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30/11/2010 | FRANCE | N°10LY00208

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2010, 10LY00208


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 20 janvier 2010 et régularisée par courrier le 22 janvier 2010, présentée pour M. Guillaume MARTIN, domicilié 2 rue de la Corvée du Pont à Messigny-et-Vantoux (21380) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800899 du 17 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2006 ;

2°) de prononcer la réduction demandée et d'ordonner, en conséquence, la

restitution d'un surplus de crédit d'impôt avec intérêts de droit ;

3°) de mettre à la c...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 20 janvier 2010 et régularisée par courrier le 22 janvier 2010, présentée pour M. Guillaume MARTIN, domicilié 2 rue de la Corvée du Pont à Messigny-et-Vantoux (21380) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800899 du 17 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2006 ;

2°) de prononcer la réduction demandée et d'ordonner, en conséquence, la restitution d'un surplus de crédit d'impôt avec intérêts de droit ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts sont contraires aux stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elles contraignent les titulaires de bénéfices non commerciaux, de bénéfices industriels et commerciaux ou de bénéfices agricoles à adhérer à une association de gestion agréée ; que ces dispositions sont en outre contraires aux dispositions de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 juin 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la majoration de 25 % prévue au 7 de l'article 158 du code général des impôts est intégrée dans la chaîne de calcul de l'impôt sur le revenu et ne méconnaît pas les dispositions de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'elle ne porte pas davantage atteinte à la liberté d'association ; qu'elle ne constitue ni une présomption de fraude à l'encontre des non-adhérents, ni une pénalisation ; qu'elle n'a pas été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans la décision n° 2005-530 DC rendue lors de l'examen de la loi de finances pour 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 août 2010, présenté pour M. A qui demande à la Cour, à l'appui de la requête susvisée, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts et de sursoir à statuer sur les conclusions de sa requête dans l'attente de la réponse à cette question ;

Il soutient que ces dispositions, applicables au présent litige et n'ayant pas été déclarées conformes à la Constitution, sont contraires au principe de présomption d'innocence garanti par l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au principe de liberté d'association, érigé en principe fondamental reconnu par les lois de la République, et au principe d'égalité devant l'impôt, dégagé de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 août 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui demande à la Cour de constater qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité présentée pour le requérant ;

Il soutient que par la décision n° 2010-16 QPC du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2010 :

- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant que M. Guillaume A, qui a exercé à titre libéral la profession d'avocat à compter du mois de février 2006, conteste le jugement du 17 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2006 ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant, qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. (...) ; qu'aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 76 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 : Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : 1° Aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréé défini aux articles 1649 quater C à 1649 quater H, à l'exclusion des membres d'un groupement ou d'une société mentionnés aux articles 8 à 8 quinquies et des conjoints exploitants agricoles de fonds séparés ou associés d'une même société ou groupement adhérant à l'un de ces organismes ; (...) ; que ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-16 QPC du 23 juillet 2010 ; que, dès lors, en l'absence de changement de circonstances, la question, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de la transmettre au Conseil d'Etat, le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Sur les autres moyens présentés pour M. A :

Considérant, en premier lieu, que les moyens, au demeurant infondés, tirés de ce que les dispositions précitées du 7 de l'article 158 du code général des impôts méconnaîtraient celles de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le principe constitutionnel de liberté d'association ne peuvent être utilement présentés à l'appui d'une requête en dehors de la procédure prévue par les dispositions de l'article 61-1 de la Constitution ; qu'ils ne peuvent, en conséquence, qu'être écartés ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1 - Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. / 2 - L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'Etat. ;

Considérant que les associations de gestion agréées ont été instituées pour procurer à leurs adhérents une assistance technique en matière de tenue de comptabilité et favoriser une meilleure connaissance des revenus non salariaux, afin de mettre en oeuvre un objectif de lutte contre l'évasion fiscale ; que le législateur, tenant compte de la spécificité du régime juridique des adhérents à ces associations, avait encouragé l'adhésion à ces organismes par l'octroi d'avantages fiscaux et notamment d'un abattement correspondant, avant le 1er janvier 2006, à 20 % du bénéfice imposable ; que la majoration, à compter du 1er janvier 2006, de 25 % des revenus professionnels imposables des membres de professions libérales non-adhérents à une association de gestion agréée est intervenue dans le cadre d'une réforme globale de l'impôt sur le revenu, qui a concerné tous les contribuables, et constitue la contrepartie, arithmétiquement équivalente, de la suppression de l'abattement de 20 % dont bénéficiaient, avant cette réforme de l'impôt, les adhérents à un organisme de gestion agréé ; qu'en supposant même que les dispositions de l'article 158 du code général des impôts puissent porter atteinte à la liberté d'association garantie par les stipulations précitées de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette atteinte ne saurait, eu égard à l'objet de ces associations, aux contraintes qu'elles imposent à leurs membres, aux montants des frais d'adhésion et cotisations qu'elles perçoivent, ainsi qu'à l'objectif de lutte contre la fraude fiscale et d'amélioration de la connaissance des revenus visé par ces organismes, être regardée comme revêtant un caractère disproportionné par rapport aux buts d'intérêt général poursuivis par le législateur ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient les stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à la restitution d'un crédit d'impôt en conséquence de la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu en litige et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.

Article 2 : La requête de M. A est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Guillaume A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 30 novembre 2010.

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N° 10LY00208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00208
Date de la décision : 30/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - MULTIPLICATION PAR 1 - 25 DE CERTAINS REVENUS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 158 DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS - MÉCONNAISSANCE DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 11 DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES (NON).

19-04-02 En supposant même que les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts, prévoyant une multiplication par 1,25 de certains revenus perçus par des contribuables n'étant pas adhérents d'une association de gestion agréée, puissent porter atteinte à la liberté d'association garantie par les stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette atteinte ne saurait, eu égard à l'objet de ces associations, aux contraintes imposées à leurs membres, aux montants des frais d'adhésion et cotisations perçus, ainsi qu'à l'objectif de lutte contre la fraude fiscale et d'amélioration de la connaissance des revenus visé par ces organismes, être regardée comme revêtant un caractère disproportionné par rapport aux buts d'intérêt général poursuivis par le législateur.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - LIBERTÉS PUBLIQUES ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE - LIBERTÉ D'ASSOCIATION - MULTIPLICATION PAR 1 - 25 DE CERTAINS REVENUS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 158 DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS - MÉCONNAISSANCE DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 11 DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES (NON).

26-03-08 En supposant même que les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts, prévoyant une multiplication par 1,25 de certains revenus perçus par des contribuables n'étant pas adhérents d'une association de gestion agréée, puissent porter atteinte à la liberté d'association garantie par les stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette atteinte ne saurait, eu égard à l'objet de ces associations, aux contraintes imposées à leurs membres, aux montants des frais d'adhésion et cotisations perçus, ainsi qu'à l'objectif de lutte contre la fraude fiscale et d'amélioration de la connaissance des revenus visé par ces organismes, être regardée comme revêtant un caractère disproportionné par rapport aux buts d'intérêt général poursuivis par le législateur.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : BOSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-30;10ly00208 ?
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