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29/10/2010 | FRANCE | N°09LY02084

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 octobre 2010, 09LY02084


Vu la requête, enregistrée le 31 août 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la société ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS, dont le siège est 6 avenue de Saunier à Le Cheylard (07160) ;

La société ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700170 du Tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2009 rejetant sa demande en réduction des cotisations supplémentaires et pénalités afférentes d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2000, 2001 et 2002 à ra

ison du redressement relatif à des transferts de bénéfice à l'étranger notifiés à la so...

Vu la requête, enregistrée le 31 août 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la société ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS, dont le siège est 6 avenue de Saunier à Le Cheylard (07160) ;

La société ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700170 du Tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2009 rejetant sa demande en réduction des cotisations supplémentaires et pénalités afférentes d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2000, 2001 et 2002 à raison du redressement relatif à des transferts de bénéfice à l'étranger notifiés à la société Bijoux Altesse, sa filiale fiscalement intégrée ;

2°) de prononcer les réductions demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à son profit, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'il appartient à l'administration fiscale de démontrer l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale des bijoux vendus par la Société SMV Thaïland ; qu'au cas d'espèce elle ne fait que mettre en avant l'absence d'ajustement du taux de conversion entre les différentes monnaies ;

- que dans un cas similaire, la CAA de Paris (06PA02841 - 25 juin 2008 Ste Novartis Groupe France SA) a estimé qu'il appartenait à l'administration fiscale d'établir qu'il y a un prix excessif par comparaison avec les prix auxquels des produits similaires sont vendus par des entreprises comparables n'ayant aucun lien de dépendance entre elles ;

- que la société Bijoux Altesse a, par la cotation qu'elle a fait effectuer par la société concurrente Tet Design, apporté la preuve que le prix de vente des bijoux fantaisie fabriqués par la société SMV Thaïland n'avait pas été fixé à un niveau supérieur à celui du marché ; que ce travail a porté sur 2360 articles ; que le caractère très isolé du concurrent tient au fait que chaque usine fabrique des articles différents selon les pays de destination des bijoux, ce qui a rendu difficile le "recrutement" d'un concurrent, et ce d'autant que la France est approvisionnée en bijoux fantaisie industriels par trois sociétés principales dont deux appartiennent au groupe Bijoux Georges Legros ; que si les fiches établies par Tet Design ne comportent aucun commentaire, elles contiennent toutes les précisions nécessaires à la fixation du prix de chaque produit : nature, poids et prix des métaux utilisés, nature, poids et prix des pierres utilisées et photographie du bijou ;

- que Bijoux Altesse a démontré, par la production des catalogues de ses concurrents sur le marché national qu'elle a pratiqué durant la période vérifiée des prix tout à fait comparables à ceux de la concurrence ; qu'ainsi que l'ont attesté ses commissaires aux comptes, la société Bijoux Altesse a, en vendant les produits achetés à la société SMV Thaïland, réalisé une marge bénéficiaire confortable ; qu'en réponse à cette argumentation, l'administration n'a soulevé que l'absence de variation du taux de conversion des monnaies ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 février 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que le vérificateur a réintégré aux résultats de la société Bijoux Altesse la partie du prix d'achat à la société SMV Thaïland correspondant à l'application erronée des taux de change qui constitue un avantage indu à une filiale étrangère ;

- que l'article 9 de la convention franco-thaïlandaise du 27 décembre 1974 stipule que lorsque deux entreprises de chacun des pays contractants sont unies par des relations commerciales ou financières qui diffèrent de celles qui auraient été conclues par des entreprises indépendantes, les bénéfices obtenus qui n'ont pu être imposés à raison de ces conditions peuvent être imposés en conséquence ; que l'article 57 du code général des impôts institue, lorsqu'une entreprise contrôle ou est sous la coupe d'une entreprise située hors de France, une présomption de transfert indirect de bénéfice à l'étranger dès lors que l'administration fiscale établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans les prévisions de l'article 57 ;

- qu'il appartient à l'entreprise française qui a consenti un avantage à une entreprise étrangère qui lui est liée, de justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes à son coût ;

- qu'il est constant que la société SMV Thaïland se trouvait au cours des années vérifiées sous l'entière dépendance de la société Bijoux Altesse ou de son groupe ; que la société thaïlandaise réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires en fabriquant des produits semi-finis ou en travaux à façon pour Bijoux Altesse ; que pour chaque article elle indique le prix de vente en monnaie locale, le baht en décomposant entre le prix de la matière première et le prix de la main-d'oeuvre ; qu'elle a facturé en dollars en 2000 et en euros pour 2001 et 2002 ; que la conversion a été effectuée pour 2000 sur la base d'un taux forfaitaire de 1 dollar pour 35 bath alors que le taux de conversion intercalaire moyen était pour cette même année 2000, de 40, 20423 bath pour un dollar ; que pour 2001 et 2002 la conversion a été effectuée au taux forfaitaire unique de 35 bath pour un euro, alors que le taux de conversion interbancaire moyen pour ces deux années était de 39, 90948 et de 40, 716 baht pour un euro ;

- que le service fiscal a notifié les redressements en considérant que la différence entre le taux de conversion utilisé et le taux de conversion interbancaire constituait une majoration de prix injustifié ; que concernant l'année 2002, il a limité le redressement à hauteur du bénéfice déclaré par la société SMV Thaïland ; qu'il établit ainsi l'existence des liens de dépendances entre la société SMV Thaïland et la société française ainsi qu'une majoration des prix résultant de l'application d'un taux de conversion erroné ; qu'il appartient à la société requérante de justifier que l'avantage ainsi accordé ait eu pour elle des contreparties au moins équivalentes à son coût ;

- que l'argumentation de la société requérante apparait inopérante dès lors que selon les dispositions de l'article 57 du code général des impôts, le recours à une évaluation forfaitaire tirée de la comparaison avec les résultats d'entreprises indépendantes exerçant la même activité ne doit être utilisée qu'à défaut d'éléments précis permettant de déterminer le bénéfice imposable de l'entreprise ; qu'en l'espèce l'administration fiscale n'avait pas à recourir à des comparaisons avec d'autres entreprises pour déterminer le montant des sommes à réintégrer dans les bénéfices imposables de la société française dès lors qu'elle établit que par l'application d'un taux de change erroné cette dernière a procédé à ses achats à prix majoré et que cet écart permet de déterminer les redressements ; que les modalités de facturation étaient particulièrement avantageuses pour la filiale thaïlandaise, sans que ce déséquilibre ne trouve de justifications économiques ; que les fiches signalétiques établies par la société Tet Design Compagny, qui a attesté que les prix pratiqués étaient en pleine concurrence, ne comportent aucun commentaire ni aucune conclusion à l'appui de cette attestation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2010 :

- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que la société Bijoux Altesse, qui fabrique et commercialise des bijoux fantaisie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2000, 2001 et 2002 ; que le vérificateur a constaté que les factures émises à destination de Bijoux Altesse, sa seule cliente, par la société SMV Thaïland dont elle détenait jusqu'en décembre 2000 le capital à hauteur de 94, 63 %, puis, à la suite d'une augmentation de capital permettant à sa société mère, les ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS d'en devenir l'actionnaire majoritaire, à hauteur de 48, 56 %, étaient émises en bahts, la monnaie locale, et que le montant en était converti en dollars jusqu'à l'année 2000 et en euros ultérieurement selon des taux de conversion convenus forfaitairement qui se sont révélés avantageux pour le fournisseur au regard des taux de change officiels ; que le vérificateur a considéré que cette différence constituait un avantage indu accordé à une société étrangère sous dépendance et, en application de l'article 57 du code général des impôts, a redressé la base imposable à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à l'impôt sur les sociétés de la société ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS, redevable de l'impôt ; que cette dernière fait appel du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2009 qui a rejeté sa demande en réduction desdites impositions à hauteur de ce chef de redressement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : "Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France... " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté, que l'administration justifie, d'une part, que la société SMV Thaïland se trouvait au cours de la période en litige sous l'entière dépendance de la société Bijoux Altesse jusqu'en décembre 2001, puis sous la dépendance commune des sociétés Bijoux Atlesse et ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS, d'autre part, que l'écart existant entre le taux de conversion bath/dollar puis bath/euro pratiqué par la société et le taux de conversion interbancaire moyen sur la période a eu pour conséquence une majoration anormale des prix de vente ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe d'un transfert indirect de bénéfices entre entreprises dépendantes au sens des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts ;

Considérant qu'il appartient dès lors à la société ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS d'établir que la société Bijoux Altesse a retiré une contrepartie au moins égale à l'avantage ainsi procuré à la société SMV Thaïland ; qu'en se bornant à soutenir, à partir d'une estimation par un concurrent des 2360 articles produits par cette société, que le prix de vente n'avait pas été fixé à un niveau supérieur à celui du marché et que les prix pratiqués par la société thaïlandaise ne sont pas supérieurs à ceux de la concurrence, la société ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS ne peut être regardée comme apportant cette preuve ; que, par suite, son argumentation ne peut qu'être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon, par le jugement attaquée, a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la société ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société ETABLISSEMENTS GEORGES LEGROS et au ministre du budget, des comptes publics de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2010.

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N° 09LY02084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02084
Date de la décision : 29/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Denis RAISSON
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : ROMERO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-29;09ly02084 ?
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