Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2009, présentée pour Mme Lucette A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) l'annulation du jugement n° 0602895 du 17 février 2009 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation par la commune du Planay pour un montant de 23 936,46 euros du préjudice subi à la suite de l'inondation de son bâtiment le 19 juin 2005 ;
2°) la condamnation de la commune du Planay à lui verser les sommes de 26 481,98 euros en réparation du sinistre et de 1 965,60 euros au titres des frais d'huissier et d'architecte, outre les intérêts au taux légal à compter du dépôt de la demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Planay le paiement d'une somme de 3 542,95 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la responsabilité de la commune a, à juste titre, été retenue par le Tribunal ;
- le fonctionnement défectueux d'une canalisation d'eau communale et d'un regard, à l'égard desquels elle est tiers, sont à l'origine des dégâts ;
- le maire a également commis une faute de police dans la prévention de l'inondation litigieuse ;
- le jugement est irrégulier faute pour elle d'avoir pu discuter le moyen relevé d'office, tiré de ce que la preuve n'était pas apportée qu'elle n'avait pas été indemnisée par son assureur ;
- elle atteste de bonne foi qu'elle n'a reçu aucune indemnisation et son assureur le certifie également ;
- elle justifie de l'étendue des désordres exposés ainsi que des frais d'architectes, d'huissier ou avocat ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 15 octobre 2010, le mémoire présenté pour la commune du Planay, représentée par son maire, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A ;
Elle fait valoir que :
- il n'existe aucun ouvrage public lui appartenant ;
- elle n'est pas propriétaire du ruisseau qui est bordé de parcelles privatives ;
- les propriétaires riverains sont en charge de l'entretien et seule leur responsabilité peut être engagée ;
- le bâtiment de Mme A a été construit postérieurement au busage du ruisseau par l'entreprise Pechiney ;
- les précipitations à l'origine du sinistre ont présenté un caractère de force majeure ;
- les détritus à l'origine du blocage du busage étaient en provenance des propriétés situées en amont ;
- Mme A a commis une faute en n'entretenant pas le ruisseau et la canalisation passant sous son bâtiment ;
- aucune indemnisation n'est due ;
Vu, enregistré le 24 novembre 2010, le mémoire présenté pour Mme A, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, portant à 5 508, 55 euros la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et soutenant en outre que :
- le ruisseau busé et le regard sont des ouvrages publics ;
- il n'y a aucun cas de force majeure ni faute de la victime ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2010 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
Considérant qu'à la suite d'un violent orage survenu le 19 juin 2005, le bâtiment à usage commercial et d'habitation dont Mme A est propriétaire sur le territoire de la commune du Planay a été inondé par les eaux en provenance d'un ruisseau canalisé passant sous ce bâtiment ; que, par un jugement du 17 févier 2009, le Tribunal administratif de Grenoble a reconnu la responsabilité sans faute de la commune envers Mme A en jugeant que le sinistre résultait du fonctionnement défectueux de l'ouvrage public communal constitué par le ruisseau canalisé et le regard aménagé au pied de la façade de son bâtiment, à l'égard desquels elle a la qualité de tiers, mais il a rejeté sa demande faute pour celle-ci de justifier de la réalité de son préjudice ; que Mme A relève appel de ce jugement uniquement en tant qu'il a écarté l'indemnisation de ses préjudices ; que la commune de Planay conteste sa responsabilité ;
Sur la responsabilité :
Considérant que les dommages survenus à l'immeuble dont Mme A est propriétaire sont imputables au débordement des eaux du ruisseau des Airollées busé au siècle dernier depuis un point de captage situé en amont de ce bâtiment ; qu'il résulte de l'instruction que la commune a effectué des travaux d'entretien sur cette installation, dont fait partie le regard par lequel se sont échappées les eaux à l'origine de l'inondation en cause, et qu'elle l'utilise notamment pour le nettoyage des égouts communaux auxquels elle est raccordée ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la commune, et alors même qu'elle n'en serait pas propriétaire dans son ensemble, ce dispositif constitue un ouvrage public à l'égard duquel Mme A avait la qualité de tiers ; que les précipitations qui se sont abattues le 19 juin 2005 sur la commune n'ont pas présenté un caractère de violence imprévisible constituant un cas de force majeure ; que le défaut d'entretien de cet ouvrage par les riverains n'est pas de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que Mme A aurait commis une faute en laissant s'accumuler dans la canalisation des détritus qui auraient empêché le libre cours de l'eau ni qu'elle se serait sciemment exposée à un risque d'inondation en occupant un bâtiment édifié postérieurement au busage du ruisseau ; que la commune n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle serait dégagée de toute responsabilité à l'égard de Mme A ;
Sur le préjudice :
Considérant que l'inondation litigieuse a détérioré les cloisons et revêtements intérieurs ainsi que les sols, portes et fenêtres du bâtiment de Mme A; que les dommages de cette nature doivent être évalués à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; qu'il n'en va autrement que si ces travaux ont été retardés pour une cause indépendante de la volonté de la victime ; que Mme A ne fait état d'aucune circonstance qui l'aurait contrainte à différer les travaux destinés à mettre fin aux désordres affectant son bâtiment ; que si, dans le dernier état de ses conclusions, Mme A évalue à 26 481,98 euros les dommages causés à son bâtiment, il résulte de l'instruction, et notamment des devis qu'elle a produits en première instance, qui ne sont pas sérieusement contestés par la commune, que les travaux nécessaires pour y remédier définitivement étaient estimés, en 2005, à la somme de 23 936,46 euros ; que, compte tenu du degré de vétusté des parties du bâtiment ainsi endommagées, il sera fait une juste appréciation du préjudice matériel subi par Mme A, en le fixant à la somme forfaitaire de 16 755 euros ;
Considérant que si Mme A demande une somme de 1 965,60 euros en remboursement des frais d'huissier et d'architecte qu'elle a pu exposer, il résulte de l'instruction que seul a été utile à la solution du litige un procès verbal d'huissier pour un montant de 394,03 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que Mme A, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'elle n'a perçu aucune prestation d'assurance venant en déduction de l'indemnité allouée, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande et à demander la condamnation de la commune du Planay à lui verser une indemnité de 17 149,03 euros en réparation des préjudices subis ;
Sur les intérêts et leur capitalisation:
Considérant que Mme A a droit aux intérêts de la somme de 17 149,03 euros à compter de l'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Grenoble, soit le 17 juin 2006 ; que Mme A a demandé la capitalisation des intérêts à cette même date ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande au 17 juin 2007 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les conclusions présentées par la commune du Planay sur le fondement de l'article L. 761-1 ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Planay le paiement à Mme A, qui en justifie, de la somme globale de 3 542,95 euros exposée tant devant le Tribunal que devant la Cour au titre de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 17 février 2009 est annulé.
Article 2 : La commune du Planay est condamnée à verser à Mme A une somme de 17 149,03 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2006. Les intérêts échus au 17 juin 2007 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La commune du Planay versera à Mme A une somme de 3 542,95 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Lucette A et à la commune du Planay.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Vivens, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 décembre 2010.
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N° 09LY00804