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09/11/2010 | FRANCE | N°09LY02894

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 09 novembre 2010, 09LY02894


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2009, présentée pour M. Adnan B et Mme Miradije B, domiciliés ... ;

M. Adnan B et Mme Miradije B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901755-0901756 du 21 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions prises à l'encontre de chacun par le préfet de l'Isère, le 26 janvier 2009, et portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et détermination du pays de renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de

pouvoir ces décisions du 26 janvier 2009 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, de ...

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2009, présentée pour M. Adnan B et Mme Miradije B, domiciliés ... ;

M. Adnan B et Mme Miradije B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901755-0901756 du 21 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions prises à l'encontre de chacun par le préfet de l'Isère, le 26 janvier 2009, et portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et détermination du pays de renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions du 26 janvier 2009 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, de leur délivrer, dans les quinze jours suivant l'arrêt à intervenir, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ou salarié , sous astreinte de 100 euros par jours de retard, et subsidiairement une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutiennent qu'ils n'ont pas la même nationalité, Monsieur étant serbe, et Madame kosovarde ; que leur foyer ne peut donc se reconstituer ni en Serbie, ni au Kosovo, ni en Allemagne, pays qui a délivré un titre de séjour à Mme B, mais dont M. B a été expulsé, avec interdiction du territoire ; que leur éloignement porterait donc une atteinte disproportionnée à leur droit à une vie privée et familiale normale ; qu'ainsi ont été méconnues tant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; que le préfet de l'Isère a en outre entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée en droit, faute de préciser son fondement légal, ni en fait, les motifs des arrêtés se rapportant exclusivement aux décisions de refus de titre et d'obligation de quitter le territoire ; que le préfet s'est en outre estimé lié par les décisions de refus d'asile pour considérer que ses décisions de refus de titre et d'obligation de quitter le territoire ne contrevenaient pas à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2010, présenté par le préfet de l'Isère, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que Mme B est, ainsi que l'atteste son passeport, de nationalité serbe, contrairement à ce qu'elle soutient désormais ; que l'arrêté attaqué n'a, en ses différentes décisions, ni porté une atteinte disproportionnée aux droits des requérants à une vie privée et familiale normale, ni méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; qu'il a procédé à un examen particulier de la situation individuelle des intéressés, notamment au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de sorte qu'il ne saurait être regardé comme s'étant senti lié par le rejet des demandes d'asile de M. et Mme B ;

Vu l'ordonnance en date du 17 août 2010 fixant la clôture d'instruction au 10 septembre 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 6 novembre 2009 accordant à M. B le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2010 :

- le rapport de M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant que M. B, né en 1984 à Belgrade (Yougoslavie) et son épouse née en 1988 à Pristina, seraient entrés en France le 19 juillet 2008 afin de solliciter l'asile ; que par deux décisions du 23 septembre 2008, le préfet de l'Isère a soumis leur demande d'asile à la procédure prioritaire d'examen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et a refusé de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 7 novembre 2008 ; qu'ils ont formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile le 3 décembre 2008 ; que, par deux arrêtés en date du 26 janvier 2009, le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à chacun d'eux un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français, et a fixé le pays de destination ; que M. et Mme B relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, le 21 juillet 2009, rejeté leurs recours contre ces décisions ;

Sur la légalité des décisions de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet de l'Isère s'est livré à une appréciation de la situation personnelle des requérants avant de leur opposer un refus de titre de séjour et ne s'est pas estimé lié par le rejet de leurs demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il n'a donc pas entaché ses décisions d'une erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. et Mme B sont entrés en France avec leur premier enfant en juillet 2008 ; qu'à l'exception du père de M. B, qui avait à cette époque sollicité le statut d'apatride, aucun membre de leur famille ne réside en France, et qu'ils ne démontrent pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine ; que si Mme B soutient qu'elle serait de nationalité kosovarde , il ressort des pièces du dossier, et notamment de leurs passeports et de leurs propres déclarations lors de l'instruction de leur demande d'asile, que les requérants sont ressortissants de la République serbe, d'origine rom ; que la circonstance que M. B a été expulsé d'Allemagne et y a été interdit de séjour, alors que son épouse y est titulaire d'un titre de séjour renouvelable, ne fait pas obstacle à ce qu'ils puissent, accompagnés de leurs deux enfants, reconstituer leur cellule familiale hors de France, nonobstant la circonstance qu'une partie de leurs ascendants vit en Allemagne, et que le père du requérant avait, à la date des décisions attaquées, sollicité en France le statut d'apatride ; que dès lors, eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour en France, le préfet de l'Isère n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ses décisions ont été prises ; que, par suite, il n'a méconnu les stipulations ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'il n'a pas davantage entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, pour les motifs énoncés ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a méconnu les stipulations ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

Considérant, en premier lieu, que ces décisions mentionnent la nationalité des requérants ; qu'elles énoncent les considérations de droit qui en constituent le fondement, dès lors notamment que, contrairement à ce que soutiennent ces derniers, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient qu' (...) un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 , ne constituent pas la base légale habilitant le préfet à fixer le pays de destination de l'éloignement, et n'ont pas à être nécessairement visées dans cette décision ; qu'elles sont ainsi suffisamment motivées et satisfont à l'obligation de motivation résultant des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les moyens tirés de la violation, par la décision fixant le pays de renvoi, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Adnan B et Mme Miradije B est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Adnan B et Mme Miradije B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Segado et Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2010.

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N° 09LY02894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02894
Date de la décision : 09/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Laurent LEVY BEN CHETON
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : J. BORGES et M. ZAIEM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-09;09ly02894 ?
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