Vu, I, sous le n° 10LY00586, la requête enregistrée le 12 mars 2010, présentée pour Mme Virginie C, née B, domiciliée au ..., Mme Mathilde A, née B, domiciliée ..., Mlle Oriane B, domiciliée au ... et Mlle Margaux B, domiciliée au ... ;
Mme C et les autres requérantes demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901805, en date du 26 janvier 2010, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Riom soit condamné à verser à chacune d'elles une somme de 40 000 euros, en réparation du préjudice moral causé par le décès de leur père ;
2°) de prononcer ladite condamnation ;
Elles soutiennent que :
- leur demande de première instance était suffisamment motivée ;
- le Tribunal a en outre méconnu les exigences du contradictoire en ne leur communiquant pas le mémoire en défense du centre hospitalier ;
- le centre hospitalier est tenu de les indemniser du préjudice moral résultant du décès de leur père à la suite d'une infection nosocomiale contractée dans cet hôpital ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 août 2010, présenté pour le centre hospitalier de Riom ; il conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la demande des requérantes ne précisait pas le fondement juridique de leur action et n'était donc pas suffisamment motivée ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2010, présenté pour le centre hospitalier de Riom ; il conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Il ajoute que :
- la prescription quadriennale est acquise, le point de départ de la prescription devant être la contamination ;
- les préjudices moraux ne sont pas justifiés dans leur principe ; leur montant est au demeurant excessif ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 novembre 2010, présenté pour Mme C et les autres requérantes ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er décembre 2010, présenté pour Mme C et les autres requérantes ;
Vu, II, sous le n° 10LY01589, la requête enregistrée le 8 juillet 2010, présentée pour Mme Virginie C, née B, domiciliée au collège Roger Ruel, Les Sagnes à Saint-Didier-en-Velay (43140), Mme Mathilde A, née B, domiciliée ..., Mlle Oriane B, domiciliée au ... et Mlle Margaux B, domiciliée au lieu dit Maupertuis à Riom ;
Mme C et les autres requérantes demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902356, en date du 22 juin 2010, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Riom soit condamné à verser à chacune d'elles une somme de 50 000 euros, en réparation du préjudice moral causé par la maladie puis le décès de leur père ;
2°) de prononcer ladite condamnation ;
Elles soutiennent que :
- le Tribunal a méconnu les exigences du contradictoire en retenant sur une irrecevabilité qui n'avait pas été invoquée en défense et dont le Tribunal n'avait pas préalablement informé les parties ;
- leur demande était suffisamment motivée ;
- le centre hospitalier est tenu de les indemniser du préjudice moral résultant de la maladie puis du décès de leur père à la suite d'une infection nosocomiale contractée dans cet hôpital ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2010, présenté pour le centre hospitalier de Riom ; il conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la requête s'oppose à l'autorité de la chose jugée par le Tribunal (...) le 26 janvier 2010 ;
- la seconde demande préalable étant identique à la première est dès lors purement confirmative ;
- la requête est irrecevable comme atteinte de prescription quadriennale ;
- la demande adressée au tribunal n'était pas suffisamment motivée ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 novembre 2010, présenté pour Mme C et les autres requérantes ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er décembre 2010, présenté pour Mme C et les autres requérantes ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, modifiée, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, modifiée, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et notamment ses articles 98 et 101 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2010 :
- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
Considérant que M. Rollier est décédé en 1986 ; que, par le premier jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté comme non motivée la demande présentée par ses filles, Mme Virginie C, née B, Mme Mathilde A, née B, Mlle Oriane B et Mlle Margaux B, qui tendait à ce que le centre hospitalier de Riom soit condamné à verser à chacune d'elles une somme de 40 000 euros, en réparation du préjudice moral causé par ce décès ; que, par le second jugement attaqué, le même Tribunal a rejeté, également comme non motivée, une seconde demande des mêmes requérantes, qui tendait à ce que le même centre hospitalier soit condamné à verser à chacune d'elles une somme de 50 000 euros, en réparation du préjudice moral causé par la maladie puis le décès de leur père ;
Considérant que ces deux requêtes présentent les mêmes questions à juger et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;
Sur la régularité des jugements :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La juridiction est saisie par requête. [La requête ...] contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge [...] ;
Considérant, en premier lieu, que dans leur demande enregistrée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2009, les requérantes exposaient que leur père était décédé en 2004 d'une infection nosocomiale contractée au centre hospitalier de Riom, où il avait été hospitalisé en 1986 ; qu'elles indiquaient qu'elles sollicitaient la réparation de leur préjudice moral consécutif à cette disparition prématurée et que leurs conclusions indemnitaires étaient dirigées contre le centre hospitalier de Riom ; qu'enfin, elles chiffraient ce préjudice à hauteur d'une somme de 40 000 euros pour chacune d'elles ; qu'ainsi, leur demande contenait l'énoncé complet des conclusions soumises au Tribunal, ainsi que les faits et moyens sur lesquels se fondaient ces conclusions ; qu'en particulier, la référence à une infection nosocomiale survenue en 1986 renvoyait nécessairement à un régime de responsabilité pour faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette première demande comme non motivée ; que son jugement en date du 26 janvier 2010 doit en conséquence être annulé ;
Considérant, en second lieu, que dans leur demande enregistrée au greffe du Tribunal le 30 décembre 2009, les requérantes reprenaient, sous une forme plus détaillée, les éléments de leur première demande ; qu'elles relevaient notamment que, par arrêt en date du 3 décembre 2009, la Cour a retenu la responsabilité du centre hospitalier de Riom dans l'infection nosocomiale dont M. Rollier a été victime, et produisaient en annexe de leur demande copie de cet arrêt ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a également rejeté cette seconde demande comme non motivée ; que son jugement en date du 22 juin 2010 doit en conséquence être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes des requérantes ;
Sur la recevabilité de la seconde demande :
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Riom, la seconde demande des requérantes ne peut être regardée comme irrecevable au seul motif qu'une précédente demande ayant en partie le même objet a été rejetée comme non motivée, par un jugement au surplus annulé par le présent arrêt ;
Considérant, en second lieu, que la seule circonstance que les requérantes auraient adressé successivement deux demandes préalables d'indemnisation est, à elle seule, sans incidence sur la recevabilité de leur demande contentieuse ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée par le Tribunal dans le cadre de l'action indemnitaire engagée contre le centre hospitalier de Riom par M. Rollier, avant son décès, que ce dernier a contracté dans cet hôpital une hépatite B qui a provoqué une cirrhose et nécessité deux greffes de foie ; que son état de santé ne peut être regardé comme ayant été consolidé avant son décès, survenu le 16 novembre 2004, compte tenu de l'évolution de sa maladie ; que les dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, issues de la loi susvisée du 2 mars 2002, immédiatement applicable sur ce point, ont substitué, en matière de responsabilité médicale, une prescription décennale à la prescription quadriennale résultant de la loi susvisée du 31 décembre 1968 ; que cette prescription décennale, à la supposer même régulièrement opposée par le seul conseil du centre hospitalier de Riom, n'était pas acquise lors de l'enregistrement en 2009 des demandes susmentionnées des requérantes ;
Considérant, en deuxième lieu, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'il résulte du certificat médical, en date du 3 juin 2010, produit en appel par les requérantes, que les complications infectieuses ayant entraîné le décès de M. Rollier ont été très probablement favorisées par la transplantation hépatique dont il a dû faire l'objet ; que, toutefois, si ce certificat relève un lien direct , au demeurant non contesté, entre la contamination par le virus de l'hépatite B et la transplantation hépatique, cette transplantation ne peut elle-même être regardée que comme ayant fait perdre à M. Rollier une chance d'échapper aux conséquences de l'infection distincte dont il est décédé, dans une proportion de 50 % ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral supporté par les requérantes en allouant à chacune d'elles, compte tenu de l'étendue de la responsabilité du centre hospitalier de Riom, une somme de 2 500 euros ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Riom la somme totale de 2 000 euros à verser aux requérantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date des 26 janvier 2010 et 22 juin 2010 sont annulés.
Article 2 : Le centre hospitalier de Riom est condamné à verser à Mme Virginie C, née B, à Mme Mathilde A, née B, à Mlle Oriane B et à Mlle Margaux B une somme de 2 500 euros pour chacune.
Article 3 : La somme de 2 000 euros, à verser à Mme Virginie C, née B, à Mme Mathilde A, née B, à Mlle Oriane B et à Mlle Margaux B, est mise à la charge du centre hospitalier de Riom, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Virginie C, née B, à Mme Mathilde A, née B, à Mlle Oriane B, à Mlle Margaux B et au centre hospitalier de Riom. Copie en sera adressée au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2010, à laquelle siégeaient :
M. Vivens, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Stillmunkes, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 décembre 2010.
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