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23/12/2010 | FRANCE | N°10LY00173

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 23 décembre 2010, 10LY00173


Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Bernard A, domiciliés 29 rue du Bois de la Caille à Lyon (69004) ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0703398 du Tribunal administratif de Lyon du 17 novembre 2009 rejetant la demande de M. A en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de mettre à la

charge de l'Etat, à leur profit, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du...

Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Bernard A, domiciliés 29 rue du Bois de la Caille à Lyon (69004) ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0703398 du Tribunal administratif de Lyon du 17 novembre 2009 rejetant la demande de M. A en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à leur profit, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

Sur la régularité de la procédure :

- que la procédure est irrégulière en ce que les deux notifications de redressements, en date des 18 décembre 2003 et 9 mars 2004, formulées non sur l'imprimé n° 3926 mais sur le n° 751, n'offraient pas la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et n'informaient pas le contribuable de la législation applicable ; qu'ils ont cependant formulé leurs observations dans le délai d'un mois ; que la commission départementale des impôts était bien compétente puisque les redressements relèvent, non pas de la catégorie des traitements et salaires, ainsi que l'a indiqué le tribunal administratif, mais des bénéfices commerciaux ;

- que la procédure est également irrégulière car aucun entretien n'a eu pour finalité de recueillir leurs explications sur les flux financiers des comptes bancaires ; que les jurisprudences Loubet (Conseil d'Etat 10 janvier 2001 n° 211967 et n° 212114) et Giresse (Conseil d'Etat 5 décembre 2001 - n° 215649) interdisent au vérificateur d'adresser une demande de justification en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, et a fortiori une notification de redressements, sans avoir, au préalable, engagé avec le contribuable un dialogue contradictoire sur les points qu'il envisage de retenir ; que le fait que l'administration fiscale ait tenté à plusieurs reprises de fixer un entretien démontre que de nombreux points restaient à éclaircir ; que le seul fait que ces entretiens n'aient pu avoir lieu à raison de l'impossibilité pour eux ou leur conseil de s'y rendre ne dispensait pas les services fiscaux d'instaurer un dialogue contradictoire notamment par le biais d'un dialogue écrit ; que l'administration fiscale a commis une irrégularité substantielle non susceptible de régularisation en n'engageant pas un dialogue par échange de correspondances ; que deux entretiens leur ont été proposés avant l'expiration du délai de 60 jours qui leur était accordé pour présenter leurs relevés bancaires ; que l'information relative au rendez-vous du 2 octobre 2003 ne leur est parvenu que le jour même ;

- que c'est à tort que le Tribunal a approuvé l'application de la procédure des articles prévue par les articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales à raison du défaut de dépôt des déclarations de bénéfices industriels et commerciaux dans les délais légaux, car M. A, alors uniquement salarié, n'avait pas à déposer une telle déclaration ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

- que la taxation d'office au titre de la taxe sur la valeur ajoutée aboutit à une double taxation de ces sommes ; que M. A a en effet été salarié de la société Immo-Pro Ltd du 1er juillet 2000 au 30 juin 2001, comme en attestent les bulletins de salaires versés au dossier ; que pendant la même période, la société Cabinet Henri avait perçu les commissions sur lesquelles elle a reversé la taxe sur la valeur ajoutée afférente ; qu'elle a payé l'impôt sur les sociétés et règle les salaires et charges dont le salaire de M. A ; que le chiffre d'affaires de la société Immo-Pro provient exclusivement de la société Cabinet Henri dans le cadre du contrat d'agence conclu entre elles ; que les montants importants constituant le chiffre d'affaires (298 000 euros) déclaré par la société Immo-Pro ont été perçus par elle et ont justifié des versements importants de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en conséquence, ces mêmes sommes ont subi deux fois l'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la procédure d'évaluation d'office est justifiée, faute d'inscription à temps au registre spécial des agents commerciaux, par la déclaration de versement de commissions du Cabinet Henri et par le versement effectif à M. A de sommes en provenance de cette société ;

- que l'existence de l'activité occulte d'agent commercial ayant été découverte après l'engagement de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, le service a régulièrement procédé dans le cadre de ce contrôle, à l'évaluation d'office des bénéfices commerciaux tirés de cette activité, en application des dispositions combinées des articles L. 73 2° et L. 68 2ème alinéa du livre des procédures fiscales ; qu'en effet cette situation de taxation d'office résulte du fait que l'inscription au registre spécial des agents commerciaux n'a été effectuée que le 22 août 2001 et indique un début d'activité au 2 juillet précédent ; que l'activité antérieure exercée à titre individuel satisfait aux conditions visées par le 2ème alinéa de l'article L. 68 précité qui prévoit que la mise en demeure n'est pas nécessaire ;

- que M. A n'a pas satisfait à ses obligations déclaratives en ce qui concerne l'activité de l'année 2000 et du 1er semestre de 2001 ; que pour l'une et l'autre années le chiffre d'affaires de cette activité dépasse 175 000 francs et relève ainsi de la déclaration contrôlée ;

- que ces redressements ont été régulièrement notifiés dans le cadre de la procédure d'évaluation d'office ; que l'administration n'était donc pas tenue de répondre aux observations du contribuable et de lui donner la possibilité de saisir la commission départementale des impôts ; que le vérificateur a bien notifié des redressements dans la catégorie des traitements et salaires pour lesquels la commission n'était pas compétente ;

- que M. A ne saurait invoquer l'absence de débat alors qu'il s'est refusé à tout dialogue, ne s'est présenté à aucun des entretiens proposés et n'a pas jugé utile de prendre contact avec le vérificateur pour convenir d'une autre date ; qu'il s'est également refusé à fournir ses relevés bancaires ainsi que de répondre à la demande de justification concernant les remboursements de frais perçus de la société Immo-Pro Ltd ;

- que l'absence de débat préalable à l'envoi d'une demande de justification prévue par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales n'est susceptible de vicier la procédure que dans la mesure où l'imposition d'office qui y fait suite met en oeuvre les dispositions de l'article L. 69 ; qu'en l'espèce, si le service vérificateur a mis en oeuvre la procédure de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, il n'a procédé, au titre de l'année concernée, à aucune taxation d'office sur le fondement de l'article L. 69 du même livre ; que c'est en effet la procédure d'évaluation d'office des bénéfices non commerciaux qui a été mise en oeuvre en raison de l'absence de dépôt par M. A de ses déclarations professionnelles dans les délais légaux ;

Sur le bien-fondé :

- qu'il appartient aux requérants qui ont fait régulièrement l'objet d'une procédure d'évaluation d'office sur le fondement des articles L. 73-2° et L. 68 2ème alinéa du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à leur charge, conformément de l'article L. 193 du même livre ;

- que le moyen tiré d'une double imposition n'est pas recevable dans un litige relatif à l'impôt sur le revenu ;

- que si le requérant soutient que les commissions en provenance du Cabinet Henri, encaissées sur son propre compte bancaire, concernent la société Imo-Pro Ltd, il n'apporte aucune élément pour le justifier ; que les pièces jointes à la requête ne constituent pas la preuve d'une double imposition ; que M. A reconnait que le chiffre d'affaires déclaré par la société Immo-Pro correspond au montant perçu par celle-ci alors que le litige porte sur les commissions qu'il a reçues du Cabinet Henri ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2010 :

- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que M. et Mme A ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2000, 2001 et 2002 ; qu'à l'issue de ce contrôle, le vérificateur a considéré que, faute d'avoir répondu à sa demande quant à la justification des dépenses remboursées, les sommes que M. SCUH avaient perçues de son employeur au titre de remboursements de frais devaient être regardées comme des revenus imposables dans la catégorie des traitements et salaires ; qu'il a, d'autre part, considéré que les sommes versées à M. A par la société Cabinet Henri et déclarées par cette dernière comme des commissions revélaient une activité occulte d'agent commercial au titre de l'année 2000 et pour la période du 1er janvier au 30 juin 2001 ; que les rappels correspondants ont été soumis à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre des années 2000 et 2001 ; que M. et Mme A font appel du jugement du Tribunal administratif de Lyon qui a rejeté leur demande en décharge de ces impositions, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A soutiennent que la procédure serait viciée parce qu'ils n'ont pas été invités à saisir la commission départementale des impôts ; que toutefois, les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales relatifs à cette commission sont compris dans la section du livre des procédures fiscales traitant de la procédure contradictoire ; que l'administration fiscale n'est pas tenue de proposer cette saisine lorsque la situation du contribuable autorise le recours à la procédure de taxation d'office ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre : La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable change fréquemment son lieu de résidence ou de principal établissement, ou a transféré son activité à l'étranger sans déposer la déclaration de ses résultats ou de ses revenus non commerciaux, ou ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, ou si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ;

Considérant que, pour établir que M. A a exercé, au cours de la période litigieuse, une activité occulte d'agent commercial et se trouve donc bien dans une situation relevant de l'évaluation d'office, l'administration fiscale indique que la déclaration souscrite par cette société, en application de l'article 240 du code général des impôts, fait état de commissions versées à M. A en qualité d'agent commercial ; que ces déclarations sont corroborées par les éléments communiqués par la banque de M. A dont il ressort que l'intéressé a encaissé, en provenance de la société Cabinet Henri, des chèques d'un montant total de 387 000 francs au cours de l'année 2000 et de 70 225 francs au cours du premier semestre 2001 ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que M. A exerçait bien, à titre personnel, une activité occulte d'agent commercial au cours de la période du 1er janvier 2000 au 30 juin 2001 ; que si l'intéressé était également durant cette période salarié de la société Immo Pro Ltd et soutient que ces sommes seraient en fait la rémunération des services que cette société rend à la société Cabinet Henri, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation ; que, par suite, M. A s'étant abstenu de produire dans les délais, ainsi qu'il lui appartenait de le faire, les déclarations de résultat afférentes à son activité non salariée, c'est à bon droit qu'il a été imposé d'office en application des dispositions précitées du livre des procédures fiscales ; que le vérificateur n'était donc pas tenu de l'inviter à présenter ses observations et à saisir la commission départementale des impôts ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A n'ont pas donné suite aux propositions d'entretien du vérificateur en date des 2 octobre et 4 décembre 2003 et se sont abstenus de répondre à la demande de justifications qui leur a été adressée le 2 octobre 2003 ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le vérificateur se serait refusé à engager un réel débat contradictoire qui leur aurait permis d'expliquer pourquoi les sommes provenant de la société Cabinet Henri étaient reçues sur leur compte bancaire ;

Considérant en quatrième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que le vérificateur se serait refusé à tout débat contradictoire avant l'envoi de la demande de justifications prévue par les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que les redressements correspondants n'ont pas été établis suivant la procédure de taxation d'office de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales mais selon celle des articles L. 66 et L. 73 du même livre ;

Sur le bien fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ;

Considérant que l'argumentation fondée sur une éventuelle double imposition en matière de taxe sur la valeur ajoutée payée par la société Immo Pro est inopérante au regard de l'impôt sur le revenu acquitté par M. et Mme A ; que si le moyen doit être regardé comme fondé sur le fait que les sommes versées par la société Cabinet Henri sur le compte bancaire de M. A seraient les commissions dues par cette dernière à la société Immo Pro à raison du contrat d'agence qui lie ces deux sociétés, il n'établit ni avoir reversé lesdites sommes à la société Immo-Pro, ni que cette dernière les a comptabilisées en tant que recettes en provenance du cabinet Henri ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Bernard A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 décembre 2010.

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N° 10LY00173


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00173
Date de la décision : 23/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Denis RAISSON
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : DEYDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-23;10ly00173 ?
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