mutuelle du personnel du groupe de la RATP ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté leur demande ; que les conclusions qu'elles ont présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A et les conclusions de la CCAS de la RATP et de la mutuelle du personnel du groupe de la RATP sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Catherine A, au centre hospitalier de Tonnerre, à la Régie Autonome des Transports Parisiens, à la mutuelle du personnel de la RATP et à la caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 janvier 2011.

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N° 09LY02829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02829
Date de la décision : 06/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-01-06;09ly02829 ?
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