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23/12/2010 | FRANCE | N°09LY01911

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 23 décembre 2010, 09LY01911


Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) BABOU, dont le siège est 8 rue du Bois Joli à Cournon d'Auvergne (63800), représentée par son président-directeur général en exercice, par la société d'avocats Fidal ;

La SAS BABOU demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0801273-0801866-0801877 du 16 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été

assujettie au titre des années 2002, 2003, 2004 et 2005 pour les établissements d...

Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) BABOU, dont le siège est 8 rue du Bois Joli à Cournon d'Auvergne (63800), représentée par son président-directeur général en exercice, par la société d'avocats Fidal ;

La SAS BABOU demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0801273-0801866-0801877 du 16 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002, 2003, 2004 et 2005 pour les établissements de Cournon d'Auvergne et Vichy ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle ne peut être imposée dans des communes où elle ne dispose pas de locaux, le contrat de mandat la liant aux établissements concernés prévoyant que lesdits locaux et les équipements dont ils sont dotés sont à la seule disposition des exploitants de ces magasins et la jurisprudence privilégiant le critère de l'utilisation matérielle ; qu'elle est fondée à se prévaloir des prises de position formelles de l'administration, exprimées par M. Bertrand le 4 octobre 1991, Mme Duzellier le 30 mars 1993, M. Marmouget le 23 mai 1996, M. Robert le 22 janvier 1999, M. Selzam le 25 février 2003 et M. Dominique Jourdain le 6 janvier 2004, sur le fondement de l'article L. 80 B du Livre des procédures fiscales ; qu'elle est fondée à se prévaloir des dispositions du paragraphe 8 de la documentation administrative de base 6E-2211 sur le fondement de l'article L. 80 A alinéa 2 du même livre ; que le principe général du respect des droits de la défense n'a pas été respecté par l'administration dès lors qu'elle n'a pas été à même de présenter utilement ses observations sur la nature des bases retenues, leur montant et leur lieu d'imposition ; qu'elle est en droit, à titre subsidiaire, de se prévaloir de la prescription pour les années 2002 et 2003 ; que l'application rétroactive des dispositions de l'article 1469-3 bis du code général des impôts est incompatible avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 février 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat tendant au rejet de la requête ; le ministre fait valoir qu'il a mis la société à même de présenter ses observations sur les redressements proposés et a respecté les droits de la défense ; qu'il n'y a pas eu double imposition au sens de l'article 1478-1 du code général des impôts, la doctrine invoquée sur ce point ne rajoutant pas au texte fiscal ; que la société ne peut se prévaloir ni des dispositions de l'article L. 80 A ni de celles de l'article L. 80 B dès lors que l'imposition contestée est une imposition primitive et qu'en toute hypothèse, il n'y a pas eu prise de position formelle opposable de l'administration ; que l'importance de l'enjeu financier justifiait que la loi de finances rectificative pour 2003 donne un effet rétroactif à la rédaction nouvelle de l'article 1467 du code général des impôts ; que la SAS BABOU dispose des magasins pour les besoins de son activité professionnelle au sens de l'article 1467 du code général des impôts ; qu'elle doit par ailleurs être imposée sur la valeur locative des équipements et biens mobiliers litigieux par application de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 ; qu'il n'y a pas lieu de le condamner sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 mars 2010, présenté pour la SAS BABOU confirmant ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 17 novembre 2010, présenté pour la SAS BABOU confirmant ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne des droits de l'homme et le protocole additionnel à cette convention ;

Vu la loi de finances rectificative pour 2003 n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 et notamment son article 59 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2010 :

- le rapport de M. Duchon-Doris, président ;

- les observations de Me Chabin, avocat de la SAS BABOU ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée à Me Chabin, avocat de la SAS BABOU ;

Considérant que la SAS BABOU, qui exerce une activité de vente au détail d'articles textiles, de bazar et d'équipement de la maison par l'intermédiaire de 51 magasins, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er février 2004 au 31 juillet 2004 ; qu'à l'issue du contrôle, l'administration fiscale, estimant que la société aurait dû déclarer à la taxe professionnelle les locaux et les équipements et biens mobiliers des magasins de l'enseigne, a procédé à des redressements des bases de sa taxe professionnelle pour les années 2002, 2003, 2004 et 2005 ; qu'elle demande l'annulation du jugement du 16 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle qui lui ont été réclamées à ce titre pour les établissements de Cournon d'Auvergne et Vichy et la décharge correspondante ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que, lorsqu'une imposition est, telle la taxe professionnelle, assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir à la charge de celui-ci des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir mis à même de présenter ses observations, conformément au principe général des droits de la défense ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une lettre en date du 20 décembre 2005, l'administration a fait connaître à la société les motifs des rehaussements, le montant des bases rectifiées et les années concernées ; que, s'agissant des équipements et biens mobiliers mis à disposition des mandataires, cette lettre précise que leur montant est calculé par référence aux sommes inscrites à l'actif de la société dans les comptes 215 (matériel et outillage), 218200 (matériel de transport), 218300 (matériel de bureau) et 218400 (mobilier de bureau) et donne en annexe le détail des bases par année et par commune ; que, par une seconde lettre en date du 20 juillet 2006, l'administration a précisé le détail de calcul des rehaussements des biens passibles de taxe foncière par référence à la valeur locative 1970 déterminée par le centre des impôts fonciers, revalorisée par application du coefficient fixé par la loi de finances de chaque année concernée ; qu'eu égard, d'une part, aux motifs et aux modalités de calcul des redressements, d'autre part, des éléments portés à la connaissance du redevable, et alors même que ces courriers ne précisent pas le détail des équipements et biens mobiliers et leur ventilation par magasin ni la nature des locaux retenus, la société doit être regardée comme ayant été mise à même de présenter utilement ses observations ; que, par suite, son argumentation sur ce point, doit être écartée ;

Sur le bien fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les locaux, biens passibles de taxe foncière :

Considérant qu'aux termes de l'article 1473 du code général des impôts : " La taxe professionnelle est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés ou rattachés et des salaires versés au personnel. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1467 du même code, dans sa rédaction applicable : " La taxe professionnelle a pour base : 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : a) la valeur locative, telle qu'elle est définie aux article 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période ; (...) " ; que les immobilisations dont la valeur locative est ainsi intégrée dans l'assiette de la taxe professionnelle sont les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'exploitation matérielle de chaque magasin de la SAS BABOU est confiée par convention de mandat à une société mandataire exploitante juridiquement indépendante ; qu'aux termes du contrat de mandat conclu entre la SAS BABOU (Société) et ses mandataires (SARL) : " 1.1 Objet : Le fonds de commerce concerné par le présent contrat est la propriété de la Société... 4.1 - Etat des lieux : Au jour de la prise en charge du magasin par la SARL, ainsi qu'au terme du contrat pour quelque cause que ce soit, il sera établi un inventaire descriptif contradictoire des locaux, matériels et fonds de caisse... 4.2 - Utilisation et entretien : La SARL devra veiller, en tant que gardienne des biens appartenant à la Société, au maintien en bon état d'entretien des bâtiments, matériels, installations et aménagements qui lui sont confiés en faisant appel à cet effet aux services spécialisés de la Société. Elle sera tenue pour responsable des dégradations subies par les matériels et installations... 4.3 - La SARL exercera une surveillance constante et attentive... de manière à prévenir toutes détériorations des locaux et des matériels, tous risques de sinistres ou d'accidents... Les heures et jours d'ouverture du magasin seront fixés par la SARL... La SARL aura tout liberté de choix des prestataires de services appelés à intervenir dans les locaux d'exploitation du fonds, et notamment en matière de comptabilité, sécurité, nettoyage et aménagements des étalages... 4.3.1 - Chaque partie conservera les frais lui incombant. La SARL supportera l'ensemble des frais inhérents à l'exercice de son mandat et notamment les frais et charges suivants : - les impôts, taxe professionnelle et autres taxes résultant de l'exploitation du magasin... les frais de décoration et d'animation du magasin... l'entretien et le nettoyage (à l'intérieur et à l'extérieur) du magasin et du mobilier... 4.3.2 - La SARL assumera, sous sa seule et entière responsabilité, le respect des obligations légales en matière d'hygiène, de sécurité et de police... dans le magasin... 4.5 - Responsabilité - Assurances : L'ensemble du magasin, objet de la présente convention, est placé sous la garde de la SARL qui supportera de ce fait les risques découlant de son exploitation, conformément au droit commun : vis-à-vis des tiers... La SARL est responsable de tout dommage causé aux personnes et aux biens dans l'exercice de son activité d'animation et de gestion. A cet effet, la SARL souscrira une assurance en responsabilité civile générale et d'exploitation... " ; qu'il résulte de ces stipulations, contredites par aucune constatation opérée par le service lors du contrôle, que, nonobstant la circonstance que la SAS BABOU prenne en location les locaux dont s'agit pour les mettre, après aménagement, gratuitement à disposition des mandataires et qu'elle soit propriétaire des fonds de commerce mis également gratuitement à disposition de ces derniers, les locaux dont s'agit sont placés, aux termes du contrat et pendant toute la durée de celui-ci, sous le contrôle des mandataires qui sont les seuls à les utiliser matériellement, qui assument l'ensemble des frais liés à leur utilisation et à leur entretien et supportent la responsabilité des dommages qu'ils pourraient provoquer vis-à-vis des tiers ; que, dès lors, la SAS BABOU est fondée à soutenir qu'elle ne peut être regardée comme disposant des locaux à usage de magasins en litige au sens des dispositions précitées des articles 1467 et 1473 du code général des impôts ;

En ce qui concerne les équipements et biens mobiliers :

S'agissant des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle relatives à l'établissement de Vichy :

Considérant, d'une part, que, selon les dispositions de l'article 1467 du code général des impôts : " La taxe professionnelle a pour base : 1° (...) a) la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) " ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code : " la valeur locative est déterminée comme suit... 1° pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe... 2° les équipements et biens mobiliers dont la durée d'amortissement est au moins égale à trente ans sont évalués suivant les règles applicables aux bâtiments industriels... ; 3° pour les autres biens, lorsqu'ils appartiennent au redevable, lui sont concédés ou font l'objet d'un contrat de crédit-bail mobilier, la valeur locative est égale à 16 % du prix de revient... " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 codifié sous l'article 1469-3° bis du code général des impôts : " I. Les biens visés aux 2° et 3°, utilisés par une personne qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire, sont imposés au nom de leur sous-locataire ou, à défaut, de leur locataire ou, à défaut, de leur propriétaire dans le cas où ceux-ci sont passibles de la taxe professionnelle. II. Les dispositions du I s'appliquent aux impositions relatives à l'année 2004 ainsi qu'aux années ultérieures et sous réserve des décisions passées en force de chose jugée aux impositions relatives aux années antérieures " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1448 du code général des impôts : " La taxe professionnelle est établie suivant la capacité contributive des redevables appréciée d'après des critères économiques en fonction de l'importance des activités exercées par eux sur le territoire de la collectivité bénéficiaire " ; qu'aux termes de l'article 1473 du même code : " La taxe professionnelle est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains en raison de la valeur locative de biens qui y sont situés ou rattachés et des salaires versés au personnel " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, d'une part, que la capacité contributive des redevables est appréciée en fonction des activités exercées par eux au lieu d'exercice de ces activités et, d'autre part, que ce lieu est celui où le redevable dispose de locaux ou de terrains ; qu'il suit de là qu'une entreprise qui n'a pas d'autre établissement que son siège social, dont l'ensemble du personnel est directement rattaché à ce siège social, et qui ne dispose d'aucune autre installation dans une autre commune, doit être regardée comme exerçant l'ensemble de ses activités exclusivement au lieu de son siège social ; que, par suite, les équipements et biens mobiliers à propos desquels elle pourrait être passible de la taxe foncière par application des articles 1467 ou 1469-3° bis du code général des impôts doivent, quel que soit le lieu où ces biens et équipements sont situés, être pris en compte pour le calcul de la taxe professionnelle dont elle est redevable dans la commune du lieu de son siège social ;

Considérant que la SAS BABOU, si elle dispose dans la commune de Cournon d'Auvergne de son siège social, doit en revanche être regardée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, comme n'ayant pas disposé au cours des années en litige, au sens des dispositions précitées de l'article 1473 du code général des impôts, de locaux sur la commune de Vichy ; qu'elle est par suite fondée à faire valoir que l'administration ne pouvait, en tout état de cause, l'imposer à la taxe professionnelle dans cette commune à raison des équipements et biens mobiliers mis à disposition de son mandataire ; qu'il y a lieu, en conséquence, de la décharger des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à sa charge qui procèdent du rehaussement correspondant ;

S'agissant des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle relatives à l'établissement de Cournon d'Auvergne :

En ce qui concerne les cotisations afférentes aux années 2002 et 2003 et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de la prescription de ces années :

Considérant qu'avant l'entrée en vigueur de l'article 59 précité de la loi de finances rectificative pour 2003 codifié sous l'article 1469-3° bis du code général des impôts, les mandataires qui utilisaient matériellement pour la réalisation des opérations constitutives de leur activité des biens et équipements adaptés que le mandant, qui en conservait la propriété, mettait à leur disposition étaient réputés disposer de ces biens au sens de l'article 1467-1° a du code général des impôts, nonobstant la finalité du donneur d'ordres et alors même que les mandataires n'auraient pas exercé au moins partiellement un contrôle sur ces outillages ; qu' ainsi, un contribuable qui avait mis gratuitement à la disposition de ses mandataires des immobilisations était en droit, avant l'entrée en vigueur de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003, d'obtenir la restitution des cotisations de taxe professionnelle qu'il avait acquittées résultant de l'intégration dans ses bases d'imposition de la valeur locative desdites immobilisations ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes " ; qu'en l'espèce, l'espérance légitime d'obtenir la restitution des cotisations de taxe professionnelle en litige constitue un bien au sens des stipulations de l'article 1er au premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité ;

Considérant que, si l'article 1er du premier protocole additionnel précité ne fait pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions pour assurer le paiement de l'impôt remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; que, toutefois, ni la volonté d'éviter un transfert de charges entre les collectivités locales en fonction du redevable de la taxe professionnelle, ni un éventuel " aléa contentieux " ne constituent des motifs d'intérêt général de nature à justifier l'atteinte portée aux droits de la société requérante par la privation rétroactive de son droit à restitution des cotisations de taxe professionnelle indûment perçues par les services fiscaux au titre des années 2001, 2002 et 2003 ; qu'il en résulte que, pour rejeter la demande présentée par la SAS BABOU, l'administration ne pouvait se fonder sur l'application rétroactive de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 qui méconnaît le droit que la société tient des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne les cotisations afférentes aux années 2004 et 2005 :

Sur le moyen tiré de l'existence d'une double imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant que, pour demander la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle qui lui sont réclamées, la SAS BABOU soutient qu'en méconnaissance de la loi, des cotisations de taxe ont été établies sur le même fondement et mis à la charge des sociétés mandataires pour tout ou partie des années en litige ;

Considérant toutefois, d'une part, qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article 1478-I du code général des impôts : " Lorsque au titre d'une année une cotisation de taxe professionnelle a été émise au nom d'une personne autre que le redevable légal de l'impôt, l'imposition de ce dernier, au titre de la même année, est établie au profit de l'Etat dans la limite du dégrèvement accordé au contribuable imposé à tort. " ; que la SAS BABOU, pour établir l'exagération de ses bases d'imposition, ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions qui ont pour seul objet de régir l'attribution du produit fiscal entre l'Etat et les collectivités territoriales et demeurent sans effet sur la détermination de la cotisation de taxe professionnelle exigible du redevable légal, d'autre part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, aucune autre disposition légale ni aucun principe général n'impose, avant l'établissement d'une imposition mise à la charge de son redevable légal, qu'il soit procédé par l'administration fiscale à la décharge de l'imposition établie à tort au nom d'un autre contribuable ;

En ce qui concerne l'invocation de la doctrine de l'administration :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SAS BABOU a été primitivement imposée à la taxe professionnelle sur la commune de Cournon d'Auvergne au titre des années restant en litige ; que, par suite, les cotisations supplémentaires mises à sa charge au titre de ces mêmes années dans la même commune à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet procèdent nécessairement d'un rehaussement d'imposition au sens des dispositions de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales ; que, par suite, l'administration n'est pas fondée à faire valoir qu'un tel moyen, à défaut de rehaussement, n'est pas recevable ;

Considérant que la documentation de base 6 E-2211 prévoit dans son paragraphe 8 " que la valeur locative d'un même bien immobilier ne peut être retenue dans les bases d'imposition de deux redevables différents " ; que cette doctrine, qui implique que l'administration, avant d'inclure la valeur locative d'un bien immobilier dans la base d'imposition d'un redevable, s'assure de ne pas avoir inclus la même valeur dans la base d'imposition d'un autre redevable, ne saurait être regardée ni comme une interprétation des dispositions précitées relatives à la taxe professionnelle, ni, d'une manière plus générale, comme permettant à deux redevables de déterminer lequel d'entre eux sera le redevable final de l'impôt ; que, par suite, si la SAS BABOU fait valoir que les équipements et biens litigieux ont déjà été inclus dans les bases d'imposition à la taxe professionnelle de ses mandataires ainsi que le prévoyait la convention de mandat les liant, elle ne peut, alors qu'au surplus elle n'a pas fait état de ces éléments dans sa déclaration de taxe professionnelle, se prévaloir de ces dispositions, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, pour demander la décharge des impositions contestées ;

Sur le moyen tiré du non-assujettissement de la SAS BABOU à raison des biens en litige :

En ce qui concerne le terrain de la loi fiscale :

Considérant que les cotisations litigieuses ont été établies en application des dispositions précitées du 3° bis de l'article 1469, issues de l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 du 30 décembre 2003 ; que ces dispositions ont pour objet d'instituer redevable des droits assis sur cet élément de base, dans le cas qu'elles définissent, et par exception à la règle découlant des termes du a du 1° de l'article 1467, un contribuable autre que celui qui a disposé des biens pour effectuer les opérations que comporte son activité ; qu'il en résulte que les équipements et biens mobiliers utilisés par une personne qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire sont imposés, à défaut de sous-locataire ou locataire, au nom de leur propriétaire dans le cas où ceux-ci sont passibles de la taxe professionnelle ; qu'il n'est pas contesté que la SAS BABOU, par ailleurs passible de la taxe professionnelle, est le propriétaire des équipements et biens mobiliers mis à disposition de ses mandataires ; que par suite, la SAS BABOU n'est pas fondée à faire valoir, sur le terrain de la loi fiscale, que c'est à tort que la valeur locative de ces immobilisations corporelles a été incluse dans l'assiette de sa taxe professionnelle au titre des années 2004 et 2005 ;

En ce qui concerne le terrain de la doctrine :

Considérant que la SAS BABOU se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de nombreuses prises de position par lesquelles des agents de l'administration auraient considéré que les biens et équipements mobiliers mis à disposition des mandataires devaient être imposés chez ces mandataires ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que la prise de position de M. Jourdain en date du 6 janvier 2004 concerne la commune de Garges-les-Gonesse et ne peut, en conséquence et en tout état de cause, être évoquée à l'appui du présent litige, d'autre part que les autres prises de position évoquées, antérieures à la loi précitée du 30 décembre 2003, n'ont pu que constituer des interprétations des dispositions de l'article 1469 du code général des impôts dans leur rédaction alors en vigueur ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS BABOU est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002, 2003, 2004 et 2005 pour les établissements de Vichy et de Cournon d'Auvergne à l'exception de celles qui procèdent, pour cette dernière commune et au titre des années 2004 et 2005, du rehaussement de valeur locative afférente aux équipements et biens mobiliers mis à la disposition de son mandataire ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des frais exposés par la société et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La SAS BABOU est déchargée des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002, 2003, 2004 et 2005 pour les établissements de Vichy et de Cournon d'Auvergne à l'exception de celles qui procèdent, pour cette dernière commune et au titre des années 2004 et 2005, du rehaussement de valeur locative afférente aux équipements et biens mobiliers mis à la disposition de son mandataire ;

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont Ferrand est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS BABOU une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SAS BABOU est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS BABOU et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 décembre 2010.

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N° 09LY01911


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01911
Date de la décision : 23/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Jean Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : FIDAL SOCIETE D' AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-23;09ly01911 ?
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