La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2010 | FRANCE | N°09LY02849

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2010, 09LY02849


Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2009 à la Cour, présentée pour Mme Sadija A, domiciliée ...

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902596 en date du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 15 décembre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, dans le délai d'un mois, et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pou

r elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était fa...

Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2009 à la Cour, présentée pour Mme Sadija A, domiciliée ...

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902596 en date du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 15 décembre 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, dans le délai d'un mois, et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Rhône de lui délivrer un titre mention étranger malade ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que le refus de lui délivrer un titre de séjour méconnaît, en premier lieu, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite des soins qui ne peuvent être utilement donnés qu'en France et, en second lieu, les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle ne peut mener une vie personnelle et familiale dans son pays d'origine ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît, pour les mêmes motifs, les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code précité et les stipulations de l'article 8 de la Convention susmentionnée ; que la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du même code et les stipulations de l'article 3 de la Convention précitée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 7 avril 2010, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme A, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la requête d'appel est irrecevable, et que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 513-2 du code précité et les stipulations de l'article 3 de la Convention susmentionnée ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 avril 2010, présenté pour Mme A qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2010 :

- le rapport de M. Givord, président-assesseur ;

- les observations de Me Vibourel, représentant Mme A,

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à la partie présente ;

Considérant que Mme A, née le 3 novembre 1984 en Yougoslavie et se déclarant de nationalité bosnienne, est entrée en France à la date alléguée du 29 janvier 2005, où, selon ses déclarations, son mari l'a rejointe au mois de mars 2005 ; qu'elle a sollicité le bénéfice de l'asile qui lui a été refusé par une décision du 22 août 2005 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Commission de recours des réfugiés le 19 décembre 2006 ; que par un arrêté en date du 5 mars 2007, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour ; qu'après le rejet par la Cour nationale du droit d'asile, le 1er juillet 2008, de sa demande de réexamen de son admission au bénéfice de l'asile politique, Mme A a demandé son admission au séjour en raison de son état de santé ; que par la présente requête, elle demande à la Cour d'annuler le jugement du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 décembre 2008 par laquelle le préfet du Rhône a rejeté cette nouvelle demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (...) ; qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin-inspecteur de santé publique, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressée et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressée, l'autorité administrative ne peut légalement décider l'éloignement de l'étranger que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays de renvoi ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressée peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

Considérant que le médecin-inspecteur de santé publique, par un avis en date du 19 mars 2008, a considéré que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de certificats médicaux que Mme A présente une pathologie anxio-dépressive d'ordre réactionnelle ainsi que des céphalées nécessitant la prise d'un traitement médicamenteux ;

Considérant que la requérante fait valoir que les médicaments qui lui ont été prescrits en France ne sont pas disponibles en Bosnie, qu'elle a établi en France un lien thérapeutique avec le psychologue qui la suit qui ne saurait être interrompu et qu'elle ne peut bénéficier de soins appropriés en Bosnie, compte tenu du traumatisme qu'elle a vécu dans ce pays ; que, toutefois, il ne ressort des pièces du dossier ni que l'intéressée n'aurait pas accès dans son pays d'origine à un traitement médicamenteux équivalent à celui prescrit en France, ni que les événements survenus dans ce pays ne lui permettraient pas de bénéficier d'un traitement approprié à son état ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que Mme A soutient que ses parents ont rejeté son mari de nationalité bosnienne, mais d'origine serbe ; que le couple a été expulsé de son logement ; qu'un enfant est né en France de leur union, le 25 janvier 2006, et qu'il y est scolarisé ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que le couple ne fait état d'aucune attache familiale particulière en France alors qu'il n'est pas contesté que les parents et le beau-père de Mme OSMANOVIC se trouvent en Bosnie-Herzégovine ; que si la requérante fait état d'obstacles à l'acceptation de son époux par ses parents, ainsi que de leur difficulté pour se loger dans leur région d'origine, il n'est pas établi qu'elle ne pourrait poursuivre une vie privée et familiale hors du territoire français, eu égard notamment au jeune âge de l'enfant ; que, dans ces conditions et compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour attaquée n'a pas porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il en résulte que le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que pour les motifs précédemment exposés, Mme A n'est fondée à soutenir ni qu'en vertu des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son état de santé faisait obstacle à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français, ni que cette obligation a méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que Mme A soutient que la décision attaquée l'expose à un traitement inhumain et dégradant ; qu'elle fait valoir qu'elle a subi les conséquences du conflit en Bosnie-Herzégovine, que notamment, elle a été témoin des violences commises et a connu une histoire familiale difficile ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A, dont, comme il a été dit, la demande d'admission au bénéfice de l'asile a été refusée, n'apporte aucun élément probant permettant de démontrer la réalité des risques qu'elle encourrait personnellement en cas de retour en Bosnie-Herzégovine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant ce pays comme destination de la mesure d'éloignement a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet est dénué de précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme A la somme que le préfet demande au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sadija A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Givord, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 novembre 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 09LY02849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02849
Date de la décision : 30/11/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Pierre Yves GIVORD
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : VIBOUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-30;09ly02849 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award