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25/11/2010 | FRANCE | N°09LY02569

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 25 novembre 2010, 09LY02569


Vu la requête, enregistrée le 6 novembre 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Ali A, élisant domicile chez ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903334, en date du 6 octobre 2009, par lequel Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2009 du préfet de la Drôme qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, dans le délai d'un mois, à destination du pays dont il a la nationalité et, d'autre part, à ce qu'i

l soit enjoint audit préfet de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et fam...

Vu la requête, enregistrée le 6 novembre 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Ali A, élisant domicile chez ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903334, en date du 6 octobre 2009, par lequel Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2009 du préfet de la Drôme qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, dans le délai d'un mois, à destination du pays dont il a la nationalité et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale ", dans le délai de 30 jours, ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois, et, dans l'attente, de lui délivrer, dans les deux jours, une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler ledit arrêté préfectoral et d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale ", dans le délai de 30 jours, ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois, et, dans l'attente, de lui délivrer, dans les deux jours, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 050 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

M. A soutient que l'arrêté, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en effet, outre que les médicaments dont il a besoin ne sont pas commercialisés en Tunisie, il ne pourra pas effectivement y bénéficier d'un traitement approprié à son état, compte-tenu de ses revenus et de la faible prise en charge d'un tel traitement par le système d'assurance maladie tunisien ; que ces éléments doivent être pris en compte en vertu de la circulaire du 12 mai 1998 ; que, d'ailleurs, dans son premier avis le médecin inspecteur de la santé publique a estimé que le traitement nécessaire à son état n'était pas disponible dans son pays d'origine ; que l'arrêté litigieux méconnaît, en outre, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2010, présenté par le préfet de la Drôme qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que sa décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les deux avis rendus par le médecin inspecteur de la santé publique ne sont pas contradictoires ; que le dernier avis précise que le requérant peut bénéficier d'un traitement approprié à son état dans son pays d'origine ; que l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à démontrer le contraire ; que la difficulté, d'ordre financier, d'accès aux soins est sans incidence sur l'existence des soins dans le pays d'origine ; que le requérant n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en tout état de cause, le refus de titre n'a pas méconnu ces dispositions ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'une obligation de quitter le territoire a pu, en conséquence, être prise régulièrement en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'obligation de quitter le territoire est motivée ; qu'en tout état de cause, elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation ;

Vu la décision, en date du 15 décembre 2009, du bureau d'aide juridictionnelle, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2010 :

- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant tunisien, qui serait, selon ses déclarations, entré en France le 23 octobre 2005, fait appel du jugement du 6 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2009 du préfet de la Drôme qui lui a refusé la délivrance du titre de séjour qu'il a sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a obligé à quitter le territoire français, dans le délai d'un mois, à destination du pays dont il a la nationalité ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de ces dispositions : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire en application de l'article 12 bis (11°) ou qui invoque les dispositions de l'article 25 (8°) de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou un praticien hospitalier. " ; qu'aux termes de l'article 3 du même arrêté : " (...) le médecin agréé ou le praticien hospitalier établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution et, éventuellement, la possibilité de traitement dans le pays d'origine. Ce rapport médical est transmis, sous pli confidentiel, au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales dont relève la résidence de l'intéressé " ; que l'article 4 du même arrêté prévoit que : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; /- et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. /. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l' article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant que M. A a sollicité le 30 juin 2008 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'après avis du médecin inspecteur de la santé publique du 12 août 2008, concluant à la nécessité, pour l'intéressé, de poursuivre son traitement en France durant une période de six mois, le préfet de la Drôme lui a délivré une autorisation provisoire de séjour pour cette période ; qu'à échéance M. A a renouvelé sa demande de titre ; qu'après un nouvel avis du médecin inspecteur de la santé publique du 23 avril 2009, estimant que, si l'état de santé de M. A nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement être traité dans son pays d'origine, le préfet de la Drôme lui a, par l'arrêté litigieux, refusé la délivrance du titre sollicité ;

Considérant que M. A soutient, en premier lieu, que le traitement qui lui est prescrit n'est pas disponible en Tunisie, ainsi que l'aurait d'ailleurs précisé le médecin inspecteur de la santé publique dans son premier avis ; que, toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier produites en première instance par le préfet de la Drôme qu'un traitement approprié à l'état de santé du requérant est disponible sur tout le territoire tunisien et, d'autre part, le médecin inspecteur de la santé publique a, par un avis rendu le 23 avril 2009, confirmé que M. A pouvait effectivement être traité dans son pays d'origine ; que la circonstance que ce dernier avis soit différent de celui rendu le 12 août 2008 à l'occasion de la première demande de titre de l'intéressé n'est pas, par elle-même, de nature à révéler une erreur du médecin inspecteur de la santé publique ni, par suite, du préfet de la Drôme, dès lors que ce premier avis, qui précisait que le bilan médical de l'intéressé était en cours et que les résultats devaient être communiqués, n'était que temporaire ; qu'enfin les éléments produits par le requérant ne comportent aucune indication susceptible de remettre en cause la seconde appréciation du médecin inspecteur de la santé publique ; que M. A soutient, en second lieu, que son traitement est coûteux et qu'il ne pourra pas effectivement en bénéficier dans son pays d'origine en raison de ses revenus et de la faible prise en charge par le système d'assurance maladie tunisien ; que, cependant, outre qu'existe en Tunisie un dispositif assurant la prise en charge des soins dispensés aux personnes dépourvues de ressources ou dont les ressources sont inférieures à certains seuils et que M. A ne fait état d'aucune circonstance qui l'empêcherait, le cas échéant, d'en bénéficier, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les ressources dont il dispose ne seraient pas suffisantes pour assurer le coût de son traitement ; qu'il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Drôme aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur son état de santé ;

Considérant que M. A ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 12 mai 1998 du ministre de l'intérieur qui est dépourvue de valeur réglementaire ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les autres moyens, déjà présentés en première instance et repris en appel, tirés, d'une part, de ce que l'arrêté du 16 juin 2009, en tant qu'il refuse à l'intéressé un titre de séjour, méconnaîtrait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et, d'autre part, de ce que ce même arrêté, en tant qu'il porte obligation, pour l'intéressé, de quitter le territoire, serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de ce dernier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'il a présentées aux fins d'injonction, ainsi que sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ali A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 novembre 2010.

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N° 09LY02569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02569
Date de la décision : 25/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-25;09ly02569 ?
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